Marche ou Rêve* by Mrs Krobb



[ 11 juin ]

Quand je me suis réveillée, j'avais le coeur qui battait très fort. J'ai d'abord cligné des yeux, et j'ai vu la lumière. Ce même éclat que je connais si bien, j'ai su qu'il faisait beau à travers les rideaux, mais tout cela n'a eu aucune importance. Les rêves sont de drôles de choses. Dans un livre que j'ai lu il n'y a pas longtemps, c'était écrit que les cauchemars sont seulement les pets de l'inconscient, des choses disgracieuses certes, mais qu'il est important d'éliminer d'une façon ou d'une autre, et tant qu'à faire, de façon discrète, la nuit. Sur une échelle de un à dix, je dirai que cette nuit-là, l'explosion a été tellement forte qu'elle a décollé toutes les barrières, toutes les convictions, en fait, tout, tout court. Quand je me suis réveillée, j'étais ensevelie sous une montagne énorme de tout ce que j'ai essayé de refoulé pendant quelques années. Le pouvoir de rêver. L'art de rêver. Putain, ne vous engagez jamais dans cette aventure si vous n'avez pas la garantie que votre tête ne décollera jamais de vos épaules. Les rêves. J'y ai toujours donné plus de place qu'à tout le reste, ne serait-ce qu'à cause de la nébuleuse de traumatismes autour de laquelle j'ai été mise en orbite pendant si longtemps, mais à tout prendre ou tout jeter, je dirai que j'y ai pas mal gagné, finalement, tu m'as appris à canaliser de façon très poétique. Je ne t'en remercierai jamais assez. Aujourd'hui n'a pas eu le même goût que les autres jours, et bien qu'ils en changent assez souvent, j'ai tout de suite compris ce que ça signifiait : j'ai réalisé enfin ce qui arrivait. Et pour la première fois, j'ai eu envie de pleurer. A la place, j'ai ouvert le livre de Chuck Palahniuk, car c'est bien la seule solution radicale à tous les problèmes. Je me suis refusée de voir les constellations de coïncidences honteuses, ne serait-ce que pour ne pas le laisser m'avoir une deuxième fois, ne serait-ce que pour ne pas devenir vraiment fou, en fait. Le chapiteau semble avoir pris feu, il penche comme une épave, pourtant alors dis-moi, pourquoi il est toujours là. Il faudrait alors tout jeter, mais tu me connais, j'ai beau me réinventer une nouvelle vie à chaque big bang émotionnel, je garde tout en archivage, pour ne jamais rien oublier, au fond je crois surtout qu'il n'y a rien à jeter. Je continue de fermer les yeux, de l'intérieur. Charlie est le dernier survivant en date, parfois il s'amuse à nager sur le dos et alors je crie et je pleure, et ensuite il cavale comme un poney en furie dans son aquarium ; franchement, c'est un tel comique de situation, pourquoi alors il n'y a que pour toi que je n'y arrive pas ? J'ai mal à l'intérieur de moi, alors je fume cigarette sur cigarette, en plus aujourd'hui il n'y a rien qui marche, si ça n'est pas un signe, c'est au moins un coq, et il fait beaucoup de bruit. A m'en. Casser. Les oreilles. Aujourd'hui encore, quand je me suis réveillée, j'avais le coeur qui battait très fort. Les draps humides qui collent à la peau, les mâchoires qui font mal, les cheveux encroûtés parmi les cils. Je ne connais que trop bien ce goût de sang dans la bouche, qu'il faut faire partir à grands renforts de café bien noir. La première réflexion qui me vient à l'esprit, c'est : pourquoi est-ce que je comprends toujours tout avec tant d'années de retard ? Pourquoi est-ce que toutes mes colères d'hier me paraissent tellement dérisoires, pourquoi je regrette de n'avoir jamais pardonné, pourquoi, dis-moi pourquoi, j'ai encore et toujours l'impression que quelque chose manque, et que c'est fini maintenant, vas-y pour le retrouver. Je n'écris plus d'histoires depuis des lustres simplement parce que j'ai brûlé les rails du train qui menaient à ce qui est important, et tout ça, tout ça pourquoi ? Pour que Tu n'y accèdes pas. Pas avec cette facilité nonchalante dont Tu as eu l'habitude, pas avec cette perversité crasse qui m'a fait rendre l'âme sur des parquets poussiéreux des centaines de fois. C'était ma dernière lutte contre tout ça, mon dernier combat, ma dernière carte, et putain, ça T'auras vraiment foutu les glandes, toutes ces nuits où je ne me suis pas réveillée en pleurant Ton nom et en hurlant mes poumons. Je pourrais presque dire que j'ai atteins à plusieurs reprises le comble de la sérénité, mais là aujourd'hui, en me réveillant, j'ai compris ce qui manquait. Toute cette folle intensité qui m'a rendu barge à en perdre le souffle, fléchir les jambes et rougir les joues. Je traque chaque petite poussière de folie glissée dans la tête des gens, je traque mon passé et je ratisse mon avenir, j'ai aucune chance véritablement de réussir aussi facilement, même si je suis très proche de l'objectif, je me rends compte à quel point il m'est impossible de vivre seulement d'un seul côté du miroir. Je me rappelle d'une époque où la seule image que l'on avait de moi était celle d'une fille foutrement paumée, complètement malade et à la limite de l'autisme, je crois pouvoir dire que j'ai fait un bon bout de chemin depuis. Maintenant tout ce qu'il me reste à faire c'est m'acharner à reconstruire la voie ferrée, et à garder à portée de main toutes les armes que je possède désormais pour Te détruire autant que Tu l'as fait avec moi. Je me demande si Chuck Palahniuk sait qu'il est Dieu sur terre, et je me rends compte encore que tout ça me ramène toujours à la même chose. C'est dingue. Comme rien ne change jamais, en réalité. Parfois je me dis que c'est vraiment con qu'on soit si jeune de l'intérieur à cette époque de la vie où tout est important. Les choses n'auraient pas été les mêmes. Bon, disons seulement que c'est la faute de Ken Grimwood. Action. Replay.

[ 24 mai ]

Grand-mère se meurt. Je sais bien que ce n'est pas la mienne, mais dans la mort comme dans la vie, que sommes-nous sinon une grande famille décomposée, éparpillée, heureuse dans le cocon et perdue dans la réalité confuse. Grand-mère se meurt. A son chevet, nous nous rendons, bouts de familles en lambeaux comme un papier tue-mouche rongé par la charogne sombre et velue. Un chemin sinueux, vertigineux et sans fin, tout de boucles et de collines, enlacé d'arbres imposants et touffus, comme une forêt compatissante au deuil, un dernier réconfort. La dernière dînette, en porcelaine plastique ornementée de fleurs fanées, des tasses de thé en décomposition, senteur de fin, sans sucre et sans retour ; c'est fini, c'est tout. Grand-mère est morte dans son sommeil, comme un ange rendu aux siens, elle est partie, sans dire un mot, l'économe à la main, elle est partie. Pour éviter les effusions inutiles et les sanglots étouffés, elle est partie sans nous, dans une nébuleuse d'émotions et de contre-courants, le cyclone nénuphar d'eaux troubles, le vortex mortel comme on dit. Après ça, rien n'est plus pareil. Le Monde a changé. Ce que nous remarquerons sûrement en premier, c'est déjà l'absence de nature, de verdure et cette sensation de grandeur, disparue. Une bonne grosse révolution, voilà ce qu'elle disait en ronchonnant, du temps où la vie tremblait en elle, l'essence des hommes, de l'humain, ah ça, elle ne comprenait pas que l'humain soit devenu si stupidement con, alors elle voulait la révolution. Le chemin du retour n'est pas le même que celui que nous avions emprunté les yeux fermés tant de fois quand nous étions petits, lui aussi a changé, il est maintenant tendu comme un élastique, caoutchouc blanc suivant sa route droitement, strié de longues lignes noires luisantes et puissantes. Tout ce qui nous entoure désormais a l'air aseptisé, propret et bien rangé, de longs bâtiments, jamais très hauts, se suivent en alphabet, tous identiques. Cette sensation, qui n'est pas nouvelle, d'être toujours plus étranger au monde tout autour, déploie ses ailes gigantesques dans mon ventre et mes veines ; tout repère ayant disparu, j'ai de plus en plus de mal à me rappeler de mon prénom. Le syndrome de la Belle au bois dormant. Je pars à la recherche de souvenirs, quelque chose à quoi me raccrocher, un peu de mon enfance brouillée, servie sur une poêle fumante et graisseuse, comme un plat mal digéré, je sens toute pensée m'avaler vers un pic de panique. Alors pourquoi le monde a-t-il l'air si serein ? Lorsque j'entre dans une des maisons, blanche comme un tube de dentifrice, cette dame qui n'est pas ma mère m'accueillit froidement. Dans les rangement à l'étage je cherche comme un indice brûlant, mais ne tombe que sur quelques vieilleries qui étaient miennes il y a des années de ça, rien d'assez important, rien qui ne soit assez moi pour redonner des couleurs à mon corps fantôme. Les gens au dehors semblent réellement faire partie du décor, ou finalement, ne font qu'un avec le Monde, le béton gris et les tours blanches, leur peau est pâle comme un mouchoir vierge, et leurs yeux comme des petits aquariums où flottent des pupilles nénuphar. Tous ont le même âge que moi, plus ou moins, des personnes entre deux résolutions, l'âge de raison éternellement, ces rejetons bâtard d'une génération, comme s'il n'existait plus qu'un seul moule, pour simplifier les choses. Devant l'entrée d'un bistrot vide, trois personnages tiennent entre leurs mains frêles ce qui pourrait ressembler à nos anciennes cigarettes, mais je comprends plus tard qu'il s'agit d'épais tubes en carton contenant les restes de nature qui manquent tant au décor, quelques bouffées en souvenir de la verdure chérie. D'ailleurs, je remarque à quel point ces gens me font penser à de jeunes pousses blanches, des moignons de branches, petits bourgeons en floraison, et ces grands arbres de sagesse, tous ont l'air si calme.. Je m'approche d'un groupe de jeunes roseaux tremblants, en mouvement léger, appuyés sur un petit muret de pierre polie. Leur langage m'est familier mais pourtant très décousu, je ne comprends pas grand chose, c'est plutôt comme de la purée de mot mélangée à du lait, plus rien n'a sa signification d'origine et alors je sais, que je vais devoir tout réapprendre, les sensations comme les couleurs, le temps et ses caprices, un puzzle géant qui s'offre à moi, et trop de pièces, trop de pièces, et tout est blanc. Pourtant, pour la première fois, je ressens de la sympathie pour tous ces gens, ce monde fragile et nu, vierge de toute violence et sensible comme une muqueuse. Cette grande famille de rescapés, que la vie atteint encore, dernière étincelle. En fait, ce qui te chagrine le plus, dans tout ça, c'est qu'avant de mourir, ta grand-mère elle t'avait demandé avec ses petits yeux plissés à force de trop rire, elle t'avait dit qu'un jour, tu lui roulerais un joint, et que ça vous ferait bien marrer. C'était prévu comme ça, alors tu lui promets en silence d'aller le lui déposer sur sa tombe, et que, sous terre, ça la fera bien rigoler. Le Monde, lui, n'est pas mort, et ton corps en suspens, comme une trace d'oreiller sur la joue, me donne envie d'y croire encore.

[ 4 mai ]

Mon amoureux a souvent l'air ailleurs, c'est une vieille habitude de marin, il ne manque jamais de regarder à l'horizon, les yeux un peu dans les étoiles un peu dans le fond du verre, la pupille toujours braquée sur une histoire à raconter. Il a les paupières folles qui tressautent dans son sommeil, parce que vois-tu, il a un peu peur des requins; il a aussi les sourcils les plus rigolos que j'ai jamais vu, il ressemble un peu au monsieur qui orne toutes les cartes que j'ai cachées dans ma manche : celui avec les grelots et le sourire énigmatique. Il aimerait devenir pirate, mais manque de chance, il ressemble plus à un gros nounours un peu épluché, recousu avec maladresse, qu'à un gros dur édenté, quoiqu'il travaille avec imprudence son scorbut avancé, petit loubard du dimanche soir. Dans sa marinière blanche et bleue, il passe son temps à regarder son reflet dans l'eau agité, parce que c'est un secret, mais il s'est perdu et aimerait bien se retrouver, alors il traque et traque, il cherche un signe, peut-être, il voudrait ressembler à un héros mais les collants lui vont mal et les masques le gênent, il préfère parfois se laisser pousser la moustache, ou bien les muscles, on sait jamais. Il possède un sac de billes volées aux gamins et des filles courtisables dans chaque port, puis quelques gribouilles et pas mal d'histoires à raconter tard la nuit en chuchotant. Sa répartie est aiguisée comme une arme à feu, qu'il n'hésite pas à faire rugir, parce qu'il en a un peu marre de ne provoquer que les rires, pourtant, si vous saviez, il le fait si bien, que des fois j'en ai la flamme au ventre qui me chatouille à me faire pipi dessus, mais je fais pas, c'est encore un peu trop sale pour moi. Mon amoureux aime bien ce qui brille, il furète comme une pie et part à la chasse de trésors quand il s'ennuie, il possède tout plein de déguisements et de chouettes coffrets. Les gens disent parfois de lui qu'il ne devrait pas s'arrêter à ça, mais la subtilité est ailleurs, et les gens il les emmerde bien, parce que ça suffit quand même, de dire tant de bêtises sur les gens. Il a de la générosité plein les narines, pendant que d'autres les ont blanches, il partage ses richesses et se partage en voyages, si vous avez un jour l'occasion de monter sur son rafiot, vous verrez jusqu'où il sait aller. Il se fout pas mal des banquises qui fondent, c'est vrai quoi, elles pensent à lui, elles ? Mais comme il n'est pas mauvais bougre, il essaye à sa manière de rendre les choses meilleures, où qu'elles soient. Il n'a pas vraiment d'idéaux, cependant il aspire à beaucoup, son but dans la vie est déjà tout tracé sur la carte jaunie, il connaît les détours et les obstacles, il passe le triangle des Bermudes les doigts dans le nez, je vous l'ai dit, c'est un bon marin, quant à la politique, il s'en contrefiche comme des chaussettes de l'archiduchesse, jamais homme ne dominera la terre où il file, surtout des gens si stupides. Il ferme souvent les yeux, rapport aux requins, non pas qu'il ait si confiance en lui, ni même dans les autres, et alors la mer s'ouvre parfois pour le laisser passer, faut dire qu'il est bien protégé, il a dans sa peau quelques dizaine de divinités vaudou prêtes à sacrifier quelques grigris contre des biscuits pour le goûter. Mon amoureux a parfois peur de grandir, depuis qu'il a de la barbe les gosses l'appellent souvent papa, alors pour le rassurer je prend ma règle hologramme et je le mesure d'orteil en bulbe, et je peux vous jurer alors qu'il est resté minuscule. Il est du genre, taillé à ma mesure, avec un ventre moelleux et des bras comme les singes à scratch, il a des yeux comme un chinois, quand il rigole il voit plus rien. Pile poil la bonne taille, les pieds sur terre et la tête dans le vague, il deviendra jamais astronaute, parce que lui son truc, c'est les histoires, il a la voix habile de ses dix doigts, et quand il raconte, si t'y crois pas, c'est que t'es un peu soupe sans les croûtons. Un jour, c'était il y a un peu longtemps, j'allais piller son radeau et mettre à feu et à sang tout ce qui bouge, juste pour le plaisir, juste pour l'éparpiller, alors il m'a raconté une histoire, des bonbons ou la vie, tu vois, il m'a raconte l'histoire d'un ptit gars qui tombe amoureux d'une étoile et tout, du coup moi, gaillard effarouché que je suis, j'ai dis d'accord mais alors tu craches promis juré que si tu t'en vas ou si t'arrêtes de raconter les histoires, je te coupe la tête et en plus, je la mange. Depuis, j'épluche les patates pendant qu'il mène la barque, j'ai presque plus peur du noir sauf quand il s'endort, j'ai toutes mes peurs un peu à la traîne, un peu à la manque, devenues des phobies du dimanche, y a plus rien qui soit aussi fort que ses bras gonflés. Mon amoureux, c'est un chouette mec, et si un jour t'en doutes un peu, t'as qu'à regarder bien au fond dans mes sourires, ou alors c'est coup de poing dans les gencives à celui qu'y fait du mal. Voilà merci bonsoir.

[ 16 avril ]

J'oublierai jamais ni le son de ta voix ni tes éclats de rire, j'oublierai jamais ni tes rêves ni tes envies, j'oublierai jamais ni la fougue ni la malice.

Joyeux avril à toi.

[ 26 mars. ]

C'était un jour pas comme les autres, commence par une chose extraordinaire : je me suis réveillé la tête dans le cul, ça m'était pas pas arrivé depuis hier. Rien à faire, qu'est ce que je fais là ? Un jour de plus dans le lit, mon foie me pardonne plus je crois que c'était un samedi. Je suis rentré dans une église, j'ai appelé Dieu comme Don Camillo, j'avais vu le film mais rien a faire, il sortait rien de là haut.. Je me suis dit, un tel mégalo, y a qu'une solution pour le sortir de la perfection alors je l'ai traité de tous les nom : gros con, enculé, descends si t'es un homme, j'la prends dans le bain Marie, je lui parle toutes les langue de Babel et je te maudis ! La terre à tremblé, bruit de tonnerre, 2000 ans qu'il avait pas mis les pieds sur terre il tapé une crise de nerfs.. J'ai joué les martyrs, il m'a pardonné, il a fait une croix sur l'embrouille et on a bu un demi accompagné de quelques olives.. Je lui ai dit "c'est quoi l'art de vivre ? le monde moderne m'emmerde j'ai pas l'esprit d'initiative." Alors pour combler les vides, combler les creux, nourrir la vague et le tonnerre, alors je remplis, je gonfle, j'enfle en attendant le coup d'éclat qui ne vient pas et à la longue c'est lassant. J'aurais voulu crever d'explosion, mais c'est un peu sale, et fort peu à propos. Mon corps pesant se balade de chair en chair, une vente aux enchères de mon rien fatigant. Comme j'envie, si tu savais, ces gens qui sans cessent créent inventent croient et se battent, je n'admire pas d'artistes, j'idolâtre les gens capables de se réaliser, d'atteindre. Une salle d'attente avec vue sur la vie. Force est de constater qu'il n'y a pas de siège réservé à mon nom, alors j'exulte d'existence et je croise les doigts pour le reste. J'étoufferai de m'essouffler, je ne suis pas sûre d'avoir encore mis en mots toute mon essence, alors je badigeonne, un coup ici un coup là, je pose des énigmes à qui voudra m'y résoudre, il n'y a de sens à rien, ni à mes yeux ni à mes mains, tantôt présents, ou bien absents. Tous ces gens en face de moi qui analysent c'est insultant, je dis oui à tout uniquement pour indiquer que je suis toujours là. Je me sens imposteur, impossible, je ne me sens pas moi, mais pas tout à fait encore quelqu'un d'autre, je me sens paquet de céréale sans le jouet à l'intérieur, tu comprends ça, toi ? On ne se regarde jamais assez proche. Il y a quelques temps, j'ai rencontré un type qui s'appelait Jean Balthazar Cyffrien Pasteur. Les choses sont parfois drôlement sympathiques et bien faites, c'est surtout que les mots rigolos me font tressauter les mâchoires. Dans mon entourage il y a trop de héros, trop d'inconnus farfelus, de protagonistes ratés à recycler, il y a trop de gens que j'ai envie de prendre sous mon bras, sous mon aile, sur mon dos, partir faire le tour de leur monde en sac à dos, j'ai bien envie d'apprendre à ne plus dire non, mais quand même. Elle est loin, l'époque où j'avais pour seul espace vital la cabane sous mon bureau faite de draps sales et de livres, avec pour uniques compagnons, mes angoisses et Johnny Depp. Quand je croyais encore que chaque être humain était un suppôt de Satan envoyé sur Terre dans le seul but de me faire royalement chier. Aujourd'hui, la cabane s'est un peu agrandie sous l'escalier, on y a construit une ménagerie complète sans le pop-corn, ça fait un peu film suédois, il y a aussi ton odeur de chocolat et celle de mes aisselles qui sont un peu fatiguées de courir, il y a Charlie dans son bocal qui est beaucoup plus qu'un jeune homme mais toujours rien qu'un poisson. Je vous ai dit déjà, comme c'est triste un poisson qui meurt ? Je commence chaque journée en roulant une cigarette, je les finis toutes en me posant des questions existentielles du genre pourquoi j'ai encore envie de manger des frites. Et ensuite, il y a une nouvelle journée qui commence quand la nuit est déjà bien entamée, là où vous existez tous pour de faux et où tout est possible, cette journée là est encore plus écrasante que la première et j'oserai dire, plus réelle encore, plus poignante, plus sincère et plus dingue, ça me rend hystérique de plus savoir dans quel ordre je vis mes trucs, j'aimerais savoir pourquoi vous avez plus le même goût quand vous êtes des vraies personnes. Mes rêves me jettent de murs en murs, je fracasse toutes les envies et poinçonne les déceptions, avec moi c'est du grand cru, pas de souci, je vais t'en faire manger des incongruités. Mon imaginaire troqué, ma braderie de petites impossibilités résolues, j'aimerais te montrer tout ça, mais au final, ça non plus, ça n'a pas de sens. A tous ces gens qui croient savoir mieux que moi, ce que je suis, ce que je vaux, ce que je veux, ce que je crois, vas-y donc, et sautes-y à pieds joints, on se rejoint plus tard, sous les constellations, je vais t'en faire baver tellement que tu vas même plus reconnaître ta maman. Puisqu'il y a dans ces endroits autant de songes que quand on dort, mais on ne dort pas, alors autant se tordre ici et là.. Ne cesse pas de trembler, c'est comme ça que je te reconnais même s'il vaut beaucoup mieux pour toi que tu trembles un peu moins que moi ! Alors tu m'excuseras, un tout petit peu, quand est fumée ma première cigarette, je n'ai que de la fatigue à te donner même si la nuit est derrière moi, j'ai rien d'autre à cracher que des petits bouts de toi.

[ 24 fév. ]

Accident frontal, collision fatale. Le disjoncteur est cassé, docteur, j'ai comme un peu mal au coeur. Y a qu'à l'entendre résonner, le bruit de la raison, ça me fait presque dégobiller sauf que j'ai pas encore fait gronder les tambours de l'anti-gravité. Crois-y ou non, c'est le bruit du parquet qui m'a réveillée, tout ça en pleine nuit, secouée jusqu'à mes tréfonds endormis, pourtant tu sais pas à quel point on dort bien à même le sol, j'ai le squelette vachement adapté et les muscles en suspens, je n'ai de douleur que mentale, parce que les bleus sur mon corps ne se remarquent plus guère, c'est la magie du camouflage. Faut dire que je cicatrise vite et que j'ai la gâchette facile, j'aime autant le bruit d'un orgasme que celui des os qui se cassent. Va donc me chercher un verre d'eau, pendant que je compte les étoiles, y a comme un manque, un déplacement, une faille dans l'espace-temps. A peine le temps de craquer une allumette. Je ne m'étais même pas rendu compte de ma propre absence dans l'enveloppe charnelle qui m'entoure, ce que je suis devenu c'est presque un zombie humain avec l'option humour noir, mais il aura suffit d'un regard de moi pour que je ploie. Je ne sais pas bien si j'existe encore, faut dire que je ne figure nulle part dans la sécurité sociale et que mon identité a périmé depuis un sacré bout de temps, mes seuls exploits sont de me lever le matin et d'affronter la réalité comme jamais. J'ai l'impatience au bout du fil, je crois bien que je vais raccrocher, j'aime pas trop parler aux choses électroniques, je ne vis plus que de contraires. Toutes les nuits, j'attends ce qui sera le coup d'éclat, le coup de foudre, le coup de coude, le coup en trop, la révélation et la révolution, j'attends l'impossible et poudroie de vide tout ce qui m'entoure, je n'ai d'autre but que celui de me retrouver dans mon inconscient, dans mon rire d'enfant. Il me manque une putain d'intrigue, avec mes feuilles volantes, mes carnets noircis et ma tête en fusion, toujours pas une ligne d'écrite, toujours le même point d'arrêt, un gros mur de brique sale et moisie. Lors de vos soirées, je reste sur la chaise la plus éloignée de tout, je vole des dinosaures en plastique et je m'étouffe dans un gobelet blanc, je ne fais rigoler que moi, tu sais, puisque je ne parle à personne d'autre. Sais-tu seulement depuis combien de temps je n'ai plus dormi seule ? Heureusement, il y a les gamins et leur cartable jeté à terre comme un tremblement de tonnerre, leur seule présence suffit à faire bourdonner mon absence, y a les cabanes en coussins jaunes et les feutres qui grincent à en perdre haleine, je joue aux cartes avec des gamins qui pètent et qui crachent, c'est beau comme une soirée d'automne autour d'un feu. Pourtant crois-moi, c'est pas forcément beau à voir et quand le petit aux yeux d'océan vient me demander comment on dessine un papa, vas-y lui expliquer ce qu'il a jamais connu. Retroussées dans mes mythes de petit bonheur, je joue à l'adulte qui fronce les sourcils, mais je veille sur eux comme un aigle sur ses oeufs. J'oublie tout le temps d'ouvrir les compotes, j'oublie ta sale menace qui pèse et tout le reste, j'oublie même que mes mains tremblent assez pour soulever les marées. Allez, viens danser, viens valser, fais claquer tes bottines et apprend-moi à parler grec, rappelle-moi les planctons luminescents, fais-moi sentir l'odeur du poulpe qu'on fait claquer au vent contre la pierre ensablée. Fais-moi croire, Paris, que tu vaux la peine d'être vécue et que tout ne vire pas qu'au cauchemar dans la capitale, fais-moi apprécier tes rues goudronnées lors de mes virées nocturnes, fais-moi encore de si beaux cadeaux et ramène-moi ceux que tu as fais fuir. Quand personne ne regarde, j'invoque des divinités vaudou et je m'amuse à jongler avec des têtes de mort, je gribouille de couleurs sur les parterres et je me laisse incarner par le baron de la débauche pour relancer les dés. Au fond, je te jure, je suis quelqu'un de tellement gentil que j'en crisperai presque les poings, mais j'arrive même plus à savoir, où est mon fond, ma surface, où est ma peau où sont mes dents, où sont passées ma volonté et ma motivation, mon inspiration débordée et mon envie de tout crever. J'ai entrevu tous mes défauts sous les projecteurs, je me suis sentie fruit confus et j'en ai la bave sous les orteils, de pouvoir tout hurler sans te voir apparaître, mes concessions me font vraiment gerber. A toi, j'aurais beau écrire toutes les lettres de menaces du monde, j'arriverai jamais à faire mal, et tu peux le prendre au mot : ça me tue.

[ 26 jan. ]

J'ai fait un constat, il y a peu de temps. On peut toujours diviser le monde en plusieurs catégories, coller certaines étiquettes pour parler des gens. Ils aiment bien ça, les petites cases à cocher pour se sentir en sécurité, se dire qu'ils sont plus ou moins tous pareils, tout ça. Mais surtout, le plus pertinent des schémas en matière de style de vie, celui qui revient le plus souvent, c'est qu'il y a deux catégories de gens : ceux qui sortent du cinéma en se disant que leur vie devrait ressembler au film qu'ils viennent de voir, avec toutes les émotions, les sensations, les actions, les envies, les dénouements et les intrigues, et puis il y a ceux qui sortent de leur vie en se disant que ça ferait un vraiment bon film, quand même. Tu me suis ? Ceux qui se distraient en regarder les autres vivre et ceux qui n'attendent pas le cul sur un fauteuil pour faire de bons héros. Bien sûr, on est tous en quête d'un message subliminal adressé à nous, et uniquement à nous, dans chaque chanson, chaque livre, chaque air, chaque image. On a tous envie de se retrouver dans chaque récit, chaque exploit, chaque personnage historique, chaque voyage. Bon, mais alors, imagine qu'un jour, quelqu'un vienne te voir en te disant : ça aurait pu être moi. Moi à ta place, moi dans tes mots, moi dans ta vie, moi dans ta peau. Imagine ce que ça fait d'être un héros, un exemple, un modèle. Cesse d'être celui qui envie, photocopie de l'instant, sois l'original, le seul, le maître de toi-même, rien que ça au moins, hisse le drapeau ! Mince, alors. Ca ne te fait vraiment pas plus d'effet de savoir que tu n'as qu'une vie devant toi, et que t'es en train de tout gâcher ? Réveille-toi un peu, merde, on n'est pas dans un jeu vidéo, t'auras pas de petites étoiles à ramasser pour te ressusciter. Ca ne te fait ni chaud ni froid de savoir que tu peux crever la bouche ouverte à n'importe quel moment et que tu n'auras pas fait le dixième de toute la belle liste de choses à accomplir que tu avais dressée quand tu avais encore des pansements avec des dinosaures sur les genoux ? Quand tu ne seras plus là, ce dont les gens se souviendront, c'est l'image que tu as bien voulu leur donner de toi, mais tes secrets, ta vraie personnalité, ton histoire intégrale, personne ne viendra creuser la terre et le bois pour venir les récupérer ensuite. Arrête donc ce petit cinéma, et deviens ce que tu es, arrête cette pâle imitation de ta propre existence, arrête de n'être qu'un acteur dans le film de ta vie, c'est d'une tristesse sans égal. Ces gens qui passent leur temps à écrire des scénarios dans leur tête, à calculer les mouvements, les endroits, à se demander quelle musique correspondrait à cet instant-là, quelle lumière, qu'est-ce que tu dis ? Tu n'as pas bien mis l'intonation, montre-nous ton meilleur profil. D'ailleurs, quand je me vois écrire tout ça comme un long métrage de réflexions nocturnes, c'est comme si j'étalais tout pour pouvoir visionner mon propre film, décortiquer, analyser, comprendre, et me délecter. Je ne sais pas pourquoi j'écris, pourquoi nous écrivons, pourquoi il y a toujours ce besoin de vouloir poser les choses, poser les mots, savoir qui l'on est à travers ce que l'on raconte. Peut-être qu'on espère tous toucher quelqu'un ou alors peut-être que non, peut-être que ce sont juste nos mémoires que l'on rédige au cas où, au cas où ça ferait un bon film, histoire de se rappeler à l'entracte que nous avons fait des choses. Quand on nous pose la question, souvent, on ne sait pas bien et alors, on se fout bien que quelqu'un vienne regarder par-dessus notre épaule, tout ça, c'est pour nous, pour se foutre le doigt dans l'oeil ou se chatouiller la langue. Il y a des choses à raconter parce que nous vivons, parce que nous voyons, nous entendons, nous créons, nous voulons. Et parfois alors, si on passe son temps à raconter les mêmes choses en boucle, alors, vraiment, c'est qu'il est grand temps d'arrêter la série et d'en commencer une nouvelle. Il est temps de vivre plus fort. Le Monde est à vous, on ne le dira jamais assez. La Terre est tienne, et ton corps aussi, tes idées peuvent tout changer et bien sûr, toi, tu es en train de te demander ce que tu aurais pu dire ce matin en croisant ta voisine. Depuis qu'on a les images en couleurs, le Monde réel n'a jamais été aussi gris, et ça ne vous choque pas plus que ça. Et moi là, je ne trouve qu'à radoter jusqu'à ce que les choses bougent, mais j'ai beau espérer, j'ai les doigts qui gèlent et la langue qui pendouille, j'ai plus d'un cendrier creusé sous mes paupières, je suis fatiguée de vous voir couler, épuisée. Cet état larvaire que personne ne daigne quitter, j'espère que vous vous ferez tous avaler et alors ce serait au moins plus facile de circuler. Tout est devenu tellement habitude, les yeux fermés je peux te dire quelle moue tu fais, je peux savoir ce que tu vas dire, je retrace le même chemin sans arrêt sans quitter des yeux les pages de mon livre, je fais des rêves mécaniques et j'ai juste envie d'un peu d'inattendu. D'être surprise, encore un peu. Allez, fais-moi un cadeau, on est le vingt-six.

[ 18 jan. ]

Une des choses qu'il est important de savoir, c'est que si tu pètes sans t'arrêter pendant six ans, tu produis l'énergie nécessaire à la fabrication d'une bombe atomique. Une petite guerre bon marché, un trou atomique dans le ciel qui donnera naissance à des milliards d'étoiles. Des nébuleuses dégueulasses, des trous noirs, des météores de poussière. Le couvercle de la boîte est tellement fendu que tout son contenu s'est répandu sans discontinuer dans chaque cellule de mon corps. Toute la violence réfrénée, les impulsions dangereuses, les envies assassines, les mots sales les mots noirs, les maux de tête, les souvenirs fracassants. Chaque molécule qui circule sous ma peau est porteuse d'un virus incurable. Chaque seconde qui passe, je rêve de sortir une fourchette du tiroir, de la planter dans ta paupière et de t'arracher l'oeil avec un mouvement de levier, de couper le nerf avec les dents, tout ça avec une précision sans égal. J'ai envie d'agripper l'oeil entre mes doigts, de le faire rouler contre ma paume, puis : l'explosion. J'ai dans un carton noir une collection épatante de pistolets, de revolvers, de gâchettes endormies, de canons pointés, de chromes luisants, de plastique fou. De la confiture de violence étalée sur une tartine de bon pain. Mon côté ciseaux cranté découpant consciencieusement ma gentillesse, ma patience, mes bonnes résolutions, mes sourires bienveillants. Imagine un seul moment que faire du mal soit aussi jouissif que de procurer un orgasme, imagine la sensation que ça fait dans les doigts de craquer des os à mains nues, imagine qu'à force de voir du sang couler chaque mois, imagine que tout ne soit qu'à peine suggéré. La puissance inégalable d'un coup de revolver, le bruit assourdissant de la balle qui cogne contre le lampadaire après avoir traversé le corps de part et d'autre. Le feu le sang la mort le vent. Imagine un instant, ce que ça peut être comme douleur d'avoir un stylo-bic planté dans la main, bien droit, incongru. Une des choses qu'il est important de savoir, c'est qu'entre l'odeur d'un cadavre et l'odeur des croissants qui infuse dans une station de métro, il n'y a aucune différence. Faire exploser la haine comme une boule puante, déchiqueter chaque seconde passée, la mâcher bien comme il faut, avaler, recommencer. Imagine ce que ça fait, de n'avoir jamais existé, et de se réveiller un jour, des rides au coin des yeux. Je suis l'impuissance de Jack. La machine à spasmes ambulante, les nerfs chauffés au fer rouge, les tics-tocs, les emballages plastique de sourires à usage unique. Imagine enfin, la peau qui se craque sous des dents aiguisées, le muscle luisant, le sang chaud, les veines mastiquées, l'os qui ploie. Imagine. Imagine et pleure. Parce que c'est de ça, que tu as envie. Imagine que tout ça, tu l'aies tellement vu, tellement vu, cette lutte acharnée, ce dégoût, imagine que tu saches déjà ce que c'est avant même d'avoir essayé, vois ça comme une dépendance créée par l'inconscient. J'aime tellement la bagarre que j'en commence jamais, je sais pas m'arrêter et puis je ne crains pas d'avoir mal. Tout ce qui est physique ne m'atteint pas, oh il y a bien une chose qui me fait vraiment mal, mais tu ne trouveras jamais tout seul. Lui, dans son rocking chair, lui, son porte-cigarette, son anti-classe crasse, un sourire qui n'adresse rien d'autre qu'une bonne dose d'apocalypse. Si tu n'es pas encore à genoux, si tu n'es pas à terre, si tu n'es pas sous terre, alors ne te retourne pas. Imagine que tu n'aies plus besoin de détester une personne pour lui en vouloir à mort. Imagine juste que ça t'a traversé l'esprit. Imagine que la seule autre chose qui te fasse bander, c'est son idée contraire, allez, respire un bon coup. J'ai assez d'amour à donner pour ne rien faire exploser oh heureusement, mais encore une fois, ce n'est qu'une question d'impulsion, un seul moment d'inattention. Des peintures de guerre tracées le long des bras des joues du nez du front des jambes du ventre. Se jeter contre un mur, vestiges insensés. Du rouge du noir du blanc du bleu. Un peu de jaune, mais ça se distingue à peine, soleil écrasé. Imagine que la seule chose qui t'empêche d'y penser, ce sont les lèvres posées sur ta nuque. Les mains serrées sur ton ventre. Une des choses qu'il est important de savoir, c'est qu'il ne faut jamais frapper les personnes qui sont déjà à terre, mais que personne ne viendra jamais te gronder si tu le fais. Un café noir comme leitmotiv. Allez, ça n'est rien de grave. Nous n'avons pas de cicatrice à montrer pour le bonheur. La paix nous en apprend si peu.

[ 8 jan. ]

Alors ça y est, c'est reparti. L'anarchie grandiose de l'inconscient bousculé par les bêtes noires, les petits grappillages entre amis et les grands meurtres de l'intérieur. Des grappins plantés dans la gorge, y a d'autres moyens de s'accrocher aux choses, des coups de couteaux sournois dans l'échine, il y a comme un truc qui pique dans la gorge, mais pour sauver la face : nous dirons que c'est le froid. L'être humain en gravité faussée sur la couche blanche et nouvelle déposée par le temps capricieux, l'être humain dans toute sa faiblesse, son attention retenue au maximum. C'est là que tu peux commencer à parler. L'immense force dans la voix rouillée de la grande Edith, cette audace et ces concours de circonstances, la vie est folle, la vie est pute, mais regarde-la donc un peu, et pleure. Le charisme irréprochable et sournois du sublissime Chuck, mon saint Roi, ma Bible, mes acquis mes idéaux. J'aurais beaucoup plus confiance en le Monde s'il était entre ses mains, j'aurais plus de raisons de me lever le matin. J'ai du mal à ne pas grincer des dents lorsque l'autre me parle de l'indécence que je pose dans les yeux de mes personnages, il me parle d'inexpression, je me retiens de lui prouver le contraire. Ces grands yeux, vides vitreux livides. Ces perles d'encre de Chine, disposées bien en ordre dans de beaux cercles blancs, sans vie, sans lumière, sans crainte et sans douleur. Cet hommage si bien construit, au plus beau des poissons, à sa majesté suprême, cette énigme. R.I.P Colonel Moutarde, que ton âme vive à travers tous ceux que je dessine. Cette part d'animal et de morbide, dans chacun de nous, si tu regardes bien, nous avons tous dans nos yeux la même expression abrutie de celui qu'on vient de choper à l'hameçon, au détour de la vie. Le sauvage et le cruel, l'abandon et l'incertain, le rien, le tout, le vide, le nous. Dans la sémiologie de l'être humain, rien n'est beau, tu sais, nous sommes tous pareils, des crétins. Des poissons rouges, qui tournent en rond, des cadavres raides, des oubliés. Survivants. Une Berceuse pour enterrés. Des Monstres Invisibles. Voilà, voilà. Je n'y ai mis que de la vérité. Cette chose qui fait que ça ne peut pas fonctionner. La Boîte à cauchemars a été actionnée, y a plus que de la fatigue et des nerfs. Ton plan de guerre fonctionne à merveille, tes images souillées, tes désirs de destruction, tes orages brouillés. La vérité, c'est que oui, j'ai peur. Derrière chaque porte, chaque fenêtre, chaque ombre, chaque mouvement, je t'attends au détour, j'ai la gâchette facile et tu sais, j'ai vraiment sommeil. Pour combler le manque, il y a eu cette furie créatrice et les pages qui se remplissaient, c'est un peu de fierté, et je crois que ça marche plutôt bien. Pour oublier le corps en miette, rajoute un dessin. Pour oublier l'ennui, rajoute un dessin. Pour oublier le manque de vie alentours, rajoute un dessin. Pour oublier l'absence de l'écriture, rajoute un dessin. Pour oublier les mauvaises histoires que tu me racontes tous les soirs, rajoute un dessin. Pour oublier l'handicap social, rajoute un dessin. Pour oublier les émotions incontrôlables, rajoute un dessin. Clin d'oeil. C'est comme un Journal Intime. Merde, ce mec est Dieu, et il sait tout, il voit tout, il se marre bien, en fait. L'autre me dit que je devrais faire profiter les autres de ma joie de vivre, je me retiens de lui faire remarquer que les gens ne veulent pas être heureux. Sinon ils le seraient déjà tous. Il faut toujours : le chaos, les batailles, le sang la fièvre la mort, les doutes, les complexitudes, les arrachages de gueule, mais la vie non c'est bien joli mais ça attendra. C'est comme un air de piano, si tu ne fais pas l'effort d'approcher bien près ton oreille, tu ne pourras jamais comprendre la beauté du truc. Je suis furieusement déçue et j'ai de plus en plus de mal à croire, puisqu'il n'y a vraiment rien à voir. Pour oublier les insectes, la solitude, le manque de confiance, les sarcasmes aléatoires, l'absence de mouvement, pour oublier l'oubli, rajoute un dessin. Ce que les gens ne veulent pas voir, c'est eux-même. Le grand jeune homme m'a fait don d'une Supernova, jolie boule électrique, une qui sent bon, une qui dit : quand même, la vie est rudement belle. Avant d'être folle avant d'être pute. Avant d'être un mot rangé au bon endroit dans le dictionnaire. Ca me dégueule, mais après tout. Ca me fait un sacré carnet rempli. Pour qu'enfin je redécouvre, à quel point il est doux de m'endormir contre toi.

[ 28 déc. ]

Un terrain de jeu. Voilà comment je considère les choses. Le monde comme un vulgaire plateau de Monopoly assailli par des pions de métal froids et sans personnalité aucune, je veux dire, a-t-on seulement envie d'être gouverné par un fer à repasser ou une voiture de course ? A-t-on seulement envie de payer un droit de passage pour aller boire un thé chez un ami ? Et je vais te dire, de nos jours, moi, j'en connais pas beaucoup qui aiment jouer à ce jeu où tu dépouilles tes potes pour le plaisir d'être un gros con. La planète meurt sous les gros hôtels rouges et les rangées branlantes de petites maisons vertes, les coups d'éclat, fonce donc dans le tas et récolte ce que tu pourras. J'ai honte, vraiment. Ne me parlez jamais de justice ou d'égalité, pas plus que de décadence ou de propreté. Vous n'avez que de la gueule, derrière vos pions tous gris, vous n'avez que de la gueule et pourtant déjà perdu la face, vous n'avez même plus d'envies, savez-vous seulement ce que vous faites ici ? Une chaussure sans lacet, un chien souillé. Je vois le Monde comme une fête foraine, où les gens n'osent que grâce à la rambarde de sécurité. Un théâtre fantôme, où l'on aime le frisson, la peur et l'angoisse, mais seulement quand ça n'arrive qu'aux autres. C'est trop facile, tu m'entends, trop facile. J'abats ma franchise comme on joue à la bataille, j'envoie valser les totems de certitudes bien fanée, et merde, tout ça, ça m'ennuie. Ca rime à rien ton jeu là, ça rime à rien, mais je t'accorde le départ. Je sais où tout ça va mener, des schémas de schémas de schémas, et vous aurez beau dire, vous allez vous plier aux règles par faiblesse et manque de volonté, juste pour une histoire de cul, finalement. J'ai sous mon oreiller une dent contre toi. J'ai honte, vraiment, mais je ris sous cape, avec mon hurluberlu coloré, j'ai bidouillé les fils de la machine et j'attends la suite, friandises en poche. J'ai vu la mer et les étoiles et les étoiles dans la mer, j'ai trinqué sans regarder personne dans les yeux, j'ai gardé mes secrets pour les autres sous la couette, à se raconter des histoires en grignotant des carrés de chocolats volés en cachette. J'ai libéré la bête, et j'espère qu'il y aura du sang, au moins. Une épée de Damoclès sur le bout du nez, j'ai funambulé le long des trottoirs de brindilles, hurlé au vent et à la marée, enfilé ma couronne et mon costume de garnement, je te jure, t'es fou. Tu sais pas que je gagne à chaque coup. Y a qu'un jeu que je sais pas faire, c'est pierre feuille ciseaux puits, j'aime mieux mordre la où la peau est si lisse et tendue, j'aime mieux les clins d'oeil et les tricher contre les méchants. J'ai pas de scrupules, c'est quoi, un truc pour ramasser la pâte à cookie au fond du plat ? Une dixième fois, elle a demandé si j'aimais le café. Et quand elle a ouvert le paquet, c'était chouette, cette petite étincelle dans les yeux, mais je sais que ça dure jamais et qu'un jour peut-être, j'irai dénicher une boîte de Mémory dans un vieux grenier et que c'est moi qui lui lirait des trucs en secret des autres. Le côté Ptit Dop de la famille, un arbre généalogique coupé en deux, et recoupé encore, j'aime bien les crêpes aux champignons à la crème. J'ai tellement hâte en vérité, de vous retrouver tous, et cette certitude que ça n'est pas que du bluff, des vraies étoiles dedans les yeux, j'ai envie d'avoir d'assez longs bras pour vous faire danser. D'ailleurs, parlons-en, des étoiles. Je suis gravement furieuse contre tous ces gens qui portent les étoiles comme étendard alors qu'ils ne les ont jamais regardées, la plupart veulent seulement la lune. Oser voir en elles un phénomène de mode pur et simple, pour l'esthétique de la chose, je te jure, ça me fait gerber. Il n'y a rien de plus grand, de plus beau, de plus fascinant et de plus humble, il n'y a rien de plus triste qu'une étoile, ça n'est pas qu'un putain de symbole. Là-bas j'ai vu le ciel dans toute sa splendeur, royal, abriter sous sa cape des milliards d'étoiles, de cailloux géants en fusion, de nébuleuses, de non-promesses. J'ai eu envie de pleurer, c'était si magnifique et moi. Si minuscule, ridicule. Il m'arrive souvent de ne pas dormir pour la simple raison que je n'ai pas vu briller ces joyaux. J'ai comme un besoin incompréhensible de m'enrouler dans ce cocon de trésors, toujours à la recherche d'une étoile à qui raconter mes histoires, j'aime à penser que nous avons le droit de pouvoir en posséder une chacun, pour s'en occuper, pour la chérir, la guérir, l'illuminer, la border. Les cinq branches gravées dans la peau, je sauverai ces jolies filles, et j'irai combattre la lune pour oser affadir leur lumière. Je suis amoureuse des étoiles. Arrêtez, s'il vous plait, de souiller leur image. Il n'y a rien de plus triste qu'une étoile qui file. Qu'une étoile qui meurt. Un plateau de jeu resplendissant pour imbéciles heureux. Il n'y a pas un seul d'entre nous qui ne mérite d'être ici, alors ayez au moins l'obligeance de ne pas tout bousiller encore une fois. On n'a pas le temps d'être con.

[ 15 déc. ]

Clovis est Mort. Près du Che, et non loin de Mao, reposent en paix Billy Berlioz Colonel Moutarde. Des cadavres sous les godasses, de la terre sous les ongles. Requiem pour un poisson rouge un jour de pluie. Je crois que c'est après ça que tout a commencé à dérailler, sans guidon, sans les freins, c'est à celui qui va sauter en dernier, c'est à celui qui repoussera toutes les limites. Et toujours, vous ne faites rien. Le ciel pourrait mourir demain, vous ne faites rien. Hors de ma mémoire, j'ai secoué les miettes et archivé les sentiments, j'ai renouvelé les émotions jusqu'à ne plus me reconnaître, pourtant aujourd'hui encore, je refais les mêmes erreurs et me satisfait des mêmes choses. Je colore le monde de bleu, je fais naître du ciel sur chaque tête que je croise, et n'allez pas croire à une exception, ce n'est qu'une putain de couleur, évidemment cruellement plus jolie que les autres, mais hé. Il n'y a rien d'exceptionnel à ne rien inventer. Je couds des étoiles au plafond de vos têtes, mais parfois, quand je vois toute la négligence qui règne autour, j'ai envie de pleurer. J'enfile la jolie salopette jaune qui me fait ressembler à un pêcheur d'étoiles filantes, les mains dans les poches, j'ai même plus envie de prendre la peine de vous secouer puisque toujours, vous ne faites rien. Je déteste les mots sans suite, et renie en bloc les masques de béton et l'invulnérabilité, je trouve que les gens forts sont terriblement moches et j'aime user jusqu'à la moelle ce moment de pur folie où le chapeau se balance dans les airs. L'ennui m'ennuie. Et dire que tu n'étais qu'un coup de tête, un coup de coeur, un coup comme ça, un coup pour voir, dire que c'était par les coups que cette histoire a commencé, et dire que zut. Après tout, les bêtises sont des choses bien étranges mais sacrément jolies de temps en temps, qu'il faut savoir entretenir avec classe et subtilité. Des chaises balancées contre les portes, et des portes balancées contre les corps, je vais flinguer chaque moment où tu me laisseras encore me sentir stupide. L'ennui m'ennuie. La différence entre la naïveté et la crétinerie. Il y a un pirate dans ma soupe. Mon histoire ne s'écrit plus et j'aimerais réentendre le clapotement indécis et turbulent des lettres qui claquent, parce que finalement, j'ai furieusement besoin de cet échappatoire-là en ce moment, j'ai pris le pari de remplir chaque page de ce nouveau carnet, jaune aussi. Aujourd'hui, je me réveille, et c'est bien fait pour vous. Je reprends mes cliques, je distribue les claques, y a plus moyen que je fasse risette à la caméra juste pour vos beaux yeux, juste pour avoir l'air un peu. Mieux. Les gens sont beaux avec leurs défauts. Les gens sont beaux quand ils prennent le temps d'apprécier ce qui les entoure. Les gens sont hideux, merde, à ne pas vouloir gagner mais à faire perdre les autres. Rien de plus noble qu'un poisson rouge. En réalité, c'est l'absence d'envies qui m'ennuie. Vos bras croisés, vos flèches plantées, vos certitudes que j'aimerais brûler en rideau de douche pour enfants sales. Sandwich poulet curry frites. Du sirop pour la toux pour les rouages, on va faire grésiller les fréquences, provoquer des interférences. Les lettres d'adieu, je les mets au feu, les sourires gênés, je les bouffe, et la purée, je la fait mieux que ta grand-mère. Les gens aiment parler des autres parce que ça les fait sentir supérieur, en vérité c'est moche, très moche, d'avoir autant besoin de ça. Ils ne font même plus attention. Le corps parcouru de spasmes, on pourrait recréer l'énergie et alors peut-être la planète irait mieux, et on se sentirait moins bêtes d'aller si mal. Les colères ravalées, tu te rends compte, juste pour pas te heurter, et toi, c'est ça que tu me balances à la gueule ? Va mourir. J'aimerais appeler l'Oiseau, lui demander de m'enrouler dans ses ailes multicolores, et toi, ta tête d'ampoule à poisson, on irait faire une chasse au trésor en gonflant des lapins, les magiciens auront pas fière allure à côté. Tu sais quoi, peut-être que la nuit j'ose même pas aller faire pipi tellement j'ai peur du noir, mais je préfère calculer l'irrationnel que de passer mon temps à raisonner. Ces conflits ne sont pas très rigolos, quand est-ce qu'on sort les pistolets ? Ma maman a construit un arbre à voeux, et le mien, finalement, ce serait que tous les vôtres se réalisent, j'aimerais tant de bonheur qu'on ferait péter le sol à coups de piano, on danserait avec des grands colliers et des bottines à boutons. A moi la mer, de toute façon ! On sera pas tous perdant, même le dernier des derniers : on paiera tous en sortant, et les cancres en premier. Mais l'amour vrai, attend qu'on se soit consumé, je sais, j'ai plus l'élan, je sais où on a pied.

[ 1 déc. ]

Comme un paquet de céréales multicolores déversé sur le sol, piétiné, éventré, de la bouillie de crayons de couleur, un squelette réduit en cendre de la consommation mêlée à l'enfance. Le temps de savoir ce que l'on est devenu, et les peaux qui se détachent, mortes. Les humeurs défilent comme les fils électriques, gobe donc une ampoule pleine de décharges vitaminées, des bris de verre dans les gencives, et le goût du sang, métallique et chaud, comme un thé trop infusé. On est celui qui se trompe le plus, quant il est question de nous-même, on pourra toujours se vautrer dans les certitudes, le temps qui change nous bouffe aussi. Jouer au funambule au bord du mur, les godasses luisantes sous les dromadaires de lumière, le vent souffle dans les dominos, et les réponses pleuvent, dans la boîte en carton à roulettes en plastoc. L'ennui est un concept qui ne dépend que de ce qu'on lui donne à manger, on peut être heureux en s'ennuyant, imbécile comblé de la vie qu'il contemple sans bouger les cils. Des énigmes plein la tête, qui me font oublier ton absence, ce manque de douceur et d'espièglerie, y a plus de vie qui tienne, plus d'envies qui traînent, quand tu te tires, c'est pas la soupe que je renverse, c'est le monde entier que je piétine. Claquer la porte sans chaussures ni manteau, claquer au vent, claquer des dents, les pieds qui claquent contre le sol froid et humide, une course contre les ombres, j'ai jamais eu la classe d'un bateau pirate. Pas de cartes au trésor, juste un coup de tête comme ça, je traverserai mille mers mais j'ai le corps qui s'écroule contre la vitrine de mannequins parfaits, j'ai la langue qui remplit ma bouche de sang et de sel. J'ai comme qui dirait besoin d'un héros, et ta silhouette dans le couloir jaune, c'était tout ce qu'il me fallait comme excuse. La fille aux milles joujoux, celle qui a peur du noir, et qui comble l'espace, pour en laisser moins au vide. Cet inexplicable besoin de tout accaparer, de remplir, d'investir dans la page blanche, je suis pourtant quelqu'un de foutrement solitaire mais on va dire qu'en ce moment, je suis sacrément bien entourée. Mon combat ordinaire comme la maladresse, un pied devant l'autre et les bras qui battent le long du corps, comment quelqu'un de si petit peut-il faire tant de gaffes, j'aime les bêtises comme on suce un bonbon à la cerise, qu'est-ce que tu veux, j'ai jamais su colorier droit, je dépasse les bornes juste pour voir. Et pourtant, tu vois, je suis quelqu'un de très calme. 60 revolutions per minute, this is my regular speed, so how do you want me to live with it ? Et comment tu expliques, ce qui tu as fait naître dans le creux de mon bide, comment t'expliques la chaleur que ça dégage et pourquoi, zut. Je n'ai jamais su quoi faire avec ces plantes-là, j'ai jamais su qu'arracher les mauvaises herbes et cultiver le chiendent, je sais pas quoi faire des choses un peu jolies, je sais pas quoi faire, alors j'arrose de temps en temps tout en crachant dessus. Bien entendu, j'aime trop savoir ce qu'il y a dans les boîtes surprises, j'aime trop savoir pour ne rien tenter, le corps tendu comme un fil de linge, pêche à la ligne et roulette russe. J'ai pas vraiment peur de perdre, en fait. J'offre des cadeaux mystérieux aux gens que je ne connais pas, je remplis mes poches de billes de verre que je distribue aux enfants que je croise, j'offre mes sourires, je garde bien profond mon envie de tout foutre en l'air. Juste pour voir. Le bout de la langue collé aux couleurs criardes du petit carnet noir, je lèche les cheveux octarine d'une fille qui rigole. Je sais d'expérience que le jaune est une couleur dégueulasse, comme le noir et comme le blanc. Après mille beaux discours nocturnes sur la façon la plus facile de vivre, je suis contente qu'il ait enfin osé le faire, après tout. Ca vaut bien un foutu bout de papier avec des notes bien rondes dessus, même qu'un jour prochain, je te la jouera cette putain de chanson. Je vais y arriver, tu sais. Et il faut dire, c'est bien pratique qu'il ne me connaisse pas. Pour lui je reste encore une bouche pleine de vérités. Tout ça, c'est juste un coup de fatigue, en réalité, je suis amoureuse de la vie que j'ai aujourd'hui. Même si oh, ce ne sont que des détails. J'aime la façon dont tu t'es mise à te remplir de vie, petit à petit, j'aime à croire que finalement, se sentir minable devant une porte fermée, de temps en temps, ça vaut vraiment la peine. Une des choses que j'aurais bien aimé faire, c'est l'éplucheur de patate qui rumine dans sa cale, c'est le passeur sur sa barque, qui transporte les cadavres vers une chair moins putride. J'aurais aimé servir à quelque chose, pour donner aux gens une raison de ne pas partir. J'aimerais rehausser des étoiles tombées depuis des lustres, c'est le grand défi. Je n'ai pas tant besoin d'être le centre de quelque chose, j'aimerais autant laisser mon nombril en dehors de cette histoire, mais c'est quelque chose de lourd que je porte depuis peut-être un peu trop longtemps, juste ce besoin fatigant d'être écoutée. Mais je ne suis pas folle, vous savez. Bonsoir !

[ 23 nov. ]

Association d'idées. Chuck déverse sa prose sanglante et bien réelle à l'intérieur de mon cerveau avec grande classe et sans tact, il habite mon corps à grands coups de stupeur et de tremblements. De vérité. Cette chose un peu violente et indécrottable, cette grande histoire du monde qu'il est le seul à retranscrire avec autant de nonchalance. Pendant qu'elle me raconte des choses à couper le souffle, Chuck dit : on évalue l'humanité non pas aux interactions entre hommes, mais à la façon dont on traite les animaux. De la mort au rat dans ses placards, elle me raconte la frousse que ça donne de se retrouver prisonnier des vertiges et des incongruités de sa propre tête. Elle emprunte les mots qui flottent derrière mes yeux pour me raconter sa vie à elle, comme qui dirait : les fous ne sont pas ceux que vous croyez. Elle me parle des gens qui se déplacent avec une énergie trop lourde à porter. Elle me parle d'un masque africain. Les champignons frémissent dans la poêle, et il commence à faire nuit sur Oberkampf. Roulée en boule sous un tas de cartons, je regarde le ciel défiler au-dessus de la route, et un jour, je pense qu'il nous tombera dessus, j'aimerais m'enrouler dans cet énorme nuage affreusement gris et m'endormir à l'intérieur. Elle me parle de David Lynch. Chronomètre en main, nous sommes tous quelqu'un, mais il nous faut du temps pour le savoir. Princesse Moignon dans ses jupons me fait penser à la vie qui court et que j'aimerais ne jamais perdre de vue, son sourire me rappelle que nos amis proches sont toujours bien trop loin, et qu'on est finalement bien seuls, chacun de notre côté. Le temps qu'une pizza met à chauffer, c'est le temps qu'il faut pour croiser un ancien chemin et tourner la tête par inadvertance vers le mur où trône la bille rouge, et perdre la raison. Le temps que le fromage fonde et que les bords croustillent, c'est ce dont vous avez besoin pour écouter Gogol Bordello. Elle me manque un peu, elle et sa propension à tomber amoureuse à chaque coin de rue, et à me tenir en haleine des heures durant sans que j'ai jamais envie de partir. L'association d'idées vous amène à de drôles de choses, que vous ne contrôlez pas, et ça, ouais, ça fait un peu peur. Tout à coup j'avais compris quelque chose d'essentiel sur moi qui encore une fois, n'avait pas assez de sens logique pour que ça puisse faire de moi quelqu'un de normal. Mais quand vous vous retrouvez devant une assiette remplie d'oeufs, de lardons, de champignons et de fromage fondu, la question ne se pose plus et la réalité vous bouffe tout cru. Chuck parle de cette intrigante Boîte à Cauchemar. Il parle de cet instinct étrange que les hommes cultivent, à toujours vouloir le pire pour avoir l'air d'être quelqu'un d'intéressant. Chuck parle de l'odeur de beurre ignoble que dégage un cadavre dont on a fait fondre la graisse. Elle, elle remplit encore un bol de café fumant. Et un peu après, j'irai adopter encore un autre lapin. Les déchets de ma chambre, les souvenirs, les bricoles, les machins que tout le monde aimerait jeter à la poubelle, tout ça, c'est moi. C'est les choses que j'enlève de ma tête et que je dépose dans des objets sans vie pour me rappeler de temps en temps, quel goût a eu ma vie. Et je reste immobile, après tout je m'en fous. Combien de temps penses-tu qu'on peut rester dans un manège à l'arrêt sans se lasser ? Le prix du tabac a encore explosé, mais peu importe, le ciel nous tombera sur la tête, et on continuera de déverser des océans de mégots froids avant de se lancer. Les décisions importantes commencent toutes dans le cendrier. Chuck n'a rien inventé, il s'est contenté de révéler. Le valet sur la bouteille de vin, comme un signe subliminal. Maman dit : je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre votre conversation. Le bruit de la craie sur le tableau noir, les courses à faire, les rêves à ne pas oublier. Est-ce qu'à quarante ans on peut rater sa vie à cause du manque d'amour ? Elle ne l'a vu qu'une fois, mais quand je lui parle de ce géant d'ébène, sa peau se couvre de frissons. J'ai voulu casser mon piano parce que je n'ai pas réussi à jouer Lettre à Elise. Association d'idée. Lahire sur la bouteille. Franchement, est-il possible d'être raisonnable tout en vivant sa vie comme on gonfle à ballon jusqu'à l'explosion ? Elle dit qu'elle me parle de tout ça, parce que moi je sais. Je peux comprendre. Je ne lui dirai pas qu'elle est folle. Associations d'idées. Chuck parle de la chose qu'il est interdit de nommer dans ma tête, et je suis obligée de louper un chapitre. Pendant une demi-seconde, je le hais ce mec. Je profite de la boisson à volonté, et les essaie un peu toutes au hasard, parce que c'est gratuit. Le vent fait gonfler ma veste en jean et j'aimerais prendre le large, j'étends les bras et je ferme les yeux. Vous savez combien de temps il faut pour qu'une pizza soit à point ? C'est le temps qu'il vous faut pour avoir trop faim, et plus rien à foutre de ce qui va tomber dans votre assiette. Le temps qu'il me faut pour me demander pourquoi personne ne me dit de la fermer. 60 Révolutions.

[ 17 nov. ]

Au tout début, une voix sans visage vous avertira. Les mains et les pieds restent dans le wagon. Les effets personnels, bien rangés, serrés derrière les jambes ou alors bien calés entre les cuisses. Il vaut mieux retirer ses lunettes et attacher ses cheveux. Il vaut mieux se mettre à prier, si on a peur du noir. Ensuite, souvent, la voix, elle ricane. D'ailleurs, vous avez remarqué le petit effet caverneux ajouté, et ça vous fait sourire au lieu de trembler, parce que tout ce qui est factice vous amuse. Tout ce qui est faux ne vous atteint pas. Après ça, une main abaisse une barre de sécurité un peu au-dessus de vos genoux, et vous vérifiez une fois, deux fois, si elle résiste aux chocs brutaux. Jusque là, vous êtes loin de vous douter. Vous avez entendus les cris, mais vous n'avez pas encore réussi à savoir si ce sont des rires ou des pleurs. En réalité, vous vouliez juste un peu de sensations, juste passer un moment de pur loisir. Jusque là, vous êtes loin de vous douter. Vous vous retrouvez, agneau vers l'abattoir. Vous vous retrouvez, cancer en phase terminale. Vous vous retrouvez, nu, sans vos convictions, sans vos habitudes, sans vos certitudes. Vous vous retrouvez, entre vous, et vous regardez enfin la personne qui se trouve à côté de vous. Quand ça va démarrer, peut-être même que dans un élan d'instinct sauvage, vous allez vous agripper à cette personne. Vous allez avoir peur. Et peut-être même, vous vous dites que vous allez mourir. Maintenant, voilà. Vous êtes cet enfant, dans cette grande chambre noire, les murs blancs sont noirs, vos mains sont noires et font penser à des araignées. Les animaux colorés et soyeux sont noirs, sauf leurs yeux que font briller les interstices si fins entre les volets en fer. En fait, il fait trop noir pour voir, mais il ne fait pas encore assez sombre pour ignorer. Vous croyez encore que derrière chaque chose se cache une ombre qui ne vit que la nuit pour venir manger vos rêves, ou pire encore. Et vous voilà, quelque part entre le doute, la peur, la folie et le sommeil, et vous ne pouvez tout simplement pas bouger. Ne pas indiquer votre présence. Vous ne pouvez même pas respirer, et en fait, c'est ça qui vous endors. Vous êtes tombés dans les pommes. Première chute libre. A ce moment-là, la seule envie que vous avez, c'est de descendre de cette machine folle. C'est d'appuyer sur le bouton d'urgence, de sonner l'alarme. Vous vous rendez compte que vous hurlez si fort que votre gorge brûle comme si on y avait jeté un mégot encore allumé. Ensuite, c'est comme escalader les grilles d'un endroit interdit, c'est grimper sur une échelle bancale, marcher sur un fil, c'est comme un sursaut permanent, vous ne savez jamais ce qui vous attend au détour, mais vous avez envie de vous prouver que. Vous êtes capables. De dépasser vos limites. De se débarrasser de la propreté crasse qui vous entoure, de sortir de vos gonds. Tout ça fait un bien fou. C'est quand vos envies commencent à vous dépasser qu'il faut les abattre sur table. C'est quand vos peurs vous mâchent sans répit qu'il faut casser les bouteilles. A ce moment là, tous ces gens à côté de vous, ils n'ont rien fait de bouillonnant, mais cette sensation, l'impression que tous vos organes vont se détacher les uns des autres et vous ressortir par la bouche, le nez, les oreilles, quand vos yeux sont sur le point de sortir de leurs orbites, vous avez envie de tout faire. Ground Control to Major Tom, take your protein pills and put your helmet on. Pourtant, quand vous allez sortir de là, rien ne va changer. Vos vies, vos corps, vos têtes, vos espoirs bafoués, vos envies réfrénées, vos certitudes, rien n'aura bougé, vous serez juste un peu décoiffés. La tête baissée. Les sensations, vous allez les oublier, comme un souvenir, comme les monstres sous le lit, comme votre premier baiser. Comme le repas d'avant-hier. Comme vos clés d'appartement. Personne ne va aller s'amuser à vivre, parce qu'il faudra d'abord passer par tous les stades. Personne ne va s'amuser à vivre parce qu'il y a toujours cette possibilité que la barre de sécurité soit mal abaissée. Personne ne va s'amuser à partir décrocher des étoiles, les jumelles vissées à l'envers sur les pupilles, avec une pince à linge et une boîte d'allumettes. On aménage des parcs pour enfants avec des sols un peu moins rigides que du goudron pour qu'ils se fassent moins mal. On s'amuse toujours à jouer à on dirait que sans jamais rien essayer. Bienvenue dans l'attraction mondiale du micro-ondes éteint, et vous aurez beau sortir de grands mots, personne ne va s'amuser à oser l'incongru, arabesque contre lampadaire, pluie de verre sur la peau nue. Une pastille contre le mal de gorge. Un discours de fou pour les rois. Les anomalies n'ont jamais fait ciller personnes, veuillez éteindre vos téléphones portable et vous couper du monde, veuillez sourire, vous gênez la circulation.

[ 3 nov. ]

Dans l'écume jaune se sont reflétées plein de lumières, comme autant de rayons d'étoile que tu me lances sans faire exprès, toi, tes airs de tournesol de Montmartre, toi qu'est partie, celle qu'aurait du rester. Les yeux dans les yeux, j'écoute les discours et les projets, j'écoute la musique que tu fredonnes et dans tes bras j'ai envie de me laisser tomber. Parce que toi, tu sais. Toi, qui a été la toute première à me sortir de mon trou à rat quand la vie avait décidé de me bouder, avec quelques bouteilles sur une herbe penchée. C'est vrai que relativement, sur un plan social, tout se casse la gueule, et pourtant. Dans une fiole bleue j'ai trouvé de la vie, au détour d'une histoire acéphale et de quelques clics-clacs, sous les néons phosphorescents d'un sous-sol enchanté, courses d'allumettes-domino, et un zèbre arrosé de jus d'orange. Avec ou sans pulpe, le sourire ? L'histoire se réécrit d'elle-même, sous la pulpe de mes doigts, et finalement c'est pas si compliqué si j'oublie tout le reste, mais en réalité, c'est pas si facile, tu vois. J'avais oublié de m'en foutre, pour une fois, je me suis impliquée et j'ai. Oublié. J'ai oublié de mettre mes émotions en boîte et mon cataclysme en laisse, j'ai oublié de fermer ma gueule, j'ai explosé comme un dégueulis de naïveté, c'est sale à voir putain, mais maintenant je me soigne. J'ai au creux de mon bras toute la nourriture suffisante à mon monde d'ombres et de facéties, j'ai au creux de mon antre, une étoile à chérir. Et sous mon chapiteau, un chéri étalé. T'y crois toi, à toutes ces histoires incroyables ? On revient de loin, et c'est là que je m'en rends compte, un mégot qui pend entre les lèvres et les larmes sèches, on revient de si loin que des fois, j'en oublie comment on a pu arriver ici. Prendre le train en marche, rattraper le wagon, tout ça c'est pas tellement pour moi, j'y laisse mes poumons et mes questions, j'y laisse mes sentiments comme on se déleste en montgolfière. Avocat, levez-vous, vas-y que je te gentillise tout ça pour que dal, vas-y que je me traîne comme une sandale et que je me prenne des dizaines de mandales. Couteau en bouche et pistolet en poche, j'irai rejoindre ta Belgique pour y déposer encore quelques sourires, ceux qu'on a pas eu le temps d'échanger encore, j'irai perdre mon temps pour une portion de frites, t'as raison sur tous les points. Il y a sur la place une fanfare qui éclate la mauvaise humeur écrasante des parisiens affirmés, et j'ai dans ma poche des bonbons par milliers. Halloween n'est rien d'autre sinon la meilleure période de l'année, je me rappelle des histoires, je me souviens des gaufres et des épouvantails. Halloween, amour de ma vie, Halloween, j'aimerais que tu reviennes sonner à ma porte. Octobre s'en est allé avec un appel étrange au petit matin, et je me dis que j'aimerais adopter un dinosaure, que je nourrirai de chips et de fraises tagada. Des croûtes à la surface de la peau, des croûtes au coin des yeux, des croûtes dans l'âme, à trois je souffle, j'ai plus mal. Tendue comme un élastique, j'irai pas pleurer sur les tombes que vous êtes en train de creuser à force de ne faire que des demi-mesures, j'ai trouvé mon bonheur dans un Kinder surprise. J'écoute les éclats de ta respiration dans l'obscurité, berceuse calme et tranquille, je range ta cape de super-héros à côté de mes chapeaux, des fois j'oublie de te dire à quel point j'aime ta bouille de sale môme, juste parce que c'est trop évident, ça coule de source que j'aurais pas pu tomber mieux. Et tous les papillons que je met en cage pour les faire taire un peu, parce que j'aime pas trop les portes et les silences, j'aime pas trop me retrouver là, les bras le long du corps et des bulles de savon comme seule excuse. J'avais envie d'y croire, c'est tout. J'avais envie d'y croire, mais je fais pas le poids sur la balance, j'ai à peine de quoi creuser un tunnel sous ta manche pour venir te chatouiller les zygomatiques. Alors quoi ? Dis-moi.

[ 26 oct. ]

Ah, on y est. Cinq ans ont passé maintenant, sournois, soulevant alors les instants de leur papier glacé. Machine silencieuse dans la nuit classe et archive jusqu'à pas d'heure et c'est alors que les étoiles s'agglutinent en marrons glacés, veuillez repasser plus tard, j'irai mettre du bois dans la cheminée, une couverture en laine élimée et des trous dans les chaussettes. Dans des petits moules à questions, j'ai versé la pâte à mots, laisser quelques minutes au four et seulement, après avoir tourné la cuillère sept fois dans sa bouche, vous pouvez disposer. Je ne suis pas un coquillage, ni encore une coquille d'escargot, pourtant j'aurai aimé, mais le chapiteau est cassé, tu vois. A grand renfort de petits bouts de scotch et quelques ficelles, c'est juste plus de son âge, c'est juste. Ca fait quatre ans. A l'époque il y avait beaucoup de trajets en train, et pas mal de dents cassées sur des problèmes toujours irrésolus, c'était des plumes posées sur de grands chapeaux haut-de-forme et des croque-monsieurs en forme d'étoile. Les minutes à l'envers sur la montre orange, j'ai remonté le nez de la citrouille jusqu'à l'en faire grimacer. Des potirons et des hiboux sur la fenêtre, des nuages en forme de toi, y avait de la buée à l'arrière d'une voiture et les pavés de La Villette. Aujourd'hui dans des petits carnets bien ficelés, sur l'étagère à gros mots, y a plus rien d'autre que des souvenirs que j'ai fait sortir de ma tête pour mieux ne plus y penser. Place à la vie dans ce grand cirque froid, les feuilles de bronze sur le trottoir en papier mâché, l'araignée tisse sa toile sur le grand lampadaire en cuivre. Cette odeur si particulière de l'automne et des mitaines au bout des doigts, aujourd'hui, rien n'est pareil. Aujourd'hui. Tout a changé. Une enveloppe qui traîne sur le coin du bureau, elle est à moitié pleine, à moitié vide, je finirai peut-être un jour par la poster, quand viendra enfin, l'heure d'y penser. C'est alors qu'un dimanche après-midi, il y a dans la maison cette chaleur enivrante de la cheminée qui crépite, et puis maman qui annonce l'heure du goûter. Le raisin cueilli dans le jardin et les pâtisseries de la frangine, t'y crois, toi, comme c'est bon ? Avec du fil de fer j'ai accroché le pompon bleu sur le bonnet, l'air d'un ours à pas réveiller, j'ai bavé sur l'oreiller, j'y ai laissé mes idées, et au réveil, j'avais déjà tout oublié. Dans le carnet noir, la magie fait son chemin, je joue les Houdini sur le trottoir d'en face, une sorte de vide grenier parallèle, avec des tiroirs comme des passages secrets. J'y ai trouvé dedans, un service à thé, une boîte à cachets, un grand cendrier, des petits papiers, des aiguilles à tricoter. Sur la musique du générique, de ce film aux milles saveurs, d'ailleurs. Je le regarderai bien encore une fois, pour être sûre et certaine que. Ces choses-là existent. De retour d'une convalescence sans concessions, j'irai valser sous les lampadaires, puisque vivre. N'est qu'un prétexte. Amour et Paix, Douceur et Volupté, c'est mon dernier mot ducon, j'irai pas nettoyer ton vomis ni écraser des discours englués, je n'ai de place que pour le langage des poissons rouges. Sous les lumières macabres de l'inconscient collectif, j'ai distribué des prospectus d'envies, de Vie. Y a pas d'excuses valables, pas d'entourloupes, y a pas d'alibi, y a pas de mérite, merde, pour continuer à jouer les durs sans casser d'oeufs. A tous et à toutes, un joyeux vingt-six, un très bel octobre, et beaucoup de bêtises.

[ 18 oct. ]

Je suis un peu trop passionnée, peut-être, comme une casserole sur le feu, les sentiments en ébullition, comme on ferait chauffer des pâtes, j'ai comme qui dirait besoin de ça pour me sentir vivante, et pourtant, c'est bien là qu'il va fouiller pour me mettre à terre comme un oeuf raté. Je n'ai pas tremblé, quand tout s'est accumulé et que la boule dans ma gorge a failli me rendre aveugle, le corps tout entier de marbre et de poudre aux yeux, j'ai à peine tressauté, assise sur le tapis de sol orné d'un valet de trèfle. On ne peut pas dire que ça n'aille pas, je cicatrise bien trop vite pour que ça m'atteigne vraiment, une excroissance sur le côté du crâne, ça n'est rien comparé à vous, alors je me tais, tu vois. Je n'ai rien à dire aux gens en bleu marine, j'ai pas les mots pour te montrer à quel point je suis en colère contre ces types, depuis que j'ai vu le poing cogner. Mes sens de pirate engourdis ont laissé filé mon sens de l'irréalité, j'avais juste envie de gerber, mais aujourd'hui tu sais quoi, c'est oublié, comme parti en fumée, laissons la place aux choses importantes veux-tu. C'est la jungle ici, et ça l'a toujours été, pieds et poignets liés, j'aimerais être Giant Jack sur un muret perché, faire glisser mon ombre sous les ponts de pierre et refaire la justice. Vodka goyave, c'est à peu près le dernier mot. Les godasses qui râpent contre les bandes en plastique bosselées des bords de quai dans les souterrains du métro, les décibels qui raclent contre les parois de mon conduit auditif et la tarte à la pomme étoilée. J'ai rien à vous dire, j'ai juste un peu froid et pourtant cette sensation étrange que cette année s'annonce bien. Comme dirait l'autre, ça respire la douceur, tous ces gens souriants et ces carnets en chantier, de l'encre de chine qui mousse au coin de la bouche et des barquettes de riz à emporter. Le secret d'une soupe réussie, c'est d'abord les légumes. Ensuite, c'est le curry, le paprika, le piment d'espelette, l'oignon, la cannelle, un peu de sel et de poivre et puis voilà. Le secret, c'est qu'il y a trop de secrets et j'aimerais ne pas avoir à douter des mots, j'aimerais ne pas avoir à fouiller pour trouver une émotion. Le corps tourné vers la lumière, le corps qui dit merde et l'oreiller poisseux, les draps qui collent. Un rein et deux yeux en moins, les hormones en bataille, le crâne qui chauffe et la peau à fleur de nerfs, à fleur de fièvre. Dans le bâtiment géant j'ai laissé les couloirs éteints et je me suis assise sans rien dire, juste pour réciter l'alphabet dans ma tête. Je voulais vérifier que mon cerveau fonctionnait toujours et je me suis roulé une clope. Y a encore plein de décisions que je ne prends pas, mais l'important ce sont les couleurs. Une vraie boucherie. Un truc à la con. Des cicatrices plein les joues, je te jure que je mordrai jusqu'au sourire, puisqu'il est urgent d'être heureux, je voudrais m'y mettre maintenant. De l'origami avec les neurones, jeter des allumettes enflammées aux avions en papier, y a des paroles qui n'arriveront jamais jusqu'à toi et c'est tant mieux, je tremble encore de savoir qu'il n'y aura aucune réaction. Tu penses vraiment qu'il faille devenir, où sont passées nos Etoiles ? Tu penses tout écrire, sur moi rien ne se fixe, que dal, et mon coeur en bataille.. Avec une facilité hors du commun, j'ai enfin compris le mode d'emploi, j'ai juste ouvert la bouche et je ne me suis pas arrêtée, j'ai souri à chaque regard et rien que d'y penser, c'est comme si j'avais enfin découvert ce que c'était, de se faire des amis. Recommencer. Repartir à zéro, et ne plus y penser. Un autre mode de vie, se lever en pleine nuit et partir, carton en main, du charbon plein les doigts. Quand j'y pense, ça me fait bizarre quand t'es pas là, c'est comme le café du matin ou la dernière cigarette, c'est comme si. Et puis il y a ma maman. J'aimerais prendre le train jusqu'à l'autre bout du pays pour distribuer les claques et ce que j'en pense de tout ça, j'aimerais que tout se passe, pour une fois, comme elle l'aurait voulu, j'aimerais que quelqu'un lui dise, à quel point c'est une femme merveilleuse, mais tu vois, j'ai juste autant d'utilité qu'un poisson rouge dans son bocal. Le secret d'une bonne soupe, c'est qu'elle soit partagée près d'un feu, sous une couverture en laine. Le secret d'une bonne soupe, c'est qu'elle fasse naître des sourires inattendus. J'ai besoin de pouvoir remettre ma tête en état de marche pour continuer à écrire, il faudrait juste que je n'ai plus besoin d'appuyer sur le bouton rouge. Mais là vraiment, je pense pouvoir dire que oui, je suis heureuse d'être là où je suis.

[ 24 sept. ]

"Est-ce que t'aimes bien les monstres ? Les monstres.. Non. Pourquoi t'aimes pas ? Parce que ça me fait.. ça me fait trop peur. Pourquoi ça te fait peur ? Parce que parfois il peut y avoir ceux qui sont sales.. très sales." Des pingouins minuscules élevés dans des petites bouteilles en plastique. C'est ça, l'idée. Cette espèce de bête noire qui leur pousse quand ils arrivent à maturité, et cette petite étoile bleue ridicule qu'elle allume sous leur menton quand vient l'heure de la cueillette. C'est ça, l'idée. Après avoir été remâchée pourtant, je n'arrive toujours pas à m'expliquer ce que ça vient faire là. La sensation de cette peau lisse, froide et un peu visqueuse qui glisse dans le col, et rampe le long du bras. Je me rappelle de ce drôle de type qui passait à la télévision il y a pas mal de temps, c'était à l'heure du goûter, il prenait tout un tas d'objets comme des bouts de tissus, ou bien du sucre, et il transformait ça avec ses mains jusqu'à ce que ça devienne un vrai chef d'oeuvre. Et moi, franchement, je crois qu'à ce moment là, j'étais amoureuse de ce mec là, merde, c'était du génie. Avec les mots, j'ai voulu faire pareil, avec mes rêves, mes histoires à la con, j'en ai fait des rideaux tue-mouches, et bêtement, il ne m'est venu plus aucune idée. D'un coup je me suis retrouvée vide, et c'est peut-être, finalement, parce que je sais où je vais. Je connais la fin, c'est comme si. Y avait plus rien à en dire, pourtant, c'est l'idée du siècle. J'ai décortiqué chacun des rêves qu'il m'a pondu pour voir s'il y avait quelque chose à en tirer, autres que la migraine et le goût que ça laisse dans la bouche, j'ai pas trouvé grand chose qui m'emmerdait pas. En ouvrant un Kinder en deux, j'ai vu qu'ils avaient changé la boîte à l'intérieur, encore un souvenir qui se fait la malle, fils de puce. J'ai des valises sous les yeux, un oeil qui dit merde et une envie furieuse de couper au ciseau, de me faire pirate. Pour de bon. Je t'ai regardée en silence, pendant des heures, j'ai essayé de trouver une histoire drôle pour t'endormir, en laissant glisser mes doigts dans tes cheveux, j'ai laissé ta trace dans un carnet comme pour dire : Regarde, c'est réel. Et tes doigts en spirale, ta joue bleue, et tes grands yeux en forme de bille avec lesquels j'aimerais bien jouer, mais tu sais, il va me falloir encore du temps avant de pouvoir soutenir le regard de quelqu'un si ce n'est pas juste pour s'amuser. J'ai pas trouvé d'histoire, mais après quatre heures, j'ai vu la trace humide sur l'oreiller et là, j'ai pu m'endormir. Des fois, je me surprends à vouloir jouer les grand marabouts guérisseurs, et quand je passe ma main sur les fronts, j'aimerais éteindre toutes les alarmes et sécher les idées noires. Je ferai mieux de trouver de meilleures histoires. Avant, j'étais petite, je mentais tout le temps, à tort et à travers. Je n'espérais pas que les autres croient à mes conneries, je voulais juste me persuader moi-même que ma vie était rudement plus jolie que celle des autres. Quand ça a fini par marcher, j'ai arrêté de mentir, et je me suis royalement emmerdée; de toute façon j'aurais même pas pu faire actrice, tu comprends, je rate un mot sur sept et bon, j'ai pas la gueule. Comme échappatoire, j'ai finis par écrire des histoires, et comme enfin, rien n'arrivait, j'ai décidé de vivre mes histoires. Je suis devenue tour à tour chacun de mes personnages, drôle de mélange pas très sage, et je pensais être devenue quelqu'un avant que cet imbécile vienne tout faire foirer, je crois même que j'avais un plan. J'échangerais avec personne mes deux moussaillons, ma partie, mes pions. Les lacets défaits, j'irai comme qui dirait trébucher sur ton paillasson jusqu'à ce que la porte soit complètement ouverte, j'irai me lover dans les silences jusqu'à les faire transpirer la vie à n'en plus pouvoir fermer les yeux. Le problème c'est que je suis trop curieuse et que je ne pose aucune question. Trop à faire et toujours pas d'inspiration, j'ai raté mon rendez-vous et posé un lapin à mon issue de secours. Serpent à couronne et paillettes bleues, du liquide vaisselle dans les prises électriques. Je veux valser. Soyez heureux, simplement, il y a tant de prétextes à sourire. Un joker de plus dans mon tour de manche, je tiens le pari de te surprendre encore, mais pour l'instant je dois avouer que j'ai un peu sommeil.

[ 11 sept. ]

Ecoutez.. Vous entendez ça ? Oui. Des machines ! Le mécanisme des rêves est une chose assez étrange et incontrôlable, ça fait partie du domaine de l'inconscient, de l'intouchable, c'est ni petit ni grand, c'est même pas visible. Pourtant, aussi infime que ça puisse paraître, ses rouages peuvent faire plus de ravages que n'importe quelle guerre. Il y a un blocage dans la machine qui s'enclenche en général pour que personne ne puisse se voir mourir dans son propre rêve. Il parait que ça ouvrirait trop de chemins insoupçonnés et que ça peut se révéler dangereux. Enfin, comme beaucoup de choses, quand on a pas de preuve on croit n'importe quoi. Il y a aussi un interrupteur au cas où, dans votre rêve, vous atteindriez le summum du dégoût, de la peur, de la tristesse. On se réveille souvent avant d'avoir connu l'horreur insoutenable, on se retrouve là, dans un lit défait et souvent inconfortable, humide et froid, on vérifie chacune des parcelles de son corps, et on s'allume une clope. La vérité, je vous l'ai dit, c'est que notre inconscient nous gouverne au-delà de ce que l'on peut imaginer. On peut se faire mener le bout du nez, se laisser porter dans une réalité parallèle où des tas de choses se passent sans notre accord, et le lendemain, on se réveille l'oeil hagard, à tenter d'assimiler une autre réalité où rien ne s'est passé. Imaginez un monde où l'on ne serait que les pantins somnambules de notre imagination. Imaginez que vos gestes ne vous appartiennent plus. Imaginez vos souvenirs qui se mélangent dans une énorme cuve en cuivre, se laissent porter à ébullition jusqu'à un chaos énigmatique de choses dont vous ne pouvez que douter de la véracité. Il ne peut pas s'être passé ça pendant votre absence. Votre absence. Vous laissez le monde aux commandes des autres pendant que vous dormez, vous laissez le monde seul, avec votre silhouette molle et le savant fou qui flotte au-dessus du lit. Celui-là même qui vous fait expérimenter les choses les plus folles, celui qui vous fait aller dans les recoins les plus sombres de votre imagination pour vous montrer que la peur n'est pas réelle, qu'elle sera partie une fois que vos yeux s'ouvriront. Il vous montra qu'il faut se pousser à bout. Ce sera à vous de choisir, au réveil, de la marche à suivre. Il faut que vous le sachiez : le monde est à vous. Il suffit juste d'être assez fou pour y croire, il suffit juste de se rendre compte que l'impossible est la seule chose impossible. Il suffit de se dire que pour une fois, ce que vous voulez vaut quelque chose. Il suffit que vous laissiez l'inconscient vous guider vers les choix les plus incongrus. Ce sont souvent les meilleurs. Il suffit de connaître la limite, il suffit de vouloir. Où sont passés vos rêves d'enfants ? Look at me, look at me : driving and I won't stop ! And it feels so good to be.. Alive and on top. My reach is global, my tower secure, my cause is noble, my power is pure.. Vous avez le pouvoir d'être vous, mais en réalité, vous avez trop peur de savoir ce que vous êtes, vous avez peur de vous réveiller un jour, et que rien de tout ça ne se soit passé. Vous avez peur, parce qu'il y a des gens au-dessus de vous, vous avez peur de votre compte en banque, et vous avez sûrement peur des araignées. J'ai rêvé des araignées, j'ai rêvé qu'il y en avait un nid dans mon bras, et ça grouillait comme on fait bouillir une casserole, c'était tellement dégueulasse, j'ai survécu jusqu'au bout. Quand je me suis réveillée, il y avait dans les plantes des tas d'araignées prêtes à bondir, et je n'avais plus peur. J'ai regardé à la place, leurs pattes tisser la toile, j'ai regardé leur proie, j'ai regardé leurs mouvements si fluides. J'ai regardé la fumée s'enrouler autour comme un mauvais effet de film d'horreur. Je me suis rappelé de la fois où j'ai élevé des petites araignées dans un bocal à cornichons, c'était Halloween, elles avaient toutes un nom. Savez-vous combien de temps elles peuvent faire semblant d'être mortes, pour vous induire en erreur ? Et vous, combien de temps allez-vous tenir en faisant semblant d'être mort ? La vie n'est-elle pas assez belle, le ciel assez bleu ? La réalité c'est que vous avez peur que vos rêves se réalisent. La joue écrasée contre ton sein, je me suis demandé si ça valait le coup de mourir pour voir ce qu'il se passe ensuite, et puis finalement, je me suis dit que ça aurait été vraiment dommage de perdre ça. Je me suis rendormie et j'ai rêvé de mon père.

[ 27 août ]

C'est en accrochant la cape étoilée autour de son cou que le déclic s'est fait. J'en étais sûre, cette chose est devenue vivante, de par son regard éteint en boutons de bois, de par sa douceur flamboyante, j'ai longé du bout des doigts son corps vide, et tu vois, à ce moment-là, j'ai compris la désuétude de l'être humain. Jamais on ne retrouvera cette innocence qui nous poussait à poser des questions, pourquoi est-ce devenu si compliqué de s'intéresser, quand a-t-on commencer à penser que nous étions déjà finis. Rien n'est jamais acquis, c'est pourtant simple. Je n'ai jamais réussi à comprendre l'immensité du monde, et des fois j'en dors plus la nuit, quand on y pense, c'est fou toutes les choses qui nous échappent; je préfère me demander pourquoi le ciel est bleu, et m'étonner de la beauté des choses, tu vois. A côté de ça, je ne m'occupe plus de rien, si tout doit tomber à l'eau, j'irai y tremper mes pieds paresseusement. Tu as plongé ta main dans l'animal et tu as donné vie à quelque chose, aussi simplement que ça, j'ai vu les sourires, et putain, je ne demande qu'à voir ça. Pourquoi est-ce devenu si magnifique de prôner la violence et le dégoût, en quoi ça nous avance d'aduler la décadence, de prouver au monde que la souffrance est la seule chose capable de nous habiter, sérieusement, où est passé le temps où les bobos passaient après l'heure du goûter ? L'ennui m'emmerde, voilà. Un coca à l'heure où le soleil se lève, je veille sur tout ce qui dort en me demandant toujours comment on en est arrivés là, je pensais que les adultes avaient les solutions et que les petits resteraient dans leur cocon de gentillesse aveugle, pourquoi la tendance s'est-elle soudainement renversée, le chaperon rouge est en train de tous nous berner. Les loups courent la queue entre les jambes, c'est assez dur de voir les lambeaux de famille s'envoler avec le reste, pourtant c'est toujours dans la tempête qu'on a réussi à s'en sortir. C'est toujours dans la tempête qu'on se rend compte, à quel point on existe. J'aimerais redonner un peu de vie à tout ça juste en tissant des amis imaginaires qui prendraient les décisions à notre place. Tu te rappelles combien c'était facile, de se laisser porter, et de se raconter des histoires en oubliant à quel point la réalité a si peu de sens. Tu te rappelles qu'avant, on s'ennuyait jamais assez pour commencer à devenir de vieux cons. Des messages dans une bouteilles en plastique à l'étiquette rouge, deux lapins posés sur l'oreiller, c'est juste pas plus compliqué que ça en vérité, se taper dans la main pour la beauté d'un vingt-six. Un jour, j'ai décidé de mettre en carton toutes mes colères, toutes mes déceptions, mes névroses, mes coups de gueule et mon envie de tout foutre en l'air, j'ai empaqueté toutes les choses qui m'ont empêché de profiter, j'ai décidé d'en arrêter là avec les trucs chiants. Tu sais quoi, y a pas de raison. Y a rien d'impossible là-dedans. Y a juste moi et mon lunatisme permanent, ma hache de guerre, mes pistolets, mon sourire indécrochable et pourtant, à côté, c'est Beirut. Je fais des scoubidous avec les noeuds dans mon ventre, j'entortille mes pensées noires en dreadlocks autour de ma tête, j'ai tout un tas de conneries à recycler et autre chose à penser. Démerdez-vous, je réponds absent sur la galère. Mon père c'est Satan, et ma mère, ben.. c'est ma mère. Elle est pas connue. J'emporte seulement Minus et Clémentine sur mon bateau, j'emmène Basile et Wilfried, j'emmène Microbe et ses machines à décrotter l'irréel, je laisse mes rêves sur l'oreiller comme une trace indélébile de ce qui me fait mal, tu vois, parce que y a que ça qui fait bander le peuple. J'emmène l'amoureux par la main, et je fais des croches-pieds à toutes les ombres qui le suivent. J'emmène la jolie sous sa capuche. Derrière mes lunettes, je joue à cache-cache avec les images, je me fait plus sage qu'un mirage, je joue au roi du silence quand ça m'arrange, pour pas que ça vous démange. Quand se lève le jour, j'enfile un tout autre costume et je remets les compteurs à zéro. Alors vas-y, tape plus fort. Tu m'auras pas, tu comprends ? J'ai enfilé mon costume de super-rien-à-foutre. Il fait beau dehors, tu as vu ? J'aimerais suinter la pâte à modeler par toutes les pores de ma peau, dans tous mes rêves je fais la paix, je fais l'amour et souvent aussi, je fais la guerre. Je rêve de te revoir, bras dessus-dessous, pourtant quand je me réveille, ça me parait bien loin tout ça. Il faut beau dehors.

[ 11 août ]

Avant, je rêvais d'une seule chose, c'était de dormir. Parce que tu sais, à force de pas dormir, j'avais le corps comme une épave, je flottais au-dessus des choses, mais je coulais à pic, dans les fonds obscurs de l'océan qu'était la nuit. J'étais comme un écran plein de neige à la télévision, je n'étais que petits points scintillants, mais ça allait quand même, je crois. J'étais par terre, j'avais mal, mais ça allait encore. Je veux dire, par rapport aux rêves qu'on peut faire, la réalité est souvent plus tranquille. Plus confortable, je dirais même qu'elle est moelleuse. Depuis que tu as cessé d'enflammer mes idéaux, depuis que tu as arrêté de me faire croire au pire, pour juste me moisir. A petit feu. Pendant un moment, je me suis même demandée où t'étais, c'est dire. Dans le creux de l'épaule, je me suis blottie jusqu'à en crever d'asphyxie, il fallait juste que je me sente au chaud, il fallait juste que je te réveille, j'ai juste voulu être forte, avant de me retrouver à m'arracher les cheveux, parce que dans mes rêves, putain. Il fait si froid. Il fait si vrai. En fait, c'est tellement peu subliminal, c'est juste comme une deuxième vie. Seulement là, j'ai envie de rien, et pourtant il fait beau. Tout le monde sourit, je crois même en faire partie, mais seulement, tu vois. J'ai beau vider ma tête comme on vomit des spaghettis, ça reste tellement accroché que j'en viens à me demander si tout ça. Et si c'était vrai ? Tu sais, je m'excuse d'être d'aussi mauvaise compagnie en ce moment. Vraiment. J'aimerais qu'on vienne me voir, qu'on me remplisse d'histoire, je te jure que je prendrai de tout, même du pire, je veux que ça déborde, et que ça ne me concerne pas. Si c'est seulement pour ça, t'en fais pas, je sais déjà quel temps il fait. Je me rappellerai toujours de cette phrase qui a grincé bien fort dans mes entrailles. Toi, si je t'aime bien, c'est pour ton physique. Ouais. Ca peut paraître con, je sais, dit comme ça, mais tu sais ce que ça fait d'être juste la fille jolie ? C'est bien mignon, peut-être. Mais ça sert à rien, je te le dis, moi. Non allez, t'as raison, je suis de mauvaise humeur. J'aimerais me glisser sur la balançoire de Pierrot et juste, ne faire que repeindre le ciel, et voir des étoiles. J'aimerais comprendre comment marche la putain de boîte, et pourtant c'est moi qui l'ai inventée. Il y en a une, elle va encore se faire baiser la gueule, juste parce que j'avais envie, juste parce qu'elle est trop jolie. La tête dans un saladier chinois, et y a encore ton souvenir, là. La nuit je relie les points entre eux, pour pas perdre de vue les constellations, je gratte la peau pour faire disparaître cette espèce de merde qui me colle au corps et qui me rend dingue. Il y a aussi ce lapin, il a sa tête et son corps, et il reste comme ça, en deux parties. Parce qu'il n'y a rien de vivant qui sort. Oh, je sais bien que c'est pas la même chose qu'avant, c'est juste. Je n'espère rien, et je ne demanderai rien non plus. Dans quelques jours, ça sera passé, c'est assez facile, quand on a la mémoire courte, de se forcer à oublier. Ca ne demande pas beaucoup d'efforts. D'ailleurs, bientôt il y va y avoir la mer, les moustiques, et rien d'autres que ça. Avec des nouveaux yeux. Dormir, manger, ne rien faire et puis dormir. J'espère juste que je ne me rappellerai de rien, en me levant le matin.

[ 3 aôut ]

Pour commencer, il ne faut pas oublier d'ouvrir le robinet. Flot d'étoiles filantes. Il fait tellement nuit que seuls les lapins osent sortir, en cercle autour d'une bouteille vide, c'est un jeu où il faut avoir tout fait, pour pouvoir gagner. Dans un monde en super-plastique, laisser la pesanteur là où elle est et laisser courir le soleil sur la peau, le laisser brûler la chair, comme une odeur de barbecue paresseux. Se faufiler dans l'eau comme un poisson dans la gorge, frétiller sous la pluie, se laisser surprendre par le temps, par les gens qui nous entourent depuis un sacré temps et dont finalement. On ne sait rien. J'apprécie de passer les fins de nuits dans un paquet de cartes, entre discussions philosophiques et discours alcoolique avec le lutin au goût de chocolat et sa pipe bien tassée. Un vague fumet de cerise embaume l'air et c'est d'ailleurs tout ce qu'on est. A boire de tout son saoul, on en a presque oublié de casser des bouteilles contre le coin du monde, c'est agréable de n'avoir rien à y redire. Tu peux cracher même rire, mais tu le dois. A ton étoile. Comme par la foule, se laisser emporter par la vie, à huit dans un coin isolé où rien n'est plus important que de savoir où est le tire-bouchon. Des grains de sable dans les cheveux et la musique des années passées qui défile sans se préoccuper du temps qui reste. C'est fou comme chaque instant de vie peut se dissocier des autres par son odeur, le goût qu'il laisse dans la bouche. C'est fou comme tout change, et c'est fou. Comme on s'y accommode vide. Partir quand la lassitude prend les devants, et revenir quand tout nous aura un peu manqué. Tu sais, se forcer, ça donne rien de bon, en général, et pourtant. Je ne regrette pas, d'avoir forcé un peu sur les freins, d'avoir tout laissé de côté pour finalement, être un peu fière de ce que j'ai fait. C'est tout con, d'être sûr de savoir où on va. Il y a que parfois, ça a du bon. Il y a que, quand j'ai vu dans leurs yeux, je me suis sentie grandie, dans les bons sens du termes. Pourtant, pourtant, devant tes larmes, je suis retournée très loin derrière, c'est pour la deuxième fois que. J'aimerais y croire, aux toujours, aux jamais, j'aimerais y croire, mais y a rien d'acquis, c'est comme ça. C'est quand on prend conscience de l'importance de ce que c'est, d'avoir une famille, qu'on voit à quelle point elle se décompose. J'ai promis d'être là, pour toutes les fois où elle l'a été, les thés chauds et le coin de lit, une main sur le front et la boule dans la gorge. Vous pouvez faire exploser le monde, vous pouvez traverser chaque pays, vous pouvez faire ce que vous voulez, il n'y a qu'une seule chose dont vous pouvez être sûr. C'est qu'on n'a qu'une maman. Et jamais beaucoup d'amis qui restent, mais ça, c'est une autre histoire. C'est quand on ne s'attache plus, qu'on apprécie vraiment, c'est quand on savoure juste. Tous les moments. La main sur le front. Et ce putain d'effet domino, que je pourrais jamais vraiment assumer, tu vois, c'est pour ça. Je peux pas. C'est comme une guerre silencieuse, dont je n'ai pas envie d'être la cause. J'ai finalement posé mes yeux sur la table, je lui ai dit, j'en veux d'autres, ils sont pourris. Je veux une tête qui fait moins mal et un corps un peu plus grand, c'est trop lourd un monde à porter, c'est trop dur d'être son propre colocataire. J'aimerais bien, j'aimerais bien. Elle me répond que c'est juste savoir faire les bons réglages, savoir superposer le réel et le reste, deux visions différentes à mettre sur le même piédestal. Rationaliser. Mettre de côté le reste. C'est pourtant hors de question. J'ai parfois les mains qui tremblent, et du mal à savoir quel jour on est, c'est juste un passage, c'est juste que j'ai du mal à digérer. Trouble nuit. Ma tête contre la tienne, j'ai dis à Microbe de veiller sur toi, parce que c'est la "protection la plus classe du monde", et j'aime pas dire au revoir, c'est comme ça, les mains dans les poches et la clope au bec, je regarde l'heure tourner, je garde le silence. Faire des quais de seine une deuxième maison, un rendez-vous presque quotidien avec la tête à l'envers. Découvrir un mot d'artiste dans se boîte aux lettres et essayer de trouver les bons mots, au moins tu nous auras tous marqués, héros inconnu de l'Histoire, loin d'avoir une grande hache, tu mâchais la mauvaise humeur au passage. Des olives au bout des doigts et un verre de vin, se laisser prendre par l'envie de demain. C'est l'histoire d'une fille amoureuse d'un garçon, il s'appelait Cerise, elle s'appelait Gaston.

[ 18 juil. ]

Saisir la pluie au vol et s'en faire une nouvelle peau, un bijou si précieux fait de perles et de sueur. Je suis celui du milieu, bien que ça ne me déplaise pas tant dans ce contexte, c'est surtout la sensation du drap humide et chaud qui se colle au ventre, aux cuisses, et ta peau si douce que je me noierai dedans, jusqu'à ce qu'il soit l'heure de débarrasser le plancher. Marcher sur les cendres de Voltaire en brandissant la bouteille de vingt an d'âge, il n'y a pas d'ivresse plus divine que celles des singes de quatre-vingt neuf qui titubent vers la ville fleurie. Sans envers du décor, il y a aussi tout le reste, dont "il faudrait qu'on parle", qu'on se mange, se dévore jusqu'à la moelle, il faudrait remonter à loin pour comprendre pourquoi elles sont si bornées à ne rien dire, pourquoi la nuit tombée, les corps tremblent et ne mentent jamais. Quelque chose cloche, mais à choisir, on va mettre un pied devant l'autre et se cogner les coudes à trop vouloir être du côté du mur. Quand le silence retombe, le but est de ne pas penser à toi et ton départ si soudain, c'est idiot cette façon de repenser à tout ce qui nous est passé sous le nez et de s'en mordre les doigt, cette façon qu'on a de ne jamais assez profiter. Alors je me prends par le bras et je met mes colères stupides de côté, je brûle à l'acide toutes ces pensées que tu incrustes en fourbe dans ma tête lorsque je baisse un peu trop les armes. Il y a que j'aime bien savourer le fait que je peux me tromper. Quelque part, plus loin, à l'heure où je multiplie les chiffres par deux pour vérifier une théorie, les mots s'écrivent d'eux-mêmes dans cette histoire tirée par l'inconscient qui se construit doucement à l'abri des regards, les rêves prennent les manoeuvres et se mettent à reconstruire mes actes un par un, et toujours. Un poisson rouge qui se meurt dans une flaque d'eau. Vous voyez le signe ? Je fais semblant de ne rien voir, et d'ailleurs c'est à mon tour de jouer. J'apprends la guitare pour de faux, et je prépare les hamburgers végétariens comme personne, je promets des frites et nous voilà tous autour de la petite table ronde rouge. Faire un sac, et en préparer un deuxième, faire son sac pour débarquer à l'improviste sur le balcon précaire. Battre les cartes, servir les verres, se battre pour la place du totem et jouer aux superhéros le nez sur le béton, t'es un peu comme un taré que j'admire secrètement. De la Belgique dans nos sourires, un carrousel en fond d'écran, les départs en train, j'aime bien que si c'est moi qui les prends. Le crachotement lointain de l'insomnie, des constellations en péril entre les mains du magicien et de la rousse. Les peaux mystérieuses. Passive attraction, programmed reaction, action, distraction, more information, flesh saturation, lips on a napkin. Il y avait ton côté intriguant qui me fascinait autant qu'il me démangeait, il y avait cette manière que tu avais de me montrer à quel point tout est ancré, pourtant.. Sur moi rien ne se fixe, que dal, et mon coeur en bataille. En quelques minutes je me suis vue il y a un an, j'ai vu toutes les mauvaises choses défiler et j'ai vu mes efforts piétinés. T'imagines pas à quel point j'en chie pour devenir quelqu'un de bien, j'ai plus envie de jouer aux méchants, j'aimerais juste pouvoir regarder quelqu'un dans les yeux sans sentir mon ventre s'essorer comme un pauvre torchon sale. Des fois, même, je demande comment ça va. Je continue à ne pas répondre au téléphone. Et ces nouvelles têtes qu'on cotoie tous les jours, j'ai toujours l'impression de faire quelque chose de mal, comme qui dirait "c'est pas à moi", surtout depuis que ça s'est vérifié par la suite. Je reste à distance, je me colle au coin, quelque fois j'ai même l'air d'être pas vraiment là, c'est juste que. Tu vois. Je reste à ma place, et j'attends le printemps. Alors j'ai regardé dans tes yeux, je suis sortie acheter du Coca. Rien ne change mais tout disparaît. Ouvrir en grand toutes les fenêtres avec vue sur la mer noire, échanger des roulées contre de vraies cigarettes et être le premier à taper, toujours. Ne laisser transparaître aucune faiblesse et cette fierté à la con, mais je suis déjà bien loin, tu peux y aller, vas-y, appuie, je suis immunisée. J'ai comme envie d'une fin torride, comme on en voit au cinéma, j'ai comme envie que ce soit terrible et que ça se passe juste en bas de chez toi. Je suis devenue comme un savon, et franchement, ça m'embête un peu, ce lunatisme des sentiments. C'est toujours après une bonne claque que je me rends compte de la chance que j'ai de t'avoir à mes côtés, toi, quand j'y regarde à deux fois, je me dis, tant pis pour le reste, mais s'il te plait. Reste.

[ 2 juil. ]

Que-Sais-Je. C'est comme ça qu'on t'avait appelé, peut-être parce que tu disais toujours que tu ne savais pas, en haussant les épaules et en rigolant. Ce qui avait l'importance d'être su, tu avais l'air de déjà savoir, et quand il était question d'être sérieux, tu éclatais de rire en disant "c'est quoi le délire ?". T'étais un peu la Grand-Mère Feuillage, enraciné en tailleur, t'avais pris le coin, tu faisais partie du parquet. Des branches puissantes et souples et des lianes plein la tête, t'avais l'écorce dure que tu entretenais par le sourire, et tu savais faire mieux que le vent et la pluie, tu pouvais faire vibrer le monde de ta voix, elle était encore plus grande que toi. Comme une ombre trop grande, un Giant Jack, t'avais plein de tours dans ton sac, t'étais là pour veiller sur tout le monde, avec ta guitare et tes grandes mains, t'avais toujours une breloque porte-bonheur, et quelque part, dans un coffre en bois, reposent une perle bleue, une graine d'arbre, une pochette tressée. Tu avais l'art et la manière de reculer toujours au dernier moment, quand il te restait une minute pour traverser la grande capitale, tu disais "Y a pas de problème". On savait que n'importe comment, tu pouvais y arriver. A mon pauvre petit paquet de questions bredouillées, tu répondais toujours "oups", dans un hoquet, et tu disais "ça va". Tu reprenais ta danse effrénée, avec tes instruments coincés entre les doigts de pieds, sous les bras, dans les cheveux. T'avais plus d'étoiles à l'intérieur de toi que toutes celles qu'on pourra voir, et elles filaient pas, tu perdais jamais la foi en l'impossible, tu trouvais toujours ce dont on avait besoin, dans les endroits les plus improbables. T'avais sûrement plein de défauts qu'on refusait de voir, parce que quand tu apparaissais dans l'encadrement d'une porte de métro, et que tu mettais tes poings sur les hanches en disant "Bah, qu'est-ce que tu fais là ?", y avait une larme qui coulait le long de ta joue, quand tu nous serrais fort contre ton corps immense, tu croyais qu'on était des anges, mais c'était toi. L'Ange. Peu de gens connaissaient ton âge, et moi je pensais que t'étais immortel, du coup c'est un peu comme si une forêt mourrait avec toi, t'imagines même pas toute la pluie que j'ai fait tomber dessus depuis. J'te jure. Tu nous verrais, tu te foutrais carrément de nous, et tu rigolerais bien fort, même que t'arriverais plus à chanter entre tes blagues, tu savais pas toujours où t'en étais, mais on le savait pour toi. Tu rigolais quand on parlait de sauver le monde, quand on disait qu'il n'y avait plus d'espoir, tu rigolais quand on se prenait la tête. Des fois tu rigolais plus, j'ai jamais vraiment su exactement pourquoi, mais alors avec toute la volonté que j'avais, j'essayais de faire le tour de toi avec mes bras, et je pensais très fort à une chanson, je ne disais rien, comme d'habitude. En réalité, je n'ai pas envie de m'approprier quoique ce soit, je te connaissais à peine, mais putain, t'étais quelqu'un de bien, comme j'en avais jamais vu avant. J'espère que là où t'es, y a toujours une cigarette cachée sous une latte de parquet, une guitare, un peu de farine et d'eau. J'espère que tu rigoles bien, l'Ami du bord de la Route. Il s'appelait Raymond, et il se foutait bien d'avoir un emploi stable. C'était un Epouvantail. C'était Ti fi Congo. C'était l'humain dans sa forme la plus humble, la plus modeste. Il avait plus d'or dans les mains qu'il en aurait jamais eu dans les poches, mais il le méritait, vraiment. Thierry Hugoninc, si t'avais pas existé, j'espère que quelqu'un t'aurait inventé.

[ 22 juin ]

Réveil en sursaut. Je plante le décor. Quelques mèches de cheveux, bleues, collées sur mon omoplate; et ce ne sont pas les miennes mais je trouve ça plutôt réussi. Malgré la sensation de déjà-vu, je sais que cette fois-ci c'est différent. Ta tignasse haut-perchée est en train de rendre le ciel un peu plus coloré, et n'y vois aucun compliment, hein, c'est juste cette couleur qui est magique. Un peu plus bas, le souffle saccadé du corps fatigué, et cette peau si douce abîmée par autant de choses qui vous réveillent la nuit, viennent vous effleurer la nuque pour y mordre jusqu'au sang. Comme une épreuve pour dire J'ai plus peur. Les doigts bien enfoncés dans mon épaule, et ce regard que je connais bien, fixé sur ce qu'il se passe. Derrière mes yeux. Tu le connais bien, toi, cet air-là, tu sais tout, tu comprends même avant moi ce qu'il se passe vraiment. Ton doigt est à peine en train de parcourir l'espace entre mon front et la pointe de mon nez que je me rendors déjà. Vous savez comme il est bon de revenir au sommeil après tant d'années d'absence ? Vous savez l'effet que ça fait, d'avoir des jambes un peu plus solides, les nerfs un peu moins tendus, juste, l'effet que ça fait, de ne voir comme étoiles devant ses yeux que celles que l'on a décidé de voir ? Faire resurgir des souvenirs qu'on croyait oubliés, en faire sortir d'autres comme de nulle part, lapin fou bondissant du chapeau. Des bribes d'histoires qui ne nous appartiennent pas et qui peuvent nous hanter toute la nuit durant, et celles d'après aussi. C'est dur d'être l'assassin d'un inconnu. Ce n'est pas que ça aille mal, et d'ailleurs, j'aimerais vous le dire une fois pour toutes : ça va tellement bien que je ne pouvais pas espérer mieux. Enfin si, mais alors je n'y aurai pas pensé. Ce petit livre entre mes mains, c'était aussi émouvant que si c'était mon gamin, si lisse, si coloré, si bien monté. Si bien que quand je suis arrivée à cette table ronde, avec les gâteaux, et puis mon chef-d'oeuvre, avec mes mains tremblantes et des croûtes aux yeux, j'avais pas vraiment peur, d'ailleurs, j'avais même plutôt confiance. Enfin ça, c'était jusqu'à ce qu'on me rappelle "l'histoire du rat mort". C'était pas moi, j'ai dis. D'ailleurs, le reste non plus, c'était pas moi. Déjà-vu. Le mec avec son polo Fred Perry, il m'a dit tu sais, moi aussi j'habite à Rouen, avant de me demander quelle musique j'écoute. J'ai serré fort fort la main d'Elvis, et j'ai tout déballé, j'ai défendu corps et âme ce à quoi je me suis acharnée pendant deux ans. Si ça n'avait pas valu la peine, alors je serais peut-être devenu autre chose, genre vendeur de frites ou pianiste de saloon ou coiffeur ou rien du tout et ça aurait été bien aussi. En tout cas, tout sauf conseiller matrimonial, j'ai bien compris que ça m'allait pas bien au corps, surtout depuis que tu es là, et que j'ai enfin vu quelque chose d'autre que les sempiternelles crises de larmes, les "je t'aime bien mais comprends-moi". Les chats et les souris, les quatre cent coups dans les genoux. Je veux dire, merde, je croyais qu'on était trop cons pour aimer, je croyais à tout ce qu'on m'avait raconté, à tout ce qu'on m'avait démontré, par A plus Z, de haut en bas, j'avais cru que c'était genre un mythe, comme le reste. Allongée sur la couverture près du feu, j'avais levé les yeux au ciel, et il y avait ces deux étoiles filantes, qui sont rentrées en collision, et puis il y a eu l'avion. Faites un voeu, fête merveilleuse. Jamais une soirée n'aura été aussi orgasmique, l'herbe était douce et cachés dedans, plein de trésors juste pour nous. Sauter dans le vide, faire la brouette, boire de toutes les potions et voir le ciel nous tomber sur la tête. Révolutionner le rock avec un triangle, révolutionner tout court dans ce fin fond de campagne. Avec des airs de constellations espiègles, marteau en main, refaire le monde autour d'un poulet. Refaire Paris encore une fois, tourner autour de la Bastille comme une armée de rien. Inondés de la cave à la chambre, jouer aux pirates sans le faire exprès, apprécier le soleil et la liberté, savourer une réussite en bonne et due forme, aventuriers au chômage. We could be heroes, just for one day..

[ 5 juin ]

Juste pour voir, j'ai toujours poussé le bouchon un peu trop loin. Juste pour voir, j'ai tout remis au lendemain, jusqu'à la dernière heure, juste pour sentir cette énorme poussée d'adrénaline qui fait tourner la tête et palpiter l'intérieur de chaque membre du corps. L'accomplissement dans le dernier geste, posé à quelques minutes de l'échéance. J'avais repoussé toutes mes pensées au bord de l'incongru, et bouleversé l'impensable, remis en doute pas mal de théories selon lesquelles certaines choses sont impossibles. Comment peut-on dire non sans avoir essayé, comment peut-on vivre sans prises de risques ? Quelqu'un m'a dit un jour, que tout ce que l'on risque, c'est de se voir dire non. Pour éviter de se prendre le mur en pleine figure, il suffit d'y grimper. Pour éviter de mourir, il vaut mieux ne pas vivre du tout. L'animal rusé dans ma tête a bien souri à ta question, je l'ai fait tourner sept fois, et en ait conclu que finalement, pourquoi pas. C'est bien là la seule réflexion dont je suis capable. Après avoir nagé dans les eaux tièdes, il fait bon titiller un peu les extrêmes, satisfaction débile de voir jusqu'où l'on peut se perdre sans se noyer, pédaler le plus vite possible, sans les mains, sans la tête, regarder le paysage défiler, se faire arbre, se faire abeille, se faire nuage dans le ciel. Passées certaines heures de la nuit, il commence à faire jour, et la première chose qu'on vérifie, c'est que les sourires sont toujours là. La tête dans les épaules, attendre l'ouverture imminente du magasin de jouets, la clope au bec et les croûtes aux yeux, attendre le bus, chercher un truc intelligent pour dire au revoir, finir les mains dans les poches, retourner se coucher. Ce surplus de sur-place concernant mon avenir incertain me fatigue plus que ce que je ne le fais croire, des fois je ne suis même plus trop sure d'exister pour du vrai, tellement tout ça est un peu en train de me faire peur. Ma plume et mes crayons délaissés, c'est vrai finalement, j'ai un peu perdu la main, et dans mes conversations, c'est pareil. D'ailleurs, je n'ai plus rien à dire en attendant l'échéance, je me contente d'apprécier, et dans un ultime message subliminal, je finis par sourire. Réaliser un habile tour de passe-passe et déposer dans sa main l'étrange lapin tout bourlingué, avec ses coutures qui se défont et son air pas dupe pour trois sous. Ca avait tellement l'air de rien comme ça, de toute façon, si on avait cherché, on aurait pas trouvé les mots, et c'est bien mieux. Je veux dire, c'est pas tous les jours qu'on vient se pendre à ma fenêtre, bouteille en main. Je veux dire, c'est pas tous les jours, mais si ça l'était, ça serait cool aussi. Va expliquer ça, sans avoir l'air con, va expliquer ça, et essaye d'avoir l'air crédible. Se battre pour avoir le rôle du plus fort, ou en tout cas, du moins faible, sceller un pacte invisible et rire de tout, sans vomir partout. Dans quelques jours, il y aura ce livre entre mes mains, et si en temps normal j'aurais été fière à en crever, maintenant j'ai juste envie qu'on en finisse avec tout ça. Je veux faire de la boulimie de vraie vie, retrouver un semblant de vie sociale et manger des frites, du fromage plastique et enlever le gras du saucisson. Aller jouer au Cowboy dans le parc d'à côté, essayer de retrouver la main. Je ne sais pas si tout ça a du sens, j'aimerais mieux pas. C'est tellement fatigant de devoir se justifier à longueur de temps..

[ 28 mai ]

Ni chaud ni froid ni son contraire, être le milieu dans son plus bel habit, celui du dimanche, et tout ça, sous la pluie. S'asseoir en laissant courir les gouttes le long du corps, se laisser dire que peut-être, c'est la fin de tout, les épaules plus basses que les genoux. Se laisser dire que peut-être, on ne peut pas être maître de tout sans passer par le vide. Et inversement. Plutôt que de prôner la décadence, commencez déjà par savoir la reconnaître quand elle vous passe sous le nez. Plutôt que de vouloir jouer le rôle du méchant idiot, laissez-vous surprendre par la fragilité de cette force qu'on appelle Être soi-même. Donner tout pour réussir, se projeter à fond dans quelque chose qui risque présentement de capoter. Donner tout et n'avoir rien, donner tout, et mettre de côté pas mal de principes, tout ça pour. Presque, mais pas tout à fait. Il me dit, tu es à deux doigts. Soit on parle de chocolat, soit ça tourne à mon désavantage, le seul truc étant. Ne pas lâcher prise. Electrocution en bonne et due forme, faire ça proprement, préparer la corde et le tabouret. Se dire maintenant ou jamais. Microbe dans la tour de contrôle reprend les dés et ses plans de sous mon nez, il dit tu vas voir, il dit. Ne laisse pas les autres décider de la façon dont tu pourrais mourir. Cher corps, j'aimerais bien te mettre en vente aux enchères et m'acheter une poche de tabac avec, pour pouvoir te pourrir encore plus que tu ne le fais déjà, mais à la place je vais te garder encore quelques temps, histoire d'avoir de quoi pouvoir lever le menton bien haut devant mes exigences. Plus c'est gros, moins les gens ont envie de savoir, voilà la théorie. S'habiller de l'impossible et devenir invisible. Les choses deviennent plus simples à la lueur de l'octarine, et le réel un peu plus sarcastique quand on s'ouvre aux extrémités. C'est la fatigue qui s'enroule autour de la gorge, des entrailles et des poignets; comme un serpent, elle se dresse au-dessus de la tête, et elle avale tout ce qu'elle peut. Des pensées en filigrane. Microbe malaxe les rêves, il les retourne dans tous les sens, ce qui fait que vu d'ici, tout est emmêlé, dénué de but et de fin, et quand il a fini, il me dit juste. Que ce n'est rien. Encore du tiède qu'on va devoir foutre au micro-ondes, encore du ni noir, ni froid, encore du. Coffre vide. Poser ses paumes à plat contre les plaques chauffantes, claquer les portes sur le thorax. Si seulement il y avait quelque chose à vomir, quelque chose à remplir. Chaque haussement d'épaule équivaut à un manche de couteau dont il ne manquerait que la lame. Soldat de plomb sur les pages raturées, fusil sur l'épaule pour tirer vers l'arrière, ne pas se soucier du décor, il n'y a pas d'envers. Les magiciens crèvent la dalle, là-bas, plus loin, sur le quai un peu après trois heures et demi, j'attends le passage du train pour aller rendre visite à cette curieuse fillette et son chat. Encastrés dans un mur, des souvenirs de soleil et de myrtilles, une salopette et un pull marine. Tu sais, ce sourire, c'est plus fort que tout ce que je pourrai prendre, c'est juste un bout de vie à ne jamais perdre de vue, un aparté discret et fort comme la pluie contre le carreau. Des schémas de schémas de schémas de schémas. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, peut-être à ce que quelque chose change, je croyais que quelque chose pouvait être réparé, mais en fait, c'est tellement cassé qu'il n'y a plus qu'à jeter. Y a des fois, comme ça, c'est comme la foudre, on croit que ça ne nous touchera qu'une fois, et au bout de la vingtième, on ne sait plus trop vraiment ce qu'on doit ressentir, alors on prend une émotion au hasard, et on se dit que ça devra bien suffire. Je pensais juste que ça n'irait jamais aussi loin. Plus tard, il me déposera les dés dans la main, et il me dira qu'il a fait le nécessaire, que tout va rentrer dans l'ordre, et bien sûr il a raison, c'est toujours comme ça que ça marche. On peut voir deux aspects de la chose, lorsqu'il est question d'une victoire : gagner pour soi-même ou faire perdre les autres. A partir de là, il devient aisé de comprendre pas mal de choses, comme l'aptitude des gens à cacher leur propre échec par le potentiel votre. Bien joué, bien joué. Il me demande si j'ai des questions, ce à quoi j'avais juste envie de répondre. Si seulement.

[ 15 mai ]

La cigarette après l'Amour ne s'écrase qu'au petit jour, les mégots plein le cendrier.. voulaient peut-être dire qu'on s'est aimés. Enveloppée dans ce grand manteau de goudron, aux boutons brûlant de milles feux, vous pouvez passer, c'est Vert, qu'il dit. Vertiges des grands espaces, quand je te traverse de fond en comble, Paris, vertige après minuit, peut-être bien que j'ai trop bu. Des mètres de néons avalés, la digestion multicolore des samedis soirs. Une molécule dans ton histoire, je n'étais qu'un point parmi les tâches, une bêtise de plus, un marque-page, traçant sa route entre les gouttes, traçant les lettres entre les lignes. Allô Paris, tout est fini, et putain, je suis fatigué.. J'aurais voulu ! On trinque aux histoires qu'on raconte mille fois, on trinque aux rires, on trinque aux larmes, aux fins qui n'en finissent plus de finir, aux débuts qui se font attendre. On trinque à toi, et toi, jeune homme, tu restes là. Dans ce grand habit de rien, j'avais retrouvé mon ami mystérieux, sous sa forme la plus soyeuse, il m'est revenu l'air de rien dire, l'air de rien croire. Dans ses bras mous en forme de haricots plats, il a entortillé mes larmes, l'air de dire : où tu vas ? Il me fait le coup du Souviens-Toi, et je traîne après moi comme une drôle d'erreur, cet air qui sait tout par coeur. La démence qui dépasse toute réalité, dans le bus de l'insomnie, il pourrait tout s'y passer sans que personne ne s'en aperçoive, c'est un moment qui n'existe que pour ceux qui se perdent sans dormir, qui vivent sans trop y croire, croire que demain, tout ira bien. Des couples bras dessus-dessous, sous d'épais chapeaux de feutres, eux ils prennent le taxi, et l'homme par terre me propose un café. Il vient d'aussi loin que je viens, emportés par la foule. Le sourire comme un court-circuit et les joues morveuses, dans cet informe costume trop grand pour moi, je me suis mouchée mille fois, et toi, tu as tendu la main, et comme seule garantie, tu m'as dit que demain, il fera beau. Tu le sais bien. De mon cirque il ne reste plus que l'idée d'un chapiteau, bancal comme un pantin somnambule, triste comme un mégot de cigarette. De mes yeux, il ne restait plus qu'un paquet sombre de charbon poussiéreux. Et toi, tu es arrivé, avec seulement trois bouts de ficelles, des histoires d'Etoiles et de choses comme ça; de mon chantier du dimanche, tu en as fait un Royaume, et, sans prétention aucune, tu as tout chamboulé. Bienvenue au Marché des Illusions, où les rencontres éphémères se mêlent aux discussions philosophiques.. Les vraies personnes ne sont pas remplaçables, pas vraiment fiables, et pour cette raison je me suis enterrée dans mon usine à recycler, mon imaginaire et moi en pleine ébullition, jusqu'à explosion. Les perdre n'a pas duré très longtemps, mais rassembler chacune des fibres jusqu'à pouvoir les ramener à la vie n'a pas été une tâche facile. Laboratoire à amis imaginaires, j'ai modulé chaque corps jusqu'à pouvoir faire entrer tout un monde dans de maigres bouts de tissus, j'ai cousu, piqué, aiguillé, colorié, charcuté. Si tu veux on oublie tout, je retourne dans ton ombre, dans cette histoire de fou, dans un truc un peu sombre, tu resteras mon idole, un exemple ici-bas, deux amis pour qui tout colle sans problèmes ni tracas. J'offre un bout de moi au mec aux longues algues blondes sur la tête, j'aimerais l'amener dans mon usine et lui montrer qu'il vaut la peine, j'aimerais sortir de sa tête les mauvaises ombres comme je le fais si bien. Pour de faux. Qu'est-ce qui nous tente, qu'est-ce qui nous donne ces envies, qu'est-ce qui nous réveille la nuit ? J'écoute, je façonne, dans son ombre, je tricote. La présence de ces mystérieux inconnus devenus mes plus fidèles amis me donne envie de danser la valse à en crever jusqu'en automne, je suis fascinée par cet épluchage interminable de leurs vies sans cesse prêtes à me surprendre. Dans leurs yeux je cherche un paillasson où déposer la clé de mon chapiteau croulant, mon bout de quelque chose sans prétention. Et pourtant, c'est plein de petits oiseaux sur la terre, et sûrement, comme un pyromane j'enflamme mon univers.. Capturer dans la boîte rouge épileptique ces nuits sans fin, et se faire la bise au petit matin, et mourir demain. Wilfried a retrouvé derrière moi toutes ces choses que j'avais perdues, et mes colères insignifiantes ont laissé place à d'étranges projets, quelque chose de productif qui m'amuse, me dérange, me picote, et transforme tous les passagers de la rame en lapins ruminants. L'Imaginaire et son pouvoir sont la seule chose qui vaille la peine, et lorsque la fiction dépasse toute la réalité, alors c'est que c'est le temps de. Grimper dans le bus, enfin. Se donner le droit d'être libre, vous ne devriez pas en avoir si peur. La même chose que tous les soirs, Minus, tenter de conquérir le Monde. Quand l'orage éclate, c'est dans mon corps qu'il explose, l'électricité statique de mon mutisme, la Mort dans ton ombre, qui t'a rattrapé, la Mort comme Autisme, absence totale de réaction. Et l'orage qui tonne, qui gronde, qui frissonne. L'orage qui donne envie de jouer les justiciers, c'est le temps idéal pour. Les humeurs qui s'écoulent le long du cardiogramme, puis tout s'éteint brusquement, et toujours rien. J'ai comme envie de tourner le gaz, comme envie d'me faire sauter les plombs, comme envie d't'expliquer comme ça..

[ 3 mai ]

Terrée dans l'ombre, l'Histoire a fini par me bondir au visage. Après un peu plus de deux ans d'absence, il a fallu retrouver de quoi écrire, pour de vrai, changer l'encre, changer la plume, changer le début pour mieux en trouver la fin, changer d'optique. Avec une grande Hache, elle m'a poursuivie toute la nuit, taillé dans les ombres, taillé dans le ciel, elle a rassemblé les Etoiles en petits groupes, parce que c'est ce qu'elles sont. Des constellations. Comme les gens, guidées par la peur de se retrouver seules, de se retrouver folles. Comme les gens, à naître et mourir sans jamais s'arrêter, un cycle infernal dont il fallait se dépêtrer. Se faire maître des Etoiles, faire naître la maigre prétention de sauver quelque chose, se faire maître de Soi, mesurer l'Impact, et tirer. Le petit bout de peau entre les deux yeux, sensible et chatouilleux, s'endormir entre les pages, mourir à petit feu avec Elles. Avoir la Peur comme on a la Foi, s'en rendre malade et se ronger les sangs; craindre la nuit comme on craint la ceinture, craindre l'envie par la Fin. Je n'ai jamais compris ces gens qui ont peur d'être Heureux parce qu'ils ont peur d'avoir Mal, je n'ai jamais compris pourquoi une histoire devait finir avant de commencer. Cycle vicieux qui laisse perplexe, à tout bien y regarder, je préfère passer pour un idiot mais continuer à Vivre. C'est comme ces gens qui se sentent tellement impuissants fasse à une situation qu'ils ne maîtrisent pas, qu'ils se sentent obligés de ne pas Aimer, de toujours vouloir juger, critiquer, nommer, montrer du doigt, se sentir souillés par ce qu'ils n'ont jamais tenté. Vouloir partir ailleurs, avant tout pour s'éloigner de Soi-même, vouloir s'éloigner des autres pour ne pas avoir l'air Minable. Petit. Surtout, toujours être le plus Grand. Je ne l'ai jamais compris. Sentir l'ombre derrière soi, l'obscurité comme une cascade de goudron froid, sentir l'odeur de la peur et de l'immense, voir les Etoiles du vertige flotter devant ses yeux. Quand je les ai vues mourir, un peu plus chaque soir, l'interrupteur en panne. Il n'y a pas plus Triste qu'une Etoile qui s'éteint, pas plus Triste que les gens qui connaissent les noms de toutes les constellations et qui en font des Horoscopes. Quel ennui. Se jeter dans la gueule du loup, y trouver refuge, ça non plus je ne l'ai pas compris. Vouloir se faire Fort par la Faiblesse, faire croire à tout prix, allez-y, je Gobe tout. Les Secrets, les Cachettes, le Fou du Roi dans la poche, je sais tout. Reculer à petits pas et se cogner contre un mur tapi de ton ombre, attendre que Mal se passe et se rouler en boule. Nez contre nez. Frappe-moi plus fort encore, que je devienne aveugle et ne te voie plus. Je voulais juste comprendre, je voulais juste. Protéger. Mais je ne veux plus. Je voulais un Remède contre moi, il suffirait juste de se laisser aller à l'état de Pierre, se faire Souverain comme le savon entre les mains, glisser sans s'arrêter, glisser sur ta peau, glisser dans tes veines, Balivernes. Ressentir est la plus belle chose qui soit, ne me force pas à l'Atrophier, ne me force pas à. Je ne le ferai pas. L'Histoire me sauvera, moi, toi, et même les Etoiles, elle va sauver la Nuit comme ces milliers de chats errants qui s'installent aux fenêtres, comme Monsieur Pi, comme les petits Lumignons. Kidnapping en bonne et due forme, Basile ramasse les amis imaginaires qui tombent par terre, il fait un peu peur avec son Oeil qui tombe, il fait un peu peur, mais il est doux comme les cinq sens. Je me suis enroulée dans les mots, les lignes sur le papier brillent dans le noir, ou alors c'est la fatigue. Au Marché, je voyais les fruits se transformer en serpents et les légumes en magiciens, une vraie boucherie qui sent le sang et le fer blanc. Sentir les mots qui se déforment, et sans cesse des envies de Carnage, se sentir devenir mauvais. De l'énergie violente dans un grand frisson, modifier pour se débarasser. Marquer la page, corner les coins, une brique de jus de Pomme dans la nuit, et se retrouver à parler comme un enfant de sept ans en société, se terrer au fond du fauteuil limé, cachée dans un grand chapeau. Je l'entend, il vous dit Bonsoir.

[ 20 avr. ]

Merci pour tout, pour m'avoir fait croire que grandir n'était pas une si mauvaise chose..
Tant qu'on ne dépassait pas la date limite.
Merci d'avoir été là, merci d'avoir ouvert bras et bouches, merci pour les histoires, merci pour les colères, merci à ceux à qui je ne l'ai toujours pas dit, merci pour toutes ces petites choses et pour toutes les plus grosses, merci de m'avoir appris à savoir partir sans flancher, merci de m'avoir appris la nuit, la pluie, le froid, merci d'avoir aimé, merci pour les sourires, et merci pour les épaules, merci d'être ceux qui savent attendre sur le quai, merci de savoir voyager sans partir, merci pour les souvenirs, merci parce que ça a fait si mal que jamais autre chose ne pourra être pire, merci pour les intentions, merci pour les pardons, merci de ne rien demander en retour, merci pour les quiproquos, merci d'avoir compris qu'il est inutile de demander à quelqu'un si ça va, puisque personne ne dira jamais la vérité, merci de ne pas savoir rester en place, merci pour le printemps, merci de ne pas déranger.
Merci de supporter.
Merci d'être restés, et merci pour les coups dans la gueule.
Maintenant, j'aimerais avoir cinq ans, et ne pas avoir de raisons à donner quand ça ne va pas. Une balançoire pour tout oublier, un sourire à couper en vingt, des rêves à mourir demain.
Un jour, quelqu'un a dit "tu pourrais pas assumer la vraie vie". Et un autre, juste après, a commencé à jouer du violon avec un ballon de baudruche. Quelqu'un est mort quelque part, et moi, je suis née.

[ 3 avr. ]

On attendait tous que les lumières s'éteignent, on attendant le lever du rideau de velours rouge. On était là, dans nos fauteuils tordus, rugueux et couleur de vin, couleur de sang. Jesus disait des choses, et les gens le croyaient. Avec tes bras étendus, tu nous expliques que Jesus était le premier des anarchistes, que si tu pouvais, tu serais lui, et qu'au moins, ça ferait bien dans ton C.V. Les mains crispées sur les accoudoirs, j'attendais la musique, avant que la tête explose. Du sang étalé sur la longue feuille bleue, le bras noirci par l'encre, tout était poisseux, mais tout était propre. Spectateur, clic clac. Spectateur et chair de bois. Est-ce que ça fait mal ? Je veux dire, est-ce que ça donne envie de casser quelque chose ? Est-ce que ça te donne des envies de destruction ? Est-ce que tu pourrais ne jamais te relever ? L'aiguille s'agite avec ses copines sur les tracés, noir sur rose sur chair sur sang sur os. Des cafards au milieu des danseuses. Relevé, tourné, entrechats. Elle était là, tout en blanc, avec son diadème sur la tête, elle était si belle que j'étais comme un pirate devant son coffre à trésor. Valeur inestimable, j'avais trouvé un appui, une accroche, une chose sûre. Jambes tendues, bras courbés, la nuque dans les étoiles. J'avais rêvé d'être parmi vous. Plus de catastrophes, de carambolages, de mort subite, de combustion, d'accidents terribles. Tout avait été écarté de ma tête et jamais l'envie de courir sur la scène n'a été aussi forte, être le géant au dessus de ton épaule, être l'ombre. Tu étais le bon présage, moi le sale môme pas sage. Accoudé sur la table en cuir, à parcourir les bêtises et les choses sales, des doigts dans le nez et du noir, du noir. Pinocchio n'était pas un saint. Ceci est mon sang, je la voyais comme la chair de ma chair, mes entrailles, mes rêves de folie. De librairie avec goûter incorporé, des lapins lumineux, des histoires à dormir debout, du chocolat et des sorcières. Des longs cheveux blancs et des chaussons au bout des pieds, on a déjà les chats. Si je voulais partir, c'est chose faite, et c'est aussi grâce à eux. Un tonnerre de bonne humeur et de souvenirs aux milles odeurs, une impression de déjà-vu, toujours en mieux, courir le monde à dos de chameau à roulette. Trottinette et galipettes. Dans leur gibus à quatre étoiles, et voilà Rimbaud à l'accordéon, sans sa moustache, mais toujours le sourire, bretelles et calembours. Trompette dans l'oeil à la coque, s'il n'y avait rien d'autre, faites qu'il y ait toujours ça. Poulpe en goguette et chanson pour deux, mon pirate gris à l'oeil poché, valse musette et pupilles en fête. Que l'instant dure toujours, sous la lumière bleue et rouge. Tes chaussons qui balayent le sol noir, des sauts de l'ange sur les bras tendus. Une caravane pour l'horizon, velours et cartes à jouer, éparpillées sur le trottoir, le joker se fait bougon ce soir. On va tout balancer jusqu'à n'avoir plus rien, et là ? Est-ce que ça fait mal ? A trop vouloir être libre on ne l'est plus du tout, des tambours dans la tête et le lapin fou fait ses réglages. Des fils électriques de partout, court-circuit, et si on se rongeait les nerfs ? Oh oui. C'est la fusion des éléments, le ballet cosmique de la clarinette. De sous-sols en sous-sols, des pointes qui crissent contre les murs. Les murs sont des crevettes, poisson d'avril. Partir n'est jamais plus difficile que de rester, souvent il suffit juste de savoir lâcher du lest, se débarrasser de tout sur un coup de tête, ne rien oublier, juste s'en aller. Faire le mort, faire la pluie, faire la nuit et le beau temps, faire la guerre avant tout, avant que l'amour devienne fou. Du chiffre pair pour la demoiselle, l'heure du goûter à grande échelle ! Du Coca frais après l'émotion, des bulles de bruit et de la musique à foison. Donner son corps à la science des rêves, faire des gosses en tube, et batailler pour un poisson rouge, fuir les fantômes et faire des gâteaux. Verts, les gâteaux. Les yeux dans les yeux, merci pour tout, on ira se marier au soleil, un jour, pour de faux, pour voir si c'est aussi bien que dans leurs chansons. Révérence et chignon vers le ciel, que la nuit soit, rideau.

au soleil, un jour, pour de faux, pour voir si c'est aussi bien que dans leurs chansons. Révérence et chignon vers le ciel, que la nuit soit, rideau.

[ 26 mars ]

J'ai enfilé ma cape de nuit, mon ombre suintante, ma permission de minuit. J'ai nettoyé la couleur au savon noir, fait passer un mauvais quart d'heure aux idées noires de chacune des têtes. On a dit "transfert" et on a tapé dans la main, c'est comme ça qu'il faut faire. De verre en verre, les yeux vitreux, c'est toujours toi que je préfère, le nez par terre. Un moment d'absence, c'est comme ça que ça s'explique le mieux; quand ta main dans la mienne, et tout à coup le silence. C'est comme ça que l'on s'entraîne. La valse à mi-temps, le smic des saltimbanques, le full sentimental. De verre en vers, même ritournelle, c'est l'hymne au soleil, la ribambelle de tes amours ratés. Des chapitres envolés, rejeter les dés, tomber sur toi, comme par hasard, tomber sur toi, et ton parfum. Le corbeau fait le printemps, maintenant qu'il fait. Tout le temps nuit sur toi.. Des mètres entiers de ficelle souillée, j'en ferais des poèmes, de tes envies. Si j'étais Elvis, j'en ferais des cordes autour de mon cou, et je dirais adieu aux bêtises. Deux verres sous terre. Avant de rejoindre le souterrain, je m'étais arrêtée devant ces deux lapins. Le blanc et le pas-tout-à-fait noir. Quelque part, si mes oreilles se sont bouchées, c'était pour mieux les écouter. Murmures nocturnes et thé aux agrumes. Choisir un peu, c'est ne prendre qu'un seul chemin, c'est ne plus se diviser. Si seulement c'était pour mieux se multiplier.. Il y avait dans tes yeux, quelque chose de suppliant, c'était comme un tambour de fer, il y avait dans tes yeux. Quelque chose de mon verre, ça sentait à peu près la menthe et le citron. Se faire caillou, se faire chaussure à ton pied, se faire escargot. S'enrouler dans ce grand manteau d'amis fous, seul escabeau vers l'hirondelle. Au début je t'ai cru triste comme l'automne, je ne sais pas si j'aimerais y retourner. Au début, sur le papier glacé, le vide seulement. Les formes se découpent sur le blanc, puis les couleurs. D'abord le rouge, surtout. Quelque part les dimanches ont pris la forme des autres jours de la semaine, semelle sous mon pied, et tant pis pour le milieu. Ensuite quand les formes se découpent, c'est que c'est le moment de partir, ça veut dire va-t-en avant que tout le monde reprenne ses esprits. Boucher chacune des extrémités, se faire sourd, aveugle et muet, barricader. Moustique contre la lumière, la nuit s'empare du reste, et les doigts qui gigotent. Se retrouver avec le lapin fou et le chien à la cravate, frôler l'hystérie de l'incongru, lance-grenade, piscine d'acide, mousse à raser. Ne pas chercher de sens à tout, et rester dans l'idée que tout est possible. Merci l'Animal. Cet énergumène en action dans ma tête, la mémoire est une drôle de chose dont il contrôle toutes les ficelles. Fait sauter les fusibles, voyons ce que ça donne. Se sentir comme un morceau de sucre, et semer des bouts de soi un peu partout, fondre entre les mains. Appuie sur l'interrupteur, appose ta signature ici. Faust et compagnie. Si les choses avaient été différentes, ça n'aurait rien changé. Mais si tu souris, alors tout va bien. Des pantins au bout des doigts, un pull marine et une couronne en carton, il a regardé chacune des pages, avec ses yeux, il les a regardées encore une fois. Il a dit que c'était bien, j'ai enfin pu respirer. De verre en verre, j'avais disparu, hors de l'espace-temps, j'étais repartie dans ce carton à recyclage. Des histoires en charpie, des imaginations atrophiées. "Je suis rentré du cosmos, mais j'ai gardé le scaphandre", comme on dit. Il a analysé chacune des couleurs, chacun des mouvements, il dit que c'est pas encore ça, mais que c'est bien quand même. Quelque part, je crois que c'est à partir de là, qu'a commencé le printemps.

[ 12 mars ]

"Qu'il est bon de faire ce qu'on aime, de danser le papillon.. De jouer au poisson sans hameçon. Baba cool je bois la tasse; elle, elle joue au tourbillon : il serait temps que l'on s'embrasse !" ©Mathieu Chedid
Du soleil comme seul passager dans le train, et le ronronnement des rails et des cailloux. S'enfermer derrière les rideaux, jouer aux fantômes contre les vitres climatisées, sans oublier de saluer le paysage que l'on finit par connaître sur le bout des cils. C'est tout une chansonnette, le manège des imbéciles et du doigt; ça fait si longtemps maintenant, l'odeur des fêtes foraines. Attendre sur les quais. Prendre n'importe quelle personne par la main et fuir encore, fuir toujours, mourir un peu. S'attacher aux jolies choses, s'en lasser, le ballet infernal de la prose et de l'ennui, saboté au rythme des discussions sur l'infini, et l'au-delà. Reprendre la vie là où on l'avait laissée, saisir la pluie, saisir la chance. Saisir une main et puis la mordre. S'arrêter au détour d'une rue, les silhouettes noires et le canapé, prendre le temps, prendre la nuit, la fumée en suspens au-dessus des débats sur le rhum et l'amour. Oh, grand-mère, que ton sourire est grand ! C'est pour mieux avaler le présent. Mon enfant. Il y a un mec qui chante pour New-York, mais ici il pleut. Hé, tu me laisserais être ton parapluie ? Ton Giant Jack, ton Basile, ton Jésus. Tu me laisserais être étoile filante, si je te disais que je ne pars nulle part ? Syncope des violons. L'attaque des russes, et un des mecs, celui qui dit qu'il s'appelle Brian, il me dit "l'amour ça n'existe plus". Je lui parle des jolies filles, il sourit. Il y a ces tâches qui s'étendent toujours un peu plus, elles ont déjà atteint le nombril, les oreilles et le creux du dos. Se laisser conquérir en silence, déclarer la guerre à la guerre. Il y a des gens qui crèvent avec leurs enfants, juste pour que les fruits soient plus gros. Plus beaux. Ne leur a-t-on jamais appris que les plus beaux trésors sont ceux qui sont usés par la marée, fatigués, cowboys à la retraite et marins de la dernière pluie. Cette apologie du plastique, du tic et des tocs, bonjour, je voudrais plein de médicaments. Tu me laisserais être ton Néo Codion ? Se laisser conquérir par ses rêves les plus étranges et les reproduire, juste pour voir. Laissez-moi vous dire que ça marche. Laissez-vous surprendre, laissez l'impromptu vous faire sourire. Immigrant Punk. Se profiler dans la nuit, virevolter avec des bottes de sept lieues et courir à reculons, la valse des enfants pourris. Ne deviens pas ce qu'il peut t'arriver de pire. S'enfermer par la porte de derrière, faire abstraction, faire des concessions, faire des pieds, des mains, et du nez. Bouder les mains, bouder le coeur. Régurgiter colère et raison, faire abstraction. Mourir un peu, sourire, tout le temps. "Et pour enfin changer d'échelle, changer le monde par endroits." On irait vivre sous mon toit, et quelques fois, sous le tien. Celui qui sent le vieux escalier et abrite toutes les colères sous la musique. Pendant que tout se casse la gueule autour de nous, Minus et moi confectionnons le petit manuel de la bêtise pour grands avisés. Je lui apprends que rien n'est mauvais tant que personne ne l'a décidé. Que quelque fois, pour exister.. c'est comme ça, et puis c'est tout. T'as le droit, vas-y. Le monde est à toi, mord dedans. Crie-le bien haut, existe ! L'apogée des petites sottises entre amis, les grosses bourdes, tout ça, c'est pas fait exprès, c'est plus fort que moi. Plus fort. J'aimerais être un camion, j'aimerais, comme la chanson. Tu crois que c'est possible ? Et pour les mots doux, c'est Basile qui s'y colle, parce qu'il a les oreilles comme un gâteau au chocolat, et des bras comme le matin. Des dinosaures à croquer et du vaudou gentil pour le petit prince. Tous au coin, tous punis, du scotch sur la bouche et des fourmis dans le ventre. Je déteste attendre. Les chroniques du milieu, palpitantes, épuisantes. Brèves de comptoir, trêve de plaisanterie. La grève des transports de la tête au coeur, c'est bouché : revenez plus tard. Capturer la bonne humeur sur tous les visages et s'en faire des colliers porte-bonheur. Du vaudou pour les vauriens, on les aura. Un, deux, trois, éperviers.. souriez !

[ 8 mars ]

Le milieu. C'est à priori quelque chose qui se situe entre le trop et le pas assez, deux extrêmes qui se ressemblent parce que trop radicaux. Voilà, point. Autrement dit, où que tu sois, tu choisis de te faire avoir, mais le truc bien, c'est qu'on peut au moins choisir. Tu préfères être l'entrée ou le dessert ? Réchauffer au micro-onde, se laisser surprendre par le grille-pain. Une fourchette et tout s'éteint. Le milieu, c'est moyen. C'est ce que me dit la voix monotone de la personne en face de moi. Tu es trop tiède, qu'elle dit. C'est pire que de se voir dire qu'on va trop loin, c'est se dire qu'on ne va nulle part, c'est piétiner en attendant le prochain train. Tiède, c'est comme une insulte. Assis avec les violons, et les gens qui vibrent sur la commande des rails, parfois la lumière s'éteint, mais toujours, rien ne change. Tiède. C'est le dimanche sous la pluie et le samedi sous Cellophane. Ce serait décevant de mordre et de s'apercevoir que c'est ni bon ni mauvais, que c'est juste moyen, et que c'est pas vraiment juste. Donner à ses envies toute la place, leur laisser le volant et aller s'asseoir à l'arrière, poser son cerveau dans le coffre et baisser la fenêtre pour faire naître l'ivresse du trop plein d'air dans la figure. Asphyxie du pas assez, exaltation du trop. Se situer au milieu, c'est le sale boulot. S'éclipser des échanges bouillonnants, dans chacun des cas, être le méchant. Choisis ce que tu veux, mais fais-le bien. Et si possible, ne me rate pas. C'est bien ça, non ? C'est le cerveau qui essaye d'éternuer, ça chatouille jusqu'à céder, ça picote, ça démange, ça ne rejoins ni la raison ni la folie, c'est juste avoir envie. Le monsieur qui sent l'alcool, avec ses dents toutes pourries, il me demande pourquoi j'écoute les autres. Je ne sais pas. J'essayais juste de ne pas trop penser à moi. Se rallier à toutes les causes et jouer au marchand de sable dans chacun des sourires à l'envers. Faire le Père Noël et se ramasser méchamment. La tête haute. Y a pas d'heure. Des cravates pour Fidel. En réalité, les choses sont simples. A défaut d'y croire, tu peux toujours te barricader et oublier le reste. Puisque ça n'existe pas, il faudrait inventer le fil à couper l'eau chaude et se diviser par deux, par cinq, par dix. Il faudrait écrabouiller ses envies. L'arbitre dit stop. L'arbitre ferme ses oreille, ses yeux, sa bouche, il tourne le dos au jeu et il se tire. Voilà ce que c'est, le milieu. C'est regarder jouer. Dire oui, dire non. Carton rouge. Dire Amen à tout, tu vois, moi aussi j'en ai marre, des fois. Exister sans vivre. Un grand homme a dit quelque chose par rapport aux tentations un jour, qu'on me lance la pierre s'il n'avait pas raison. Les neurones dans le grille-pain et les organes dans le micro-onde. La raison dans le cendrier. Excusez-moi, d'avoir eu envie d'être moi, un tout petit peu. Excusez-moi. Quelque part, il y a un gosse qui est venu au monde, après l'avoir tant vu sous tes côtes. Les choses devraient être simples. En fait, je n'ai rien à dire, je referme la boîte et les portes et les fenêtres, tant que ça ne changera pas. Excusez-moi, j'aimerais retrouver mon sourire, à moi aussi. Et tant pis pour le milieu, il y a de la lumière plus loin.

[ 26 fév. ]

Ce qu'il me faudrait, c'est un retour aux sources. Limpide comme de la grenadine, pétillant comme la limonade et sucré juste ce qu'il faut. C'est faire bouillir, et regarder l'explosion avec toute la cérémonie que cela implique. S'asseoir sur une chaise en osier craquant, pieds nus dans la terre et les cheveux devant les pupilles, juste de quoi se brouiller la vue, juste de quoi fermer les yeux sur l'incohérence du reste. Avoir peur devant les portes métalliques, se surprendre à vouloir qu'elles se referment. Réécrire son histoire sur des murs sales dans la salle du bas, tâter la crasse avec les joues, s'éprendre des messages amoureux qui ne sont destinés à personne. Des envies trop grandioses, des palpitations qui rappellent la caféine, l'insomnie, la nausée, l'ivresse, et l'instabilité mentale. Tu peux appuyer, je t'écoute, tu peux y aller plus fort, tu peux même écraser. Je suis le cendrier. Je suis sur cette chaise en vieille paille, et Minus trace par terre des souterrains pour rejoindre la mer. Les gâteaux secs qui traînent dans l'herbe jaune, et ce grand froid soudain qu'on ressent toujours un peu quand on se retrouve dans ces lieux si particuliers. Qu'on n'a vu qu'en rêve, mais qu'on pourrait traverser les yeux fermés. La redondance des choses désagréables, et le silence effronté des reproches. Solidarité pâle des gens de la nuit, déclic propice quand les mots font mal, l'objectif se rapproche. Seul but : Oublie tout. Car tout ça ne sert à rien.. C'est ce qu'il dit, et il faudrait le répéter mille et une fois. Peu importe la vie, le vécu, l'expérience. Bientôt j'aurais vingt ans, c'est comme rajouter une brique de jus de fruit à ses pieds, c'est suçoter la paille jusqu'à faire disparaître chacune des goûtes. Et en ouvrir une autre. Au pied du mur, les mains levées. Sceller des bouches en secret, déboutonner les esprits et faire taire les ambulances dans la tête. Te dire que la vie, si c'est pas du gâteau, c'est parce que c'est encore mieux que ça, alors pourquoi.. pourquoi ? A force de baigner dans le rouge, on finit par ne voir plus que le bout de son nez, qui se transforme.. difforme. Assied-toi, je te laisse ma chaise, dis-moi ce que tu vois. Je te prête ma tête, quelques instants, et respire bien fort. Parce que cette vérité-là, tu ne l'a encore jamais touchée du doigt, et elle fait plus mal que quelques sarcasmes bien placés. Comptines d'un autre été, hiver à rallonge, le bruit de la cuillère qui cogne contre la coquille, pas l'ombre d'une poussière, à part peut-être.. Frotter les pieds sur le sol pour entamer une valse avec la pluie, tresser quelques mèches de cheveux et jouer à la fille. Des grands espaces pour y faire danser les feutres, le froid du plâtre contre le chaud dessous les côtes. Des pistolets dans la jupe, et des violons dans les sourcils. La lumière qui sort de tes yeux me laisse comme une grenouille, des couleurs qui semblent tout dire. Des histoires en chantier pendant que les gens se donnent à une danse étrange, un ballet d'échanges verbaux, des froissements de costumes et des odeurs mal feutrées. Frôler de l'index la poussière sur les touches du piano, la grosse ventilation qui bourdonne et Elise qui est peut-être morte en attendant. Et toi, là-bas ? Est-ce que tu vas bien ? La grande fille me tend une feuille blanche et sort ses trésors de couleur, le temps passe comme une aiguille dans le tissu, et on finit comme toujours par une bière, et un café déformé. Des lunettes rouges et ce jeune homme qui demande si ce gros jouet fait de vraies photos. Comme ça, tu auras un souvenir de toi, qu'il dit. Le rat qui tourne en rond dans sa cage, et c'est l'heure du goûter. N'attacher qu'une seule bretelle de salopette parce que c'est mieux pour faire pipi, et c'est parti pour faire de la nuit un truc aussi blanc que cette chose qui sent la caféine, zou. Un portrait en trente secondes, tout ça pour dire. Fais ce que tu veux, tu le peux. Au fait, oui, on est le vingt-six.

[ 20 fév. ]

La lumière comme un énorme champignon nébuleux enveloppe les corps d'une ivresse psychédélique qui s'écrasent contre les murs. La porte s'ouvre et se referme, anciennes nouvelles têtes et déguisements de rigueur. On pourra mettre sur le dos des courants d'air ces changements d'apesanteur soudains. Super Lapin prend pour mission de faire Super passer une bonne année, pour la deuxième fois, c'est comme un monde parallèle posé là au milieu de la civilisation, qui accueille les amis imaginaires dont plus personne ne veut. Des gens un peu timbrés qui s'accordent très mal entre eux, mais qui donnent une gamme haute en couleur et en jeux de mots. Jeux de mains, jeux de vilains. La maîtresse en maillot de bain, et le masque sur la tête, voudrais-tu danser avec moi, pendant que je frôle l'incongruité des débuts de rencontre où tout le monde se serre au fond de ses chaussettes pour ne pas poser la mauvaise question, croiser les doigts en attendant la réponse. Faire virevolter son nez au dessus de chaque remède, cracher dans les convictions et mettre à terre toutes les règles. Surtout celles des filles, tiens. Surtout celles-là. Gratter chaque visage jusqu'à en tirer l'essentiel, relier chaque grain de beauté en mémoire et y tracer, au hasard, une histoire. Régler l'objectif et changer de lumière. Valser contre son ombre et faire la paix, faire la paix puisqu'il fait noir, faire la paix pour mieux dormir. S'écarteler les paupières sur un air de piano comme qui dirait, pour ne plus avoir à faire avec toi, pour ne plus voir cet immonde défilé, cette parade funeste. Parler de folie donne des frissons dans chaque membre, la frôler du doigt pour tenter de l'apprivoiser, la persuasion est à écarter, de toute façon. L'homme s'approche et me prend par le bras, pour, dit-il, m'emmener chez lui. L'homme rouge sort de ses gonds, et quand au milieu de la rue, le bonhomme de la sécurité s'avance de moi, il me demande : Où il est ton copain ? Faire partie du peuple du jour picote un peu les yeux au début, le soleil fait son retour furtif, mais là, tu vois, j'ai pas envie. Des verres en plastique et du vin, ne pas fêter l'amour, comme il se doit. Des histoires que j'ai déjà entendu une dizaine de fois, et ce silence de poisson rouge qui tourne, qui tourne. Chaque détail accroche comme un ongle cassé, chaque mot posé maladroitement résonne comme une alarme incendie, il faut contrôler la folie, l'ivresse et le décor, il faut contrôler les tentations, et c'est là bien la plus horripilante chose qui soit. Se rattraper par le col d'un coup sec, et respirer l'odeur des départs, s'endormir au passage du facteur et se réveiller avec les russes. Se mettre à courir, d'abord au rythme. C'est tout un zoo sur le dos, et aussi, se trouver ridicule, parfois. Comme dans cette chanson, avec les marins, les maisons et les choses auxquelles on ne veut pas de réponse, parce que parfois, les sous-entendus font meilleur dans le cou. Des olives avec des noyaux dedans, machinalement. Remplacer les piles, attendre. Se concentrer très fort pour les transformer en lapin, les laisser s'agripper, rentrer dans chaque orifice, les laisser couiner, ne pas regarder dans les yeux. Il y a trop à y prendre, trop à perdre. Une folie propre, bien soignée, une phobie sous cadenas, et des taches rouges un peu partout, un lapin sous le chapeau. M'a fait caca sur la tête. C'est pour mieux faire germer les idées avant que je redevienne huître creuse. Haut les mains ! Des coffres à trésors éparpillés, il va falloir creuser, mais surtout. Partons ! De l'exotisme au carré, caméléon urbain, fais-moi valser au-dessous des tourniquets, je veux user les valises de mes yeux. Reproduire la fiction dans la réalité, dans la tête, en imagination, j'ai toujours été bon ingénieur. Perdre le contrôle pour mieux comprendre, perdre pieds pour avoir une excuse. Pour te prendre la main. Manger des bêtises au petit-déjeuner. Remâcher sans cesse les mêmes mots, et si tout ça avait réellement du sens ?

[ 11 fév. ]

Quand une personne ferme un livre, c'est résister à l'envie de lui demander s'il lui a changé la vie. Quand les enfants jouent aux cartes, c'est montrer au plus petit quelle carte jouer, c'est ramasser celle qui vient de tomber. Quand quelqu'un sourit, c'est résister à l'envie de l'embrasser, c'est surenchérir pour voir jusqu'où il s'étire. Quand la chose molle prend forme entre mes mains, c'est faire le noeud, enfoncer trop l'aiguille, c'est colorier en appuyant très fort. Quand quelqu'un te dit "je vais conquérir le monde", c'est se mettre à dessiner des cartes pour rendre le Monde encore plus grand, et souhaiter Bon Voyage. Quand l'eau sale de l'aquarelle coule sur les genoux avec une nonchalance inégalable, c'est regarder les couleurs se former, et se bousculer, et lécher pour en connaître le goût. Quand la musique s'arrête, ça n'est que pour mieux recommencer, et puis le piano, le piano.. Il dit qu'il veut de la neige et le Ciel lui obéit. Des faux tatouages collés sur le dos des mains et refaire le monde sous les toits, se débarrasser des pansements gênants. Demander aux gens de faire des bêtises, raconte-moi ta pire connerie, qu'on en rigole. Arrête de croire que tout est grave, y a juste des trucs importants. Et quand bien même, vaut mieux rire de tout, ça.. Empêche de vomir partout. Attendre l'Avril en trépignant, ce grand orchestre de bonne humeur, mes dix commandements à la vie, à la mort. Se rouler dans le mercurochrome, parce qu'il parait que c'est pour les héros. Retrouver en cachette le chat nommé Eosine, son étiquette sur les fesses et ses moustaches chatouilleuses. Sauvegarder en masse les frisettes rousses de l'enfance, et croquer dans la meilleure des crêpes au chocolat du monde entier. Ou presque. C'est à dire que je n'ai pas encore parcouru le monde entier.. Essayer de remplacer les médicaments et les traitements crapuleux par le meilleur des remèdes, jouer les protagonistes de la réalité fictive, faire crisser la neige. Se faire surprendre par la lecture, le champagne et les sous-sols, apprendre le suédois. Se laisser prendre au jeu des identités multiples, mais quant à être moi, et même si je ne sais toujours pas qui je suis, autant l'être entièrement. J'excelle dans l'excès pour mieux montrer la voie, des fables et des grincements de porte, trouve-moi si tu peux, aime-moi si tu veux. La grande brocante des personnalités, sers-toi, c'est gratuit. Devenons tout et son contraire, être capable de ne pas reculer devant soi. C'est plus dur qu'il n'y parait, ça fait peur de se regarder en face. Observer les autres et se prendre à tous les jeux, des je-t'aime-moi-non-plus, des attrape-moi-si-tu-l'oses et des inconnus qui observent à la dérobée. Se trouver est une bien grande exploration, qui je l'espère, prend le temps de toute une vie, car sinon : Quoi faire ensuite ? Apprendre le goût de l'éphémère et apprécier le silence avant de jeter les dés. Dans les souterrains du talent, se terrer dans les critiques, les remarques, les reproches, se faire rabaisser plus encore, et ne pas broncher, ne pas craquer, ne rien donner. Ne plus rien donner. Balancer des bêtises à tout-va, se laisser mourir pour une cause bien trop maigre et taper du poing contre les trappes en espérant bien le retour du soleil. Les choses dangereuses cessent de l'être quand on les montre trop du doigt. S'abandonner au hasard et continuer de marcher le long du fil, que je te laisse tirer discrètement pour ne pas me perdre. Et se perdre dans Woody Allen, tiens. Je me suis dit que je pourrai me reposer sur toi, elle dit, et je fais gonfler mes muscles invisibles jusqu'à la faire sourire aux éclats. J'aimerais lui dire que des mieux, y en a partout. Et des pin's Coca Cola. Un poisson pour chuchoter et s'asseoir sur un banc avec toi. Les yeux en papillotes devant ton laboratoire de poche, tes efforts pour devenir quelqu'un et des olives sur la pizza. Café et Vodka. J'aimerais te donner plus, mais c'est là tout ce que j'ai, et un jour je serai fort, moi et Minus on s'entraîne à devenir forts comme des châteaux pendant les heures de pauses à l'usine de recyclage. Faire la course dans l'escalier parce qu'il fait tout noir et se battre contre les ombres, plisser les yeux pour d'abord se donner un aperçu, on sait jamais. Se lasser, ça marche pas toujours. Malheureusement. Expérimenter est la clé.

[ 2 fév. ]

Le corps en offrande, allongé là sur le ventre. Comme envie de croquer dans la chair jusqu'au sang, et même, pour voir, mastiquer à en perdre les dents. Parce que les mots sont devenus monnaie de papier, chair à canon, pas bons, pas bons. Des friandises à se mettre sous la dent après les colères inutiles, les rebellions identitaires et ce genre de connerie. C'est triste mais c'est bien réel, c'est ne s'être pas trompé. Pourtant la première fois, ça avait semblé beau. Soit je me lasse, soit tu m'enlaces, tu te décides, j'ai aucun train à prendre. La neige a laissé place à cette substance transparente, légèrement granuleuse et tendrement dégueulasse, ça me fait un peu penser à ce que je suis, quand les autres parlent de moi à la troisième personne comme si je faisais office de lampadaire aux discussions houleuses. Le bras tendu, et la peau étirée, l'aiguille transperce et la fleur de sang noir qui se forme donne envie d'y poser la langue. Le goût du sirop pour la toux et les insectes sur les murs. Des frites comme seul avenir, l'incertitude ne te ferait pas de mal non plus, qu'est-ce que tu en penses ? Ne pas être maître, ne pas avoir le contrôle, être le corps abandonné sur le cuir noir, ça te fait si peur que ça ? Se laisser porter est une sensation d'autant plus agréable que le lendemain, tout a disparu, pour laisser place au jour, bonjour il est six heures. Est-ce que tu dors ? Moi non plus. Le cri du cellophane et les sonorités de jeux vidéo. Hypothéquer son silence au plus offrant, tu parles trop qu'ils disaient. Et maintenant, je est la troisième personne. Des yeux qui veulent dire pardon, lâche-moi. Et de la bière en mousse. L'aiguille pique, et le papier froissé étale la tâche noire dans la gueule du serpent. Couronnés et abrutis, et toujours les dents qui se serrent et le coeur qui lâche. C'est d'ailleurs bien la seule chose qui peut encore faire mal. Tu peux tourner les talons, et n'oublie surtout pas le haussement d'épaules, c'est tellement chic, tellement classe, tellement commun. Tu veux bien être mon cache-oeil, qu'il dit, c'est la plus belle choses qu'on m'ait jamais dite. Ou presque. Dans l'immense carnet noir, il était écrit "Oublie tout car tout ça ne sert à rien". Découper la parcimonie en plusieurs morceaux, et toujours. Piquer, essuyer. Les vibrations qui bercent le dimanche après-midi, l'élastique rouge qui swingue avec panache. En fait, des fois j'aimerais que ça me fasse mal, quand les portes se claquent. La possibilité que tout foire, c'est comme de croire que l'impossible existe. L'urgence des grands moments est une adrénaline qui ne peut être remplacée par tout le guronzan du monde. De la caféine pour mieux dormir. L'insomnie aussi s'en est allée, en échange de toutes ces choses saugrenues qui viennent me chatouiller la nuit. Toi le tatoué, moi la mordue. Une trace violette qui dit c'est pas moi. Les messages subliminaux ne m'ont pas échappés, toute cette contradiction des sens, des détournements en plein vol, je souris. Se taire permet d'y voir clair, et parfois un peu trop. J'aimerais avoir une raison de revenir, une raison de m'accrocher, une raison de vouloir y croire. Mais ce ne sont que des schémas des schémas des schémas. Débranchement des fils, connexion en cours. Piquer, essuyer. Faire rouler l'encre sur la peau, griffonner avec application des petites bêtises. Il me demande si je veux essayer, et je me dis que oui, j'aimerais bien, mais la petite bête vrombissante me fait signe que non. Des fois je me dis que je pourrais toujours faire ça, sinon. Chez le dentiste, canapé rouge et une paire de clowns, des seringues à en perdre l'envie d'exister, et des dents, plein de dents. Alignées en rang, tristes maladies grises. Boucher ses oreilles et sa vue et sa bouche et vivre en retrait, un peu. Remettre certaines clés sous leurs paillassons et ne rien attendre. Surtout, ne rien attendre. Ca fait du bien. Des lapins toujours plus, perdre les aiguilles entre ses orteils et faire claquer les bretelles contre les côtes et le ventre, s'accrocher dans les meubles, faire trébucher les ombres. Mieux vaut être jeune, naïf et résolument fait pour jouer du décor plutôt qu'un peu moins jeune, blasé et décider que la vie c'est de la merde, mais jamais soi-même. Décidément, des puzzles de bonne conscience, et toujours pas un pour. Casser des bouteilles. Iggy Pop aurait fait autrement.

[ 23 jan. ]

Pendant que je bâtis un royaume scintillant pour les bêtises, ce sont mes rêves qui me portent sur le trône. Ces saletés résidus de l'inconscient, qu'on dit, ceux-là même qui donnent la fièvre. Le cerveau encroûté qui suinte l'emmerdement, c'est la foire aux questions que je ne poserai jamais, pendant que la journée je m'empiffre de silence. Toute cette ponctuation m'agace, comme ces ridicules crottes en suspension, qui sont là juste parce que personne ne monte sur la table pour casser des bouteilles. En retrait avec mon bonnet d'âne, dans mon coin j'observe les têtes des gens dans la grande chenille en ferraille, ces hurlements stridents des normes et de la bienséance. Basile dans le sac à dos fait des chatouilles dans le dos, un rappel quotidien de la pilule à prendre qui s'appelle sourire, quand dans la petite salle trop surchauffée, les tentacules de l'absurde me tiennent prisonnière pour leur expliquer pourquoi je ferais pas des plus grosses bêtises. Pourquoi est-ce qu'on irait pas foutre le feu, oui, pourquoi est-ce que quand on met des poissons dans les cabinets, ils se retrouvent jamais dans la mer ? Pourquoi quand les adultes font des bêtises, c'est toujours sans blâme qu'ils s'en sortent et pourquoi je mettrai pas mon doigt dans mon nez ? Les plus grandes bêtises de l'homme commencent entre la bise du matin et le journal télévisé du soir. Ce que je ne dis pas, puisque le monsieur à lunettes me tend un crocodile gélifié. Je crois que j'aime bien les gens à lunettes. La bêtise c'est que pendant que le zigoto à cape rouge part se battre pour sauver des vies, les têtes se baissent et la connerie demeure. La bêtise, c'est pas si grave, c'est encore une fois une question de point de vue. Pourquoi les bêtises ? Mais parce que Monsieur, ça n'est pas moi qui vais vous l'apprendre.. On ne serait rien sans ces mignonnes chipies qui font siffler les baffes et font brûler les oreilles. On ne serait rien s'il n'y avait plus la peur. Sans les papillons. Sans les crocodiles gélifiés. La bêtise, c'est de se croire tout permis parce qu'on pense tout savoir passé vingt ans. Rêver de ta maison en serpentin, de supermarchés et de poissons rouges qui bouchent les toilettes. Rêver de pirates au chômage. Rêver de l'absence, et se mettre en colère, rêver de cette route aux breloques abandonnées, rêver du serpent. Masque sur la tête, oh hé, oh hé, de la moussaille. Sur le grand palais, nous irons foutre le feu et le boucan, sans dessous, mais bien au dessus du fil rouge de l'histoire, on ira gueuler bien fort, on ira.. On ira toucher les étoiles ! Sur le grand wagon qui crie, on fera des bêtises à en perdre haleine, mais la vérité c'est que plus personne ne viendra vous dire où est le mal. Sa majesté des mouches et quelques systèmes informatiques, tomber amoureuse des héroïnes des livres et lire en cachette le soir sous les cabanes des îles désertes. Y a pas grand chose à faire dans ce canoë, revenez ! Les gens qui font du théâtre me font peur. Des dinosaures en plastique sur l'autoroute, des ciseaux dans le plafonnier. Du verbe coudre, je veux dire. S'acharner à garder les yeux ouverts. Des marelles à la craie, et ils me demandent : Tu fais des bêtises ? Oui mais je me soigne, bientôt elles seront pires. De l'extraordinaire, c'est bien ça que tu veux ? Mais où tu le mettrais, cet hurluberlu ? Y a pas de place par ici. Galope, galope, l'hiver, nous sommes bientôt au printemps. L'automne est bien derrière, bon. Et des épouvantails aussi. Peinture à l'eau. Dans les volutes du lundi, minuit, y a plein de miettes dans les draps, du fromage en plastique. Des bêtises en papillotes, il me dit est-ce que tu écris ? Le chef d'orchestre tire son chapeau, et fait sa révérences, il faut sauver les constellations, c'est la faute à l'horoscope, ce fils de cochon. Cette vieille carcasse aura beau dire merde, il faut crier plus fort, une boule de thé et du caramel. Un sucre ! Les technologies aussi, c'est pas moi, m'sieur, c'est la bécane qui est malade. Le retour du Léon, dans son costume, tiré à quatre épingles. J'irai brûler les obstacles, avec mon plombier sous le bras. Et si un jour, j'étais Maître du Monde, je donnerai mon rôle à quelqu'un d'autre. T'es pas très carrée, ils disent. Mais la terre est ronde, et on a jamais rien trouvé à lui dire. Allez, sans rancune..

[ 18 jan. ]

Le grand arbre malicieux s'est retourné, après avoir jeté une pièce par la porte, il a fait deux trois pas en arrière, ce qui équivaut au tour du monde pour mes allumettes, et puis à ce moment là on s'est regardés comme deux grosses carpes, et le temps a commencé à compter. Dans mes bras il a commencé à pleurer, et à ce moment là, c'est comme un ascenseur qui lâche, comme le feu sous les semelles. Comme si on avait fini d'être nous et qu'on s'était retrouvés en chemin, l'air de rien, la prise de la Bastille nous a tout pris. C'est après une heure à peine, que je suis partie, parce que. Tout ça n'a jamais été à moi, et je n'ai rien demandé. Patate grimpe dans mes chaussures et mordille le dessus de mon pied, mais quelque part, je suis loin d'être une fille. Enfin, tout dépend du point de vue. Dans l'ordre, il aurait fallu garder l'essentiel. Je n'ai jamais compris pourquoi les choses les plus simples me paraissent honteusement plus bordéliques que les autres, énormément plus compliquées et tordues. Le flirt de l'incongru est sûrement hautement plus surprenant que de dire bonjour, c'est juste aussi facile que ça. C'est se regarder dans le miroir, et se dire, Oh. Tu m'as fait peur, je ne t'attendais pas là. Dans l'ordre, il aurait fallu que je demande comment ça va, mais c'est tellement évidemment. Les yeux ne mentent jamais. Du bout du doigt je trace un sourire sur des joues, je souffle dans les yeux pour faire s'en aller le brouillard. Se taire permet d'observer cent fois plus, on y apprend tellement plus de choses. Le mot merci reste coincé dans une part de ma tête que je n'ai jamais habitée, je crois que ça s'appelle Savoir Vivre En Société, alors je le calligraphie mille et une fois sur une feuille, j'essaye de m'expliquer mais je bégayerai par tous les moyens. Avec l'aide de Minus et de Clémentine, j'ai amené tout un zoo dans la ville grise, j'en ai fait germer des idées loufoques auxquelles les grands n'ont rien retrouvé à dire. Je crois que c'est la première fois, et le sourire est sûrement monté un peu trop vite. La fierté est une notion devenue bien trop vague pour en tirer quelque chose, et quelque part, les bêtises sont en train de me grignoter le trognon jusqu'au bout, c'est usant, d'être le seul à ne pas comprendre. La vocation des gens à surprendre dépend aujourd'hui de tous les emplois du temps, c'est un peu comme d'attendre le printemps, c'est dur d'essayer de ne pas se lasser quand les idées s'enlacent pour ne jamais rien donner. Déconnexion bien ordonnée, relire la même page vingt fois, s'il le faut, ne pas y penser. Au royaume des constellations, les rêves chahutent entre eux comme pour donner suite à quelque chose, c'est comme une grande histoire, celle dont je ne parlerai jamais. C'est se retrouver face à un serpent, tomber de la Tour Eiffel en élastique. C'est crier bien fort et tourner les talons. Parcourir le monde, sans début ni fin. C'est se faire bousculer et ne pas dire pardon. Quelque part, ça commence à féconder, ça pond ses oeuf étranges dans la façon de voir les choses. C'est se transformer peu à peu en une espèce de Tupperware®, boucler le périmètre de sécurité et s'enfermer dans le manque d'évidences. Au réveil, je crois que je suis toujours un peu plus fatiguée qu'avant de me coucher, je crois que finalement, ne pas dormir était tout aussi bien. Et c'est au moment où tout ça commence à sérieusement vouloir faire penser, qu'un certain magicien vient toquer à la fenêtre, sur ses grands chevaux d'orchestre. C'est à ce moment là, que finalement, tout va bien. Et même des lapins. Choisir la mauvaise file d'attente, et avoir le temps. Le regarder filer du coin de l'oeil, le saluer de la main et choisir le chemin inverse. Et toujours. On se tape dans la main ou on se fait la bise ? Allez, improvise. Dans mon rêve je disais merci. C'est ensuite qu'il est arrivé. Envoyez l'imprévu, j'amène les verres.

[ 11 jan. ]

La certitude que la seule chose qui restera toujours, c'est ça. Tellement triste de s'apercevoir que tout pourrait se casser la gueule, ça ne serait jamais plus grave. Tellement plus surprenant, tellement normal. Tellement omniprésent que le lapin s'affole derrière les machines, toutes les ampoules clignotent rouge, système d'alarme enclenché, procédure de grande envergure. Guerre intérieure invisible à l'oeil nu, ma plus grande fierté aura été de ne pas flancher. C'est se renfermer toujours un petit plus à chaque fois, c'est comme un peu mourir pour de bon et renaître à chaque fois, c'est comme claquer la porte au nez de l'imaginaire. Il n'y a vraiment que les yeux qui ne mentent jamais, de toute façon je ferme ma gueule, je me fais décor, je me fais chandelle, je me fais verre vide, je me fais toute petite et je ne demande plus rien. J'ai bien trop peur de ne rien pouvoir donner en retour. J'ai bien trop peur de devenir aussi vide qu'une huître entièrement gobée, avec tous mes neurones partis en fumée. J'irai conquérir le monde pour me remplir, je me nourris de chacune de vos présences, j'entretiens la boîte à inventer en ne réfléchissant plus. Se prendre la tête pour autre chose que ça ne me vient même plus à l'esprit, il y a des bêtises en suspens, tant à faire encore et si peu de moyens pour l'exprimer. Se mettre plus à nu, ce serait se ronger les os. Derrière ses lunettes et ses yeux sévères, elle dit que je suis trop gentille, ça me donne envie de pleurer et je visualise secrètement des scènes de drame à chaque fois qu'on me rappelle que je suis trop naïve pour comprendre le monde. Je continue à fermer les yeux, je préfère jouer de l'autruche parce que j'ai plus de place pour le reste. Le ventre tout doux de Basile contre ma nuque, passer des heures à y réfléchir, à ce fichu moyen de me débarrasser de toi. Rien n'est impossible, mais son contraire aussi, avez-vous déjà essayé de dire oui à tout ? J'aurais aimé avoir peur des raviolis en boîte, au moins ça ferait moins mal et puis surtout, c'est toujours possible de devenir végétarien. Je n'ai qu'à m'en prendre à moi même, d'accord, mais taisez-vous, s'il vous plaît. Russe blanc et bière à la menthe, Wilfried me manque un peu. Le voyou en fourrure d'ours me prend sous son aile et sacrifie son slip et ses collants à toute occasion, l'art et la manière de se sentir. Subliminable. Finalement, le reste devient un jeu d'enfant, et j'ai déjà tout oublié. Poisson rouge sur son lit d'euphorie, tourne le contact. Allez viens, je t'emmène faire le tour du Monde en trottinette, j'ai même les clés qui vont avec, je pourrais faire croire que je suis un grand, si l'envie me prenait, je pourrais faire comme vous et je pourrais même me raser la barbe pour la faire pousser. Je pourrais vous regarder de haut et parler boulot, je pourrais me la jouer intello, je pourrais parler très vite, je pourrais. Mais Mr. Neil a dit "la nuit vous vous couchez à côté de la pâté pour asticots, sans vouloir vous vexer", je trouve qu'il a bien raison et j'ouvre des gros livres qui parlent de mafia suédoise pendant que Microbe me souffle dans le cou pour que je sois plus malade. Autiste à temps partiel et quant au reste, la question ne se pose pas. La main posée sur l'accélérateur, parce que les freins sont trop durs, tant pis. C'est vivre au rythme de sa propre respiration, c'est faire hurler les semelles sur le bitume parce qu'on ne sait pas s'arrêter. Certains diront inconscience, certains diront pauvre fou. Certains feraient mieux de se regarder dans une glace, et d'autres, je les aime bien. Winston et ses joues de glaces tournoie entre mes mains, grande usine à lapins. Faites-moi plaisir, j'aimerais une journée sans clown. Rien qu'une seule, et je vous jure, après promis je souris, je vous épouse même, et tout ce que vous voulez. J'aimerais juste ça. Je demande pas la lune, et de toute façon, elle est moche la lune. C'est juste que.. S'il vous plaît ?

[ 4 jan. ]

Débauche, débâcle et débandade. Vieille morue dans sa salopette bleue et cornes de viking, noeud papillon, mafia et dentelle. On en fait toute une histoires, des filles qui sont des pleurnicheuses et des mecs qui sont des connards. On en fait toute une histoire, des filles qui sont de vraies salopes et de mecs qui suintent le yaourt. C'est un peu comme tout mélanger au mixer, mixer les rôles et roter bien fort à qui voudra bien l'entendre que deux mille neuf, ça sera l'année de la teuf, ou bien celle de l'omelette. Parce que ça serait bête qu'on ait cassés tous ces oeufs pour ne rien en faire après. Je vais bien, ne t'en fais pas, c'est ce que semblent dire tous les regards, entre accolades alcoolisées et des bisous sur les bouches des filles. Merci, c'est ce qu'ils disent tous, mais je pense qu'il est d'usage d'abandonner les mots pour se raccrocher aux sourires, c'est le meilleur des remerciements, le meilleur remède, à toutes ces histoires à la con. Tous ces gens inconnus, de près ou de loin, tous ces gens dont au final on ne sait tout à fait rien, ces rappels d'absence et c'est tellement incongru que c'en est beau. Il faut que je vous le dise, là maintenant, tout de suite, je vous aime. Garder la tête froide et se mêler aux crânes chauds, augmenter le volume pour sentir les palpitations, c'est comme une orgie sur fond d'harmonica, du rouge plein les mains et des pizzas dans le four. On va pas prendre de pailles entre nous. Sous les exclamations, j'ai enfin réussi à me détacher de tout ce qui avait fini par me rouiller le caractère, tandis que quelque part plus loin, c'est tout ce qu'ils avaient qu'ils ont perdu. Relativiser devient un des plus grands mots d'ordre, un peu plus loin que vivre, et tout à côté de reprendre un peu d'estime de soi. Tu te rappelles ? Un signe de vie, c'est tout. Ne pas avoir à choisir entre ses amis, ne pas avoir à faire de concessions, et il y a vraiment des gens qui vont chercher les croissants le lendemain. Avec du Coca, oui, monsieur. Tout balancer sur la couette, et se bousculer en dessous, faire l'amour sans la guerre, faire la sieste avant tout le reste. L'année prochaine, c'est promis, j'arrête de remettre à plus tard, en attendant.. Passe moi le feu, je m'allume les neurones. Dehors, c'est la jungle, une année de plus ne change pas les mentalités, y en a qui feraient bien de prendre la résolution de réfléchir un peu, bordel. Serait-ce trop vous demander de ne pas faire aux autres ce que vous détesteriez que l'on vous fasse ? Il y a toujours des gens qui seront capable de vous dire que de toute façon, t'es trop jeune. Tu peux pas comprendre, la vie, tout ça, tu peux pas savoir, tu sais pas, ta gueule. Il y a toujours des gens qui sont incapable de comprendre quand c'est écrit ROUGE sur ROUGE, putain, ouais. Y a des larmes qui se perdent et faudrait encore avoir à se justifier. Faire la sieste, le dimanche après-midi, cendrier et les corps sans dessus, sans dessous, débauche, débâcle et débandade. Boire de la bière au biscuit et projeter déjà de fêter une nouvelle fois le début de cette année qui promet d'être comme les autres, mais en mieux. Nouveau prétexte, nouveau contexte, et à nouveau : faire sourire. Soyez pas désolés, on est là pour ça, après tout. Encaisser, et vider les caisses, casser des bouteilles sur le rebord du crâne et essuyer derrière. Du rire aux larmes, tu peux toujours te mettre à bégayer, mais le mieux : c'est le silence. On a des yeux, c'est fait pour voir dedans.. Dehors ça croustille sous les pieds, les mains écorchées, les genoux violets, perdre la face et s'en payer une autre, verre après verre, clope après clope, on est jamais mieux servi que par soi-même, mais c'est tellement agréable, de se laisser porter. Que vient, je te ressers, on se ressert, bien au chaud, remet du bois dans la cheminée et raconte des histoires de mecs en cuir et tout ça.

[ 28 déc. ]

C'est l'histoire d'un lapin qui voulait toujours aller jouer "un tout petit peu plus loin". L'ennui, ça n'est pas qu'il devienne grand, l'ennui n'est pas qu'il se retrouve tout seul, l'ennui c'est qu'il a peur du noir. J'aimerais que tu m'écrives, j'aimerais surtout savoir que tu es entre de bonnes mains, les tiennes si possible. Ensuite, c'est une autre histoire. Basile dans la poche de chemise, entre les carreaux rouges, s'extasie pour l'odeur du sapin. Je ne déteste pas Noël, parce que ça sent bon, et puis il y a grand mère. Merci grand mère. La mer s'enroule dans son manteau de vent et chatouille les aisselles des pirates courageux, elle sent bon les bulles. Dans le noir, et ma gueule de terrier, mon grand lapin, roi décoré, s'allume fièrement pour pouvoir lire encore un peu. Cette fille promet d'être jolie et toutes ces choses emballées, j'aimerais offrir le monde à tous ces gens-là, le problème, c'est que c'est grand, le monde. Alors il va falloir le temps, de le décortiquer un peu, le temps de creuser plus loin et de se retrouver. Sous ton visage triste, j'aimerais implanter la machine à bidouiller dans le temps, quand tu tisses tes envies autour des fils dorés, j'aimerais faire briller ton royaume pour que tu te rendes compte à quel point il est grand. Ne pleure pas, grande fillette, et si tu es perdue, demande ton chemin à Microbe. Le citronnier resplendit, j'aimerais que tu voies ça, Wilfried. Tu aimais tellement la musique.. Des pages entières rien que pour dire à quel point tout ça a compté, des coups sur les doigts et des courants d'air. Finalement, oui. Tout a décidément beaucoup changé, et princesse Lola ôte ses chaussures rouges, princesse Lola dessine des zizis. Des nouilles chinoises comme des vagues salées, ça ne pique pas les yeux, ça au moins. Minus attrape Cortex par les oreilles et joue au grand frère avec ses histoires de conquérir le ciel. Chaque soir, des étoiles plein les poches, c'est toute une collection de trésors, et du Nutella dans l'aquarium. Haut-de-forme et paillettes, c'est bientôt la fête aux pays des Allumés, un énorme Pudding au nom de l'Amitié, puisque c'est bien d'elle que nous sommes tous fous amoureux. La boîte aux lettres se referme de plus en plus, le portail qui claque dans le froid, c'est qu'on finirait par s'écrire à soi-même, pour se rappeler. De ne rien oublier. Rien n'est acquis et c'est la seule chose qui est éternelle. Pourtant, dans ton costume de héros, tes histoires de sauver le monde, c'est pas de la blague, et quand tu reviens bredouille, c'est juste parce que tu donnes déjà tout. Merde, j'aimerais te le dire assez. Derrière la boîte noire, petite soeur et son panier, dans sa jolie cape si rouge, capture toutes les formes de vie qui sommeille en moi, derrière ses yeux, tant de malice. Des voyages en train et pourtant, il faut que je le dise. On est si bien dans le chapiteau, y a tant à faire sans s'obstiner, y a tant à voir, à la surface des murs. Poissons frétillent dans l'aquarium, poissons agiles, poissons d'avril. Et rien que pour toi, on se tartinera de moussaka, et on ira conquérir les écrevisses. Oui, oui ! Rien de tout ça n'a de sens, Basile sur mon nombril sert de boussole, et j'attends que tu reviennes, en jouant à Frankeinstein. Et même si ça n'est pas le monde, les voir sourire est le meilleur cadeau qui soit. J'ai réalisé que toute cette histoire d'Être ou bien d'Avoir m'avait finalement bien épuisée, et tant pis, s'il n'y a qu'à baisser les bras, au fond. Ca faisait un moment déjà, que c'était comme ça. Toi dans tes montagnes russes, ne cherche pas la ceinture, et profite plutôt de la vue, c'est le moment où jamais d'observer les détails dans ce diaporama géant, et de viser l'Etoile.

[ 12 déc. ]

Oublier un bout de soi sur une chaise en bois, au fond de la salle, posé là sur les taches humides de bière qui ne mousse plus. Mouche égarée, affolée, viens faire un tour dans mon verre, tu vas voir, c'est rigolo. Des bouts d'étoiles au creux de la main, comme un demi sourire qui ne répond à rien, une ébauche d'histoire qui ne mène nulle part. Vous avez le choix d'aller partout, sauf en arrière. A deux contre un, le chemin le plus court est celui de fermer les yeux et de dire oui. A tout, comme s'il n'y avait que ça qui compte. Sinon, tu peux toujours faire partie de ceux qui rêvent de dire, tu sais. Allez vous faire foutre. Comme une longue partie de Poker où personne ne perd, comme une longue intrigue dont tout le monde aurait oublié le début. Le problème, c'est la sensation qu'il reste à la fin. Le problème, c'est qu'il y en a tellement, que des fois. Comme un magicien sous cape, anguille sous roche. Et dans un éclair, il apparait, je disparais, croix de bois, croix de fer, si je mens, c'est sûr, je vais en enfer. Effondrée comme un chiffon, c'est dur en attendant que tu reviennes. Cependant toujours capable de faire sourire, je revivrai fois mille cet instant où tu as fais briller tes prunelles comme un ciel d'automne. C'est mille fois rien mais néanmois tellement efficace, j'aimerais tout donner. Jusqu'à en perdre mon identité, mais ah, ça a déjà été fait ça. Jouer aux devinettes, et croiser les doigts pour ne pas trouver, se courir après et se courir dedans. Se rappeler encore le goût de la mort, savourer comme jamais leur présence et le bruit des feuilles qui craquent. Le goût de la soupe de maman. Partager la tâche en deux, manger la poire avec les doigts, et faire comme si c'était plus facile que ça en avait l'air, j'aimerais tout donner. Les intentions, ça parle à tout le monde, mais ça n'enchante personne, c'est comme un collier de pâtes crues au fond d'un tiroir, c'est comme peindre le ciel en jaune. Les cheveux couleur pluie et les joues en tomate cerise. De la colle plein les doigts, le nez, les genoux. Et toujours, peindre le ciel en jaune, parce que bien trop rouge. Du orange pour la santé, clémentines, et soupe de citrouille, auriez-vous du feu s'il vous plaît ? Non merci ils disent. En fait, c'est triste comme les gens ne veulent rien entendre, des cadres en pâte à modeler, bien serrés au fond d'un carton qu'on secoue. Comme ces boules avec New York sous la neige, comme des lunettes 3D. Qu'est-ce que tu veux, demandent les bonhommes à barbe. Savoir dire pardon, merci, et accessoirement au revoir. Surtout au revoir. Des chocolats ? Bas, droite, X, Y, Y, Bas, droite, A, Gauche, Gauche, B. Jouer au Joker sans grelot, faire pousser des bombes sous les pieds de ceux qui font semblant de paraître plus grand, des pistolets à confettis et même pour de vrai. Lettre à Elise, ponctuée de fatalités et de Game Over. E, D, E, D, E, B, D, C, A. En réalité, le plus important est de ne pas oublier de laisser reposer avant de passer au frigo. A déguster frais et sans regrets. La fréquence dont Il revient dans les discussions, sur les murs, en dessins, en musique, dans vos histoires, dans la réalité, dans l'imaginaire, dépasse tout ce que vous pouvez imaginer. La question qui se pose est : est-ce qu'on fait comme les colliers de pâtes ou est-ce que vous comprenez de quoi je parle ? Est-ce qu'on se la joue intentions ou est-ce qu'on se la joue concret ? Parce que concrètement, un partout. Ou zéro, à égalité. La vérité c'est que vous aurez beau le répéter toute votre vie, vous aurez beau essayer de ravaler la salive et serrer les poings, au final, on en revient toujours au point de départ. Fermer sa gueule et cacher son nez dans l'écharpe. Vous avez pas idée. La vérité c'est que si je tremble, c'est pas de froid, et que si je finis par ne plus rien dire, vous savez pourquoi. Faire son sapin, faire des lapins, attendre le matin, rouler un joint, les yeux ouverts, mais aveugle tout de même. Se blottir un peu plus sous la couette et écouter un coeur qui bat. Best Music Ever.

[ 5 déc. ]

Force est de constater que de ne pas citer de noms rend la chose plus difficile mais plus cocasse. Tout le monde se prend pour un assassin, et plus personne n'est amour ni paix. L'amour, on en a mangé, on a digéré, ou pas, on en a chié, on en a vomi, enfin en tout cas on en a tous repris, c'est ça qui est rigolo. La paix, on croyait ne plus pouvoir y croire, et finalement, très profondément quelque part, on sait ô combien on n'est pas fait pour son contraire. Des pistolets en plastoque dans la poche et des cache-oeil pour les koalas. Sauvez votre peau, de toute façon, personne n'en voudra, mais c'est plus pratique, je veux dire. On est en hiver, il fait froid, et le premier degré semble de rigueur quand Clémentine me raconte son histoire de clémentine et que là ça me donne presque le hoquet. Clémentine, si tu m'entends, tu es quelqu'un de bien, on les niquera tous. Le café est résolument froid et les châteaux de mouchoirs c'est bien connu que ça tient mieux que les cartes, mais c'est surtout qu'un amas de miasmes endoloris, un tas de rêves englués dans l'inconscient qui resurgissent violemment. Des rêves de Tour Eiffel et de saut à l'élastique. Des rêves de château de marbre et de partir la nuit. A pieds dans la neige, ouais, déjà donné. De Barbès au périphérique, être désolée pour l'absence, être désolée pour toutes ces choses simples qui devraient l'être mais qui ont, sur le moment, l'air tellement absurde. Pour toutes ces choses pas dites qui bousillent tout, pour toutes ces choses que l'on se reproche les uns les autres avant de se pointer du doigt, pour toutes ces choses qui sont prises de travers, avalées par l'arrière, dégluties, remâchées jusqu'à comprendre.. Qu'il n'y a rien à comprendre. Devenir le temps d'un soir ce petit gars qui ne craint ni la pluie, ni la nuit, ni le froid, seulement ce putain de quelque chose qu'il ne faut pas brusquer et qui est là, si vulnérable, si enfoui profondément que ça n'est même pas avouable. Tourner les talons, sans un dernier regard, serrer très fort la tête en mousse et le coeur de bois, tu n'es qu'une crapule sous le toit qui raconte des histoires farfelues de lapin farceur. Se consacrer enfin à être quelqu'un d'imposable, avoir sa carte de visite, ses machins à montrer, se casser la tête en quatre pour se plier aux milles et une nuits. S'il est encore un peu difficile d'être quelqu'un de socialement bien, on va tenter le tout pour le tout, pour le reste, pour ce qui ne vous pend pas au nez comme quelque chose qui traîne sans jamais changer. Ca n'a pourtant pas été faute d'essayer. Des envies de patates et de tenir une main, de soulever quelqu'un pour tester sa propre force. Eplucher toutes les petites peaux, après les grosses, effeuiller, se raconter des histoires en boucle jusqu'à les terminer dans l'idéal. Flapie comme une gaufre, maladroite et mal à la tête. Jamais je n'ai été si fière de toi, il fallait que je le dise quelque part, ce sera ici. Un sourire qui cogne dur contre les bouderies, un sourire qui persuade de ne jamais plus dire non. Faire apparaître les couleurs, carbone et ciseaux, du bleu, du rouge, surtout du bleu, des étoiles et Buzz l'éclair. Du belge et du Kubrick. Les images ne mentent pas, et c'est bien ce qui m'inquiète quand je tombe de très haut sur des choses que je n'aurais pas voulu voir. Mais tout ça, ça n'est rien. Puisque là, tout de suite, tout ça c'est assez Rock'n'Roll. Bonbons et comptoir poisseux, mots croisés et du orange, beaucoup.

[ 21 nov. ]

L'oiseau de nuit se fatigue la cervelle contre les trottoirs de l'impasse créative. Aucune modification physique n'est possible quand dans c'est dans la tête que ça se passe. Il ne fait pas froid, mais tout à coup : frisson. Je déteste qu'on joue avec mes chapeaux, mais pour le reste, vous gênez pas. C'est l'happy hour de la paranoïa, l'heure des rêves qui s'auto-bousculent mais si la machine est en panne, ce sera le plus grave. Se manger les crottes de nez, ce sera toujours moins dégueulasse que de toucher tout ce qui concerne la ville grise, mais quand la nuit tombe, elle scintille comme une luciole qui crève, c'est tellement beau que je retire tout ce que j'ai dit. Maman sur son cheval fou m'emmène cavalcader, elle ressemble à un héros qui fais semblant de ne pas trembler. Dans le sud il fait chaud, je crois. Si on plisse les yeux très fort, ça fait comme une bougie qui danse, c'est comme d'être très haut, et de se laisser flotter. A trois je souffle, fais un voeu, et tend la bonne joue. D'un côté la gifle, de l'autre le vent, à trois je souffle. Disparais. Il y a cette mademoiselle dans le métro qui me tend un bout de papier, et ce qu'elle me dit n'arrive dans mes oreilles que deux stations après. Pourtant ce que je dégage, là tout de suite, c'est de la fatigue. Je veux dire, il est tôt. Ce geste m'a tellement perturbée que j'ai dis oui. Ou plutôt, rappelez-moi la dernière fois où j'ai dis non. Pour palier au manque de ce qui était tout, j'ai décidé de donner un surplus d'importance au reste. Maintenant les poissons ont du gravier multicolore. Ils vont bien. Le beaujolais nouveau me fait penser à Poppy et au fait que tiens, sans trop y penser, on est sacrement en train de revivre les mêmes choses dans le même ordre. C'est fou, non ? Faire du carré l'impatience la plus profonde et de la page blanche le plus noir des désirs. L'oiseau de nuit part se coucher avant les étoiles, las de courir après, il les cueille au réveil, et elles, surprises, osent un sourire des plus nus devant cette furie insolente de l'avidité. Celle de l'envie. Sans tirer de conclusions trop hâtives, ce canard en bottes passe devant les yeux de ceux qui s'y attendent le moins, vous savez, vous devriez peut-être tenter de vous rafraîchir les pointes. Arabesque, sissone, plié, entrechat. Chaparder en secret des sourires qui ne vous sont plus adressés, jeter le gobelet vide et en reprendre un autre, plus vide encore, pour en lécher les bords. L'inconscience de ceux qui croient encore que la beauté est visible à l'oeil nu, habillez-vous donc plus chaudement, le premier degré fait décidément fausse route contre l'impassibilité de l'humour. Je n'aime pas les taxis, ça me rappelle l'absence, et l'absence me rappelle qu'il est foutrement trois heures et quarante minutes passées. Guili-guili et machins chouettes, action. Stop, play. Image numéro deux cent trente six, interpolation, mouvement. Les formes éxigues qui se dévisagent les unes, les autres. Si je ne fais pas carrière, au moins je pourrais toujours vous raconter mes rêves, j'en ai des paquets, sous les aisselles, je les couve à mort comme on dit. Hé toi, là-bas, dessine-moi un mouton, et puis fais-y une moustache, mets-le dans un taxi et puis fais-en un film. Appelle-le déception. Les mains c'est important, surtout que ça bousille les poumons et bientôt il y a les marionnettes. Do the swamp, dude. Analyse du sujet en cours, je crois que la fatigue s'en va, éclair de frisson, caféine. J'ai pas été capable d'écrire le mot impeccable correctement parce que j'avais la tête dans la salopette de Minus, à marmonner des histoires de russes. Des aiguilles dans les draps et du coton dans les oreilles, conversations entre l'ivresse et le décor. C'est tout de même pas si compliqué, en fait, il faut juste recouper le fil quand il est usé. Je donne une récompense à celui qui décèlera chaque calembours d'ici la fin de la nuit. Tagada tsoin tsoin.

[ 15 nov. ]

Il semble acquis que pour devenir quelqu'un de bien, il faudrait se racheter de toutes ses mauvaises actions. Question de karma. Si comme moi, le mot "karma" vous évoque un vague cousin de koala, c'est sûrement parce que les seules listes que vous ayez jamais faites étaient composées uniquement d'actes déjà résolus, de façon à ce que tout ça semble un peu moins contraignant. Les listes, ça fait surtout penser aux gens qui font leurs courses, c'est serait assez étrange de se retrouver comme un produit de consommation. Colonel Moutarde est mort, et c'était son jeu préféré. Il aimait se cacher. On pourrait voir ça comme un signe, mais le blanc me fait peur, et l'orage fait trembler les images, j'ai toujours eu peur d'être sage. C'est comme une boucle qui se répète, et puis un jour, on prend les ciseaux et tchik et tchak. On prend la boucle et on la mange, on la mâche jusqu'au dernier morceau et on défie ce monsieur "karma" bien étrange de nous mettre à bout encore une fois. Le menton bien haut, et les yeux vers le bas, c'est à peine si on arrive encore à remarquer que la porte se referme. Tout ça pourrait ressembler à une chanson de Mano Solo, quand au comptoir je demande une valse, et que je la bois jusqu'à la dernière goutte, en espérant que si la moustache me pousse, je pourrais devenir quelqu'un de bien, peut-être. Apprendre à poser les bonnes questions et à fermer sa gueule par la suite, apprendre à serrer les dents et à regarder le ciel droit dans les yeux, lui dire d'aller se faire voir, lui et sa connasse de lune. Apprendre à regarder la lumière de la télé eyes to eyes, et attendre de voir qui abandonne en premier. Le voir prendre possession de tes mains et avoir la frousse de sa vie, tiens, allez. Remettre une couche. De la grenadine autour des lèvres et des photos sur le mur. Minus parle aux étoiles, et il leur lit à chacune leur horoscope toutes les nuits, il donne des coups de pieds dans les distributeurs à boissons et il fait du karma à Colonel Moutarde pour le remettre sur nageoires. L'euthanasie me fait peur, et c'était, bon, pas vraiment le moment. Pas de fête foraine non plus, pas plus que de ticket gagnant, rouge, vert, jaune ou bleu. Chemise sur les épaules, la ressemblance y était pourtant convaincante. Apprendre à se retirer très loin sans que personne ne s'en aperçoive et se retenir de rire quand Microbe discrédite tout propos dramatique. Depuis quelque temps, une surprise à chaque tournant, comme un kinder un peu tourné qui ferait moitié-moitié avec la colère. Des fois je les regarde sur le mur et je gronde dans ma tête que tout ça n'aurait jamais du se passer comme ça. Je range tous les chapeaux par ordre de grandeur, je tasse un peu et je tasse même les souvenirs pour laisser de la place aux nouveaux. Je tasse de café, et je la remplis bien, jusqu'à ras-bord, je veux brûler l'insomnie et j'échange idées noires contre incongruités nocturnes. Brocantes clandestines et trottinette rouillée, course poursuite avec l'intrigue, rattraper les histoires avant qu'elles ne finissent par nous écrire. Je me présente, Anémone Inceste. Dehors il pleut, et même il fait nuit. Les pages se remplissent à une allure folle et quelqu'un dit "les jours impairs, tu mets ton imper", et je sais pas pourquoi, mais ça avait eu l'air drôle. Devenir vilaine n'apporte pas plus qu'être quelqu'un de bien, rester soi-même, c'est finalement pas si mal. Donner un coup de poing dans les malentendus, parce qu'il y en a tellement que ce ne sont plus que dialogue de sourds dans un aquarium de quiproquos. Dites donc blanc, on finira toujours pas penser noir. N'oubliez pas de laisser les clés sous le paillasson, et reprenez donc ces vieilles habitudes, d'attendre que quelqu'un vienne vous soulever par les aisselles pour qu'il se passe quelque chose. On n'est jamais aussi bien qu'ils voudraient qu'on le soit, c'est sûrement pour ça qu'on a inventé le Coca. Sans transition. R.I.P camarade, oublie pas de passer le bonsoir au Docteur Olive.

[ 4 nov. ]

Des lapins plein les doigts, plein les cieux. Doux retour vers l'intérieur de la chair, le texte en justifié. Paraphraser vos gueules de ciel orageux, qui tonne de plaisir. Il y a des bouteilles qu'il faut secouer, d'autres pas, sinon ça mousse. Il y a de ces bouteilles porteuses de messages, mauvais présages, de celles qui n'arrivent jamais à bon port et celles qui portent la bière. Il y a de ces bouteilles, elles ont une étiquette rouge, et s'il vous vient à l'esprit de m'en offrir, sachez que je vous courtoise déjà en pensée. Non sans rire, faut pas déconner non plus. J'ai décidé d'arrêter les bêtises qui ne sont pas dignes d'être racontées, au profit d'études plus poussées dans le cas de sottises rigolotes qui ne mangent ni pain ni ketchup. Ca en fait plus pour les autres, j'entends. Ca scintille vert par-dessus les parchemins, c'est bientôt l'hiver et le gros livre rouge trône parmi les autres. Comme une promesse annuelle qui chuchote tout bas qu'il est bientôt l'heure. De redevenir fou. Les chaises dans l'auditorium sont vides de présence, et pourtant, vous avez vraiment pas les yeux dans vos poches. Il y a des gens qui feraient mieux de se regarder avant de pointer du doigt. Il y a des gens, des nouveaux qui sentent bon le dentifrice au chewing-gum, qui donnent envie, qui donnent de la vie. Là où il n'y en avait plus, du tout. Les absents ont toujours tort, mais ils ne l'admettrons jamais, que lorsqu'ils sont le centre de l'attention. Aiguille molle dans tissu rigide, la frigidité de la foule face à l'excentricité d'Halloween laissent de marbre. Le temps d'une soirée, se révéler la plus grosse bite de l'assemblée. Et toujours, faire pipi assis. Les nouilles chinoises ont ça de bien que c'est tellement incongru qu'on en redemande, et le chocolat qui croustille, et toute la Belgique réunie dans mon salon en moins d'un mois, ça fait sourire Maman. Le temps passe, et la preuve en est que la frangine se retrouvera bientôt en tête à tête avec son année de plus, et quand on se rappelle qui on était à cette époque, soit on en rit, soit on ferme sa gueule, parce que je ne connais personne à qui cela aura été profitable. La tasse du pirate posée près des bouts d'machins à grandes oreilles, les chaussettes trouées jusqu'au dernier orteil, c'est tellement plaisant de croire qu'il n'existe pas de chose qu'on désire de plus à cet instant précis où on se surprend à être soi-même et à aimer ça. Il aura fallu tout le rouleau pour réparer ce qui a été bien trop longtemps cassé, il aura fallu que tout le monde s'en aille pour que l'on revienne. Et ces chaises vides, ces maisons qu'on ne finit pas, et ces bateaux.. Qui ne partent pas. La fête forraine va bientôt battre son plein, je jure d'y être, et d'y sauter dans la flaque, de courir après ce connard de lapin blanc qui a volé le temps, le temps d'il y a quelques années où tout était différent. Comme qui dirait, un sourire de toi et je quitte ma mère. Et ce monstre jaune que je lui tend, pour le grand bonhomme au tablier sale. Il y a, surtout, ces questions qu'on ne pose pas, ou pas au bon moment, il y a : faites quelque chose d'extraordinaire, ou je sais pas, faites la guerre. Je vous demanderai toujours de quelle couleur étaient les yeux de l'histoire, par là-bas. Le nombre de bols de nouilles qu'on peut avaler en une seule journée. Le sens du mot "subliminal" n'a jamais pris autant d'ampleur que lorsqu'un point d'interrogation croise mon chemin. Certains se frisent les cheveux, d'autres, l'insolence. La pellicule est terminée, et si tout était raté, je pense que ce sera la plus jolie chose qui soit. L'inattendu est de mise, depuis que ces voleurs d'étoiles ont débarqué dans la case ciel, sur le trottoir, en bas de la maison rouge. Rouge camion, plus tard je serais pompier, pour éteindre les feux de tête, empêcher de brûler ce qui ne devrait jamais l'être. Bien que parfois, mettre de côté, ça n'est finalement pas si mal.
"Je vends tout ce que j'ai contre tout ce qui me manque, je vends ce qui s'achète contre ce qui n'a pas de prix.. Je vends ce que je vaux contre ce qui m'est le plus cher, et si ça ne vaut pas un clou : tant pis, je donnerai tout." ©Zazie

[ 26 oct. ]

Le décalage horaire, c'est quelque chose de magique. J'aimerais savoir qui a décidé que deux jours dans l'année, on changerait d'heure, quand sur le panneau il est écrit qu'on rentrerait dans six puis soixante-douze minutes. C'est presque aussi mystérieux que les trucs en sachets qui se transforment quand on leur fait boire de l'eau chaude. C'est presque aussi mystérieux que : Combien de types au nez rouge je peux compter en une seule journée. Imaginez un chiffre, imaginez pire, vous y êtes presque. Le nez contre le parquet, je promet de devenir quelqu'un de fort, mais j'ai beau essayer, ah. Si seulement ça pouvait marcher comme un vaccin, mais de toute façon, ça doit bien faire deux ans que je dois retourner me faire trouer les bras, un an que je n'existe plus sur papier plastifié. J'admire, ô combien, les empereurs qui avaient pour habitude de s'empoisonner un peu plus chaque soir pour ne plus rien risquer quand viendrait le moment. J'admire, le calme dont on peut faire preuve quand les poings cognent, et que c'est bien trop explicite pour en parler par la suite. Il y a cette chanson qui parle de micro-ondes, je l'aime. Zizi coin coin et frites, sourires timides et les joues rouges. Même les feux tricolores, je les regarde plus dans les yeux tellement ça me fout les glandes. Il va falloir tenter de conquérir leurs idéaux avec toutes ces bêtises, et le pire, c'est que ça marche, j'ai décidé d'être moi-même, et ils ont dit oui. Parce que ça a eu l'air vrai. Se déchirer en quatre pour se dépasser, se déchirer les yeux et les acquis, déchirer toutes les pages jusqu'à pouvoir être fier du résultat. Va pas falloir chômer, va pas falloir croire tout ce qu'on dit, y a qu'à voir ce qui se fait de mieux, en ce moment, y a qu'à voir ce qui reste debout, quand tout se tire la malle. La malle en mai, les valises en octobre, grand-mère pirate prépare la marmite, je me rappelle les après-midi avec l'enveloppe et les mots, je me rappelle qu'un jour j'ai été petit, ça me suffit. Clope sur clope, c'est ce qu'il faudra pour écouter tout ce qu'ils ont à dire jusqu'à la dernière goutte, meilleure eau de vie que n'importe quel autre alcool. Oter le cadenas, les pièges à loup, les canons. S'ouvrir un peu plus, sourire comme toujours, ne plus s'arrêter de découvrir, à n'importe quel prix. Oser penser que la grande tour triangle n'a jamais été aussi belle depuis qu'elle est bleue. Des nébuleuses dans les yeux, tu connais la suite. Le mur se remplit de morceaux de joues étirées, de pieds nus, de gavroches, de monstres et de magiciens. Le nouveau jouet rouge fera le tour du monde, il n'y a qu'un choix à faire : Rouge, Bleu, ou Jaune ? Les gens sont tellement cons des fois, que ça donne plus mal au crâne que n'importe quoi, ça donne envie de se tirer, c'est tout. C'est un coup à regretter de fouler les mêmes terres, les mêmes corps. Peut-être qu'un jour je vous remercierai assez, d'être aussi géniaux, peut-être qu'un jour, j'arriverai à faire sortir plein de mots gentils de ma bouche, en attendant, ce sera à celui qui blague le plus fort, qu'est-ce qu'on s'poile. C'est comme une deuxième puberté, une vingt-sixième naissance, encore une fois. C'est le 26 octobre, ça se termine encore sur un au-revoir, c'est comme si c'était vraiment triste, vraiment. Sauf que depuis quelque temps, quelqu'un a décidé de rayer tous les dimanches à mon calendrier, quelqu'un a décidé de rafistoler le chapiteau, et tous les sourires à venir, quelqu'un a décidé, que tout irait bien. Et alors. Tout va bien, magie. Bientôt nous serons Halloween, sous le signe de Beethoween. Y en a marre des gens qui se sentent obligés d'arrêter de faire des trucs marrants comme regarder dans le fond du verre, et le tourner jusqu'au bon âge, comme trépigner jusqu'à seize heures, l'heure du goûter, comme jouer à la console jusqu'à pas d'heures en se cachant au fond de la couverture. Comme ne pas se soucier, de ce qu'on doit, ce qu'on veut, ce qu'on peut dire, faire ou rêver. Il y a que y en a marre, de voir qu'aujourd'hui, ce à quoi vous avez toujours aspiré se fait écrabouiller parce que quelqu'un a décidé qu'il fallait être con. Arrêter les bêtises, se brosser les dents, et rendre les trucs à l'heure, alors qu'ils sont incapables d'être spontanés en société. Et pour fin : Revenez bande de frites !

[ 16 oct. ]

J'allais dessiner des marelles, et il s'est mis à pleuvoir. D'un air qui se veut le retour de l'automne, l'idée même que les armoires se remplissent de bonbons remplissent les ventres de postillons de souvenirs. Des épouvantails, les doigts de pieds en éventail, sonnez minuit et réveillez donc les morts, ça va faire de la poussière. Gratter les croûtes pour voir la nouvelle peau se former, toute rose, fragile, qui tire vers le coeur de la cicatrice. C'est si poétique qu'on se demande pourquoi ça fait autant de mal, mais la poésie fait du mal à tous ses poètes. C'est mignon, mais pas assez convaincant, c'est brave, tous ces mots balancés avec passion et cruauté, c'est comme de vouloir sans jamais faire. Voilà ce qu'ils veulent dire : Agis. C'est maintenant, regarde-toi. As-tu déjà vu un lapin se faire tuer ? L'organisme qui se tord dans tous les sens et inversement, les pattes en l'air, cow-boy. Des mots qui crachent, passer au-délà, ne pas oublier d'inventer des bêtises. Puisque c'est la seule chose que je fais de bien, et le seul domaine où je suis capable de me surpasser, et de m'atteindre mille et une fois au bas mot, alors j'en ferais ma doctrine, leur bible. C'est pour de faux, cette fois. Pour de faux. Dans le réel, il y a des vaches et cette dame, aux rides si marquées qu'on pourrait en faire une piscine de compétition. Il y a que j'aimerais devenir quelqu'un, et pour ça je monte six étages en essayant de ne pas trop souffler, arrêt sur image sur les toits qui dominent la ville, arrêt sur mirage, les yeux bleus et la musique étrange. A côté de ça, il y a cette marelle qu'il faut que je trace, et il pleut. La craie qui se fond à l'eau me rend triste, c'est un peu comme encore un degré en moins dans l'inclinaison des lèvres. Tous ces gens qui ont grandis, avec qui je jouais aux billes, tous ces hasards, et ce ventre énorme qu'elle porte sous son aile, celle avec qui je faisais les quatre cent coups, un peu. Pour une fois, c'était pas moi qui les recevait tous. Parler du temps d'avant comme s'il n'était jamais parti et plonger les doigts dans la mélasse bleue, recouvrir les couleurs fades, couleur jean sale, usé, qui traîne par là, par hasard. S'éloigner de ce qui a pris trop de place, pour visualiser un peu mieux, se retrouver, remettre son pion sur l'échiquier, j'ai promis. Rencontrer des sourires, boire la potion de la punition, et repartir à pas loin de zéro. Retrouver Clémentine tous les matins et partager les courts-circuits nerveux, résoudre les énigmes de la science et de la vie en ce sens que ce ne sont que des calembours. Les feuilles se remplissent à une allure folle, de bêtises et de lapins, ce petit plaisir de fin de journée, quand tu me tend le carnet noir griffonné. Comme un goûter sucré, celui de lundi, minuit, comme si tu étais là tout le temps, et que ça ferait tellement naturel que je me demande maintenant comment c'était avant. "Tu as l'air plus épanouie", a dit celui aux yeux bleus, celui qui photographie des filles jolies en les barbouillant de noir. C'est un peu comme un compliment en mieux, c'est un peu comme d'avoir fait un pas, un pied devant l'autre, sans trébucher dans quoique ce soit. Un peu comme la nouvelle peau qui se forme sous les croûtes, un peu comme de faire attérir son caillou sur la case Ciel, comme retrouver sa folie douce sans avoir trop peur de demain, sans avoir peur de grandir, puisqu'ils sont tous encore là. Donner à manger aux poissons. Refaire du café. Enfiler le bonnet bleu, et mettre la musique très fort. Se défaire de l'ancre, larguer les commérages et tourner le dos aux messes basses. Préparer les matelas pour la cargaison de nouveaux pirates en prévision. En attendant, les patates ne vont pas s'éplucher toutes seules.

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[ 6 oct. ]

Finalement, ça n'est pa si mal. Je veux dire, on l'a déjà fait, ça n'est qu'un juste retour à la normale, une ritournelle qui tourne en boucle dans un coin. Ca n'est rien de plus que ça. Savoir reconstituer le chemin les yeux fermés, les mains bandés, savoir chanter le refrain sans se planter, retracer un numéro oublié depuis des années. Apprendre à refaire ses lacets, oublier pourquoi on tire la tronche, un moment, et ne rien demander. Et quand ils m'ordonnent de parler de moi, partout, tout le temps, êtes-vous extraordinaires ? Je veux dire, voyons. C'est seulement de l'ironie pure et dure, ce retour des choses, il faudrait voir à s'entendre, et puis arrêter de s'étendre en justifications, le texte centré. Voilà tout ce que je suis, fin de l'entretien. De toutes façons, vous savez quoi ? C'est bientôt Halloween, et quoiqu'il arrive, je décide que rien ne pourra empêcher ça d'arriver. Les belges débarqueront dans la grosse ville grise pour y déposer des cadavres exquis de carcasses imaginaires, et même. Même peut-être qu'il sera là, et alors je l'attends au tournant, avec mes pistolets en plastique, et je m'en fous tiens, d'avoir les genoux écorchés, soyons fous, soyons morts. De rire. Dans n tupperware j'y mets des restes de toi pour me rappeler de revenir bientôt, j'essaye d'enfermer mon égo dans une boîte hermétiquement fermée, j'essaye d'être comme toi et d'y arriver, mais il faudrait que tu y croies. Bien sûr, c'est facile d'être honnète quand il ne s'agit pas de soi. Facile de parler quand on n'a rien à dire, écoutez donc ce silence en dolby surond. Ca va grésiller dans les gencives, comme des bonbons qui clignotent, on ira rechercher les cités d'or à bord du grand Condor. On s'arrachera les cheveux pour avoir l'air de guerriers sanguinaires, être ou faire semblant ? Ciseaux. Dans le wagon, les gens s'affolent, voici le terminus, et il va falloir user de silex pour s'y remettre, être quelqu'un de vendable, vendre son âme au diable contre quelques croquis désossés. Murmurer des secrets à minuit, près de Tokyo, murmurer des choses alcoolisées, sans rire, sans rougir, il faut exorciser, excision de cauchemars sur fond de musique électronique, de flammes démentes en suspens dans leurs paumes. Repartir de tout pour reconstruire un rien, un poil plus solide. S'entourer de harnais de sécurité, comme un huître. Est-ce que c'est vrai qu'elles cherchent la lumière le long de l'oesophage après avoir été gobées ? Dites-moi oui, ce serait oh. Si rigolo. Abandonner derrière soi tout son passé, ne garder pour seul souvenir qu'un rire d'enfant, de vagues mercredis après-midi, et quelques odeurs. Voir s'effacer en un clin d'oeil ce qui a mis trois ans à se construire, vois savez, ça fait comme mourir un peu, mais pour de faux. Ca donne cette impression de vide énorme, là où aurait du se trouver tout le reste. C'est comme, rien d'autre finalement. Par peur de tout oublier, qui sait, je me rappelle encore l'odeur des draps du lit de mes parents les soirs d'orages violents. Je me rappelle le goût du porridge, je me rappelle le ticket de caisse. Pour devenir quelqu'un de bien, quelqu'un d'autre, du nouveau, du changement, meilleure opportunité qui soit, allez, saute donc dans le vide. Ce serait comme perdre un bras, sauf qu'on peut toujours jouer à la GameBoy. Ce n'est donc pas si grave, n'est-ce pas ? Bientôt, je m'excuserai. En attendant, c'est l'automne. Vous savez ce qu'on fait en automne ? On attend le printemps, on jette son dernier mégot, ça sent le froid, la pluie, la nuit, ça sent bon et ça rassure presque. Tout a si peu changé, c'est beaucoup d'efforts pour rien. Finalement, ça n'est pas si mal, vous en reprendrez bien un morceau ? Allez souriez, Milord. Et écoutez-la chanter, elle a tellement raison.

[ 15 sept. ]

Comme sous les projecteurs d’un film trop vu, répétition acharnée de comédiens grotesques, m’as-tu vu ? Entends-moi. Se moucher le nez dans les rideaux épais des coulisses, maquillage effacé sur un revers de manche, rideau. Le scénario, plus besoin de l’apprendre, tout ça est bien ancré quelque part, le port d’attache entre tous les chapitres. Mais quand la musique cessera-t-elle ? Laissez place au silence. Poser les bagages, repartir, prendre le train, le bus, se faire la malle. Prendre le mâle par la main et s’entraîner ailleurs, fuir, fuir les murs, la fin, les briques, posées là sans hasard. Furibondes. Un autre ailleurs qui ne doit rien rappeler, aucun souvenir, aucun trésor en poche, juste de l’envie, quelque chose à recommencer. Cracher le chewing-gum pâteux qui a servi de sourire et de sale goût en bouche, quelque chose qui colle aux dents sans plus faire de bulles, ça s’appelle prendre du recul. Je t’en foutrais, moi, des histoires de cul. Remonter de profondeurs abyssales, respirer. Tellement « mort de rire la veille, pire que mort au réveil », la gueule infandibuliforme de ceux qui boivent sans but, les réactions manichéennes de ceux qui ont trop vu. La même scène. Il y a de ces films dont on ne se lasse pas, d’autres.. moins. Jeux de mots, vieux vilains, toutes les mitochondries du corps en éveil, vivez saltimbanques, faites nous rêver. Dans la famille des pirates, je suis l’éplucheur de patates, celui qui observe en fermant sa gueule, seulement bon à vanter le mérite de sa bouffe, tiens, mange et tais-toi. Savoure un peu, rien d’hormonal. Envie de changer d’air, comme ça nous prend, par la gorge, par les tripes, par la gâchette du pistolet en turgescence contre ta gorge, pam. A la traîne derrière le train, tout sourire cache quelque chose d’autres, allez-y, avancez. Je vous rejoindrai, plus tard. Les cartons se posent, et s’intercallent, des histoires imaginaires qu’on entasse dans le mixer, ça fera des bulles, ça fera désordre, des casse-croûtes pour les rêveurs, en manque de cette drogue qui ne fait de mal qu’à ceux qui sont restés naïfs. Mais loin d’être innoncents. Sensation de liberté entre inconnus, dévoile-moi tout, je te ferai pousser des ailes, allez, viens, on danse la valse. Ivresse des décors parfumés à l’huile et à la bière, passe-moi l’impossible, j’ai soif. Des rayons de livres disparus, des vieillards légendaires qui vous remplissent un frigo, et de la peinture sur les doigts comme entrée de jeu. Clé en main, la porte du grenier condamnée. Masque frigide de la frivolité par la pensée, dictature de l’imaginaire offusqué. Je vous laisse aux commandes de ma subliminablité, pour continuer de recycler la soupe à la grimace en quelque chose de mieux. Retrouver dans la boîte aux lettres, mes gribouillages dans un magazine, des enfants sourire, merde, je suis un peu émue. Et comme mot de la fin ? Zizi coin coin. « Je regarde à l'horizon, je sais c'est la saison : j'suis au fait, j'vis au balcon. Je souris quand on me tond et je singe les moutons, je regrette.. Le temps doux des questions, sans dessus ni fond. » ©Debout sur le zinc

[ 21 aôut ]

Derrière l’objectif miroitant des sourires des autres, mes globes oculaires tournicotent sans arrêt, ivresse du détail, sous une aisselle, envie de. Casser la vaisselle, grimper sur les tables, un doigt de whisky, mais surtout le doigt. Clic clac. Figer un instant les paroles de ces chansons qui donnent la larme à l’œil, et moucheter de noir les nappes si blanches. Des trous sur les genoux, partout partout, oh c’est peu dire. Je suis mitée par la peur d’être trop propre, je dis même pas bonjour, je ne m’appelle pas, je suis seulement la copine de. Rassurée de voir qu’on s’amuse encore après quarante ans, voir ce monsieur enfiler un masque d’Elvis et danser le Rock’n’Roll, comme il se doit. Se mêler à la foule et faire semblant d’en faire partie, un peu. Dans les poils bleus et rouges, je gesticule dans les rues vides du matin de l’ouest, c’est plus difficile qu’en pixels, je cherche le bouton esquiver, et puis. Clac Clic. La vie derrière le clapet, je renferme l’été comme un mauvais souvenir dans une enveloppe de papier, que j’enverrai à cet abruti rouge, pour qu’il me fiche la paix. C’est fou comme les rêves se font étranges, ces nuits un peu trop.. oranges. Je me réveille en sursaut, à temps pour m’apercevoir que je n’ai pas dormi. Agrippée au souffle qui s’échappe de ta bouche, j’écoute les ombres aux murs, je plafonne en haute-tension. Clic clac. J’aimerais savoir, pourquoi cette soudaine envie de remettre tout à demain, l’occupation de l’esprit pour un corps sain. Il faut que j’arrête d’écrire cette histoire, il faut que j’arrête de remuer les cendres à l’aveuglette, à reculons. J’aimerais être désolée, mais j’ai beau appuyer, ça doit pas être le bon bouton. Pas rancunière pour un sou, je continue à donner vie à ces parasites colorés sans même y planter l’aiguille, j’aimerais juste que tu restes, alors je couds un peu autour. Il faudrait que l’été se passe, et qu’on recommence à nouveau. Il semblerait qu’on ai bientôt fait le tour du cadran, les mains sur les genoux, le sourire dans les mirettes. J’aimerais bouger, il me faut un déclic. Clac. Bons présages en rafale, sensibilité à fleur de cils, et flash. Comme une moustiquaire à nez rouge, ce serait une surprise pour toi aussi, tu sais, se rappeler comment c’était, l’oreiller sans sel des marées tranquilles. Le point d’interrogation, photo floue, ratée, il ne faut plus attendre, avant le suspens des réponses, il ne faut plus courir, après le silence. Le caresser du bout du nez, le pousser à peine, pour ne pas le brusquer. Chercher à savoir n’est pas bon à croire. Clic clac. Comme un bateau en papier à la rescousse d’une bouteille vide, les bulles en apnée, et si elles explosent, eh bien. Peut-être un éclat de rire, belle revanche. Défaire ses bagages pour les refaire encore, reprendre un train, et atterrir de nouveau dans ce pays de soleil et de bonne aventure, les lignes bien serrées dans la paume, j’irai refaire le monde avec Gigi, que tout le monde connaît maintenant. Clic clac. Dans mon milk-shake, du Palahniuk dans le Jardin, pattes d’araignées et aiguille dorée, direction Neverwhere, j’y jette aussi quelques atouts, il est temps de reprendre les rênes du crayon. Et bientôt, j’irai m’enivrer de croustillance à côté du mannequin qui fait pipi, pour le meilleur et pour le rire, tournicotons. Danser la valse sur l’autoroute, Roméo chez les cow-boys, pim pim. Premier round. Clic clac. Des yeux plein la boîte aux lettres, j’aimerais un sourire de vous, une capote souvenir, quelque chose. Revenez ?

[ 5 aôut ]

La question qui revient souvent c’est est-ce que Microbe me raconte tout. Ce à quoi je répond, est-ce que Microbe a une tête de cafetière, évidemment. Ce gros truc qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose ? Bah. Microbe sait tout, partout où je lui demande d’aller, il sournoise, tapi dans les recoins. Je vois à sa tête, les secrets pernicieux qui se jouent en cachette, c’est bien beau. Sales comme des cacas de poissons, les histoires jetées par dessus l’épaule. Et si ça ne m’atteignait plus, peut-être que je suis un peu trop loin, maintenant. Les yeux dans l’eau, un rond de flan comme déguisement, je guette le ballet frénétique des nageoires sans sous-entendus. Bien sûr il faudrait avoir tout vécu et avoir l’air grand, moi vous savez, quand vous reviendrez, j’aurais pas changé, non. Je ne change jamais, ça fait partie de mon côté sale gosse, puisque c’est l’été, la soupe ira se faire foutre. J’aimerais être en colère, un peu plus, j’abandonne. Toutes ces petites choses que je préparais en sourire sont bien rangées quelque part sur le bureau, et ça ne fait rien. J’ai tant de jeux dans la manche, qu’il serait de mauvaise augure de retrousser les siennes à force de se moucher dedans. Je peux faire en sorte que les cartes fassent d’elles-mêmes de si nombreux artifices que j’en disparaîs derrière ma cape, j’apprends peu à peu à remettre le masque, en conséquence. Impassibilité est la clé, malheureusement. Courir après quelque chose que l’on rechigne pour se dépasser. Atteindre la mer et le pirate qui sent la chèvre, avec ses crânes suspendus au-dessus de l’enseigne « restaurant ». Peu importe où vous serez, moi j’y vais. Tous ces bateaux, qui restent là. Il ne faut pas forcément croire que c’est de leur faute. Michael J. Fox est mort, tiens, quelle idée ? Moi je me rappelle de la machine à transformer le monde, le chien, les quilles, la cape, les herbes. La roue tourne devant moi et je me casse la gueule, il y a tellement de mondes qui nous sont passés devant, tellement de héros, tellement de cons. Qui peut dire encore quel était son rêve hier, qu’on se marre, allez, juste un peu. Qui peut se targuer d’avoir tout vu, tout vécu, d’être vieux et d’avoir trois chiens, qui peut être fier, d’être ailleurs, si c’est pour y faire toujours les mêmes choses, si c’est pour pleurer la nuit, si c’est pour ne jamais revenir. Le marchand de sable et sa poussière noire dans mes yeux, la fenêtre ouverte s’ouvre si grand, et la musique est trop forte, le jeu est fini, Minus se relève d’un bond. Et il dit.. il dit.. Je n’ai pas peur de toi, moi. Avec ses mains toutes sales et sa casquette de traviole, ses lunettes qui ne reflètent rien d’autre que mes cheveux qui dépassent de la couette, circulez. Il n’y a plus rien à voir. Le passé au bout des doigts comme une vieille crotte de nez, et poc. Quelque chose a changé, ici, si ça vous emmerde, vous n’êtes pas obligés de faire semblant. Minus, son ombre contre le mur, il emmêle ses doigts dans mes cheveux et il rigole. Avec son rire d’enfant, son inconscience, je n’ai rien eu à lui apprendre, il me décrasse de l’importance. Allez, il est tard bonhomme.

[ 30 juil ]

La métaphore du squelette de la salle de physique, bande adhésive comme seul remède aux cassures, et des millions d’hommes, vous savez. Le soleil rayonne. Quand tu es arrivé un matin avec ce petit simulacre de Batman dans les mains, qui m’a regardé avec ses yeux plus globuleux encore que les miens. Charly, Colonel Moutarde et Clovis, une armée de marmots silencieux qui ne demandent qu’à rien faire, et à écouter mes histoires somnambules quand je n’arrive pas à faire le tour de l’horloge sans tituber. Du rouge sur les mains et des cheveux comme une vague toile d’araignée qui agrippe les moustiques étourdis. Et puis les pieds dans l’eau, le sel qui pique un peu dans les bobos un peu trop frais, et toute cette histoire de jeunes hommes. Il fait si chaud et pourtant je me demande à quoi ça ressemble, là-bas, ici on mange des concombres à la menthe. Ensuite il y a tous ces lapins sur mon chemin, avec leurs yeux comme des trous noirs qui m’absorbent quand il n’y a plus rien qui m’habite la tête, silence tremblant, autisme troublant, passagers clandestins lorsque microbe patrouille pour forcer mon sourire lorsqu’on me parle de café trop froid, de pain qu’est jamais le bon ou de ma maladresse. Oui, m’sieur, bien, m’sieur. Toutes ces choses devenues subitement superficielles, c’est dingue comme le monde change. Une question de point de vue, appuyer bien fort sur des yeux fatigués et observer les étoiles en suspens. Se laisser tomber entre un as de trèfle et un as de pique, juste là. Comme un Joker. Poser des bombes, pour rigoler, pour de faux. Est-ce que tu m’aimes, pour de vrai ? L’incongruité des histoires bancales que l’on raconte à chaque fois en changeant les détails. Les petits points rouges sur la peau qui font comme des constellations, et à force de gratter, j’aurais peut-être une nébuleuse, qui sait ? Ici on voit la Voie Lactée. Il parait que si elles explosent, ça forme un trou noir qui aspire l’univers, comme un immense terrier, la tête en bas, la bouche fendue. Comme un touilleur à grenadine. Gigi me raconte la vie, en quelques heures. Un verre de vin à la main et de la fatigue grosse comme le monde, il parle de ce type qui a un peu trop connu les balles, pas assez son père, de quand il a fait semblant de ne pas savoir faire de la mayonnaise pour rigoler, parce que les gens sont tous des cons, il me prend une cigarette et me parle des gitans. Et moi, je sais, je sais. Je baisse un peu la tête et je décrasse mes pompes, je goûte à ses potions magiques, pour oublier que mon estomac a arrêté de grogner, pour ne laisser de places qu’aux histoires, et aux lapins, éventuellement. Ca sent le citron de partout, c’est déroutant, je prends la route, je me taille. C’est bien ma veine, tiens. Et pourquoi pas, y retourner, se remettre une grosse murge de genoux empaillés, de doigts à emporter, de sautes d’humeur à grignoter sur place, sans plus attendre. Pour manger plus tard, des histoires pour les couche-tard. Les poches qui débordent, emmenons-nous encore. Loin. Partir, un rêve d’utopistes, qui ne pensent qu’à rêver d’ailleurs alors qu’on est si bien ici. Encore une barquette de frites, et puis un diabolo grenadine. La petite soeur au volant de la brouette à quatre roues, comme un arrière-goût de souvenir à la friture, et nous, perdus. Mes pouces voyagent dans tous les sens sur mon nouveau jouet, en attendant le retour de Minus et Cortex qui sont, sans doute, encore en train de conquérir le monde. C’est pas qu’ils me manquent, mais un peu quand même. Dans ma tête c’est parfois si vide que je pourrais vous redessiner les plafonds de la maison, en un clin d’oeil. En un. Clin d’oeil. Si on freine un peu trop fort, l’eau des poissons vient me mouiller les jambes, oublier de pester, et enfiler une robe. Vous inquiétez pas, j’ai pas changé. J’ai pas bronzé. Juste une nature morte, un lapin trop vitreux, un déclic silencieux qui bouscule le monde, par l’envers, par l’endroit, amer souvenir, dans ta gueule.

[ 1er juil ]

« Spaghettis and salad ? – In that order ? » Soixante-dixième frisson, si ce n’est plus, et cette fenêtre. Oh tu es trop petit de toute façon, ça ne fait rien, tu n’as pas besoin d’être magicien, j’espère que maintenant les nouvelles GameBoy® ont une fonction mixer. Si je ne devais garder plus qu’une chose, je crois que ce serait ce film. Ou peut-être pas, mais il a ce quelque chose dont je ne me remettrais jamais. La ressemblance, peut-être ? Déchéance des aux-revoirs, ah non, je sais pas faire, moi, et puis j’ai trop l’habitude, des gens qui viennent et qui s’en vont, qu’on croise par hasard et qui finissent par revenir, et quand bien même, eh bien tant pis. Une gorgée de plus et le bateau lève l’ancre, le flot de parole qui sort de ta bouche ne m’a jamais fait tant rire depuis la dernière fois où il s’est levé comme un orateur magistral à une campagne électorale de la blague, et que je me suis dit, pas de doute, lui c’est à moi, je garde. « Il y a trop de Clémentines dans ta vie », je cite, et Minus insiste pour que le nouvel arrivant s’appelle Cortex, c’est presque trop facile, mais il me prend de court. Je n’ai pas réécrit depuis au moins une longueur et demi de serpent noctambulle, et ce défi qui vient relever les mentons, ouais, ok, allez, chiche. J’enverrai se faire gaufrer les mots qui s’embuent, pendant que tu me demandes si elle est jolie. C’est dans ces moments-là que je me dis que ça ira, rien ne va jamais changer et que si c’est tant pis, c’est pas si mal non plus. Keeps à côté piaille comme une mouette, et les murs ont tellement d’oreilles qu’on se croirait dans ma tête, et parlant de ma tête.. Je devrais lui accorder une minute de silence, couper le courant, stopper l’ébullition, lui dire des mots doux et me réconcilier. C’est dur d’avoir le complexe d’Œdipe avec soi même, et ça prend du temps à réparer, c’est encore pire qu’attendre les poils et d’être déçu après. Heureusement il y a grand-mère, et ses soixante-dix à elle aussi, c’est un bon chiffre, faut croire. Derrière sa tête, il y a l’amer, je m’y baignerais peut-être pas mais qu’est-ce que c’est beau, et puis ces bateaux qui ne partent pas.. Tant pis pour eux, elle est partie sans nous. Un mois ça n’est rien sur mon échelle orange, et ces cheveux qui me chatouillent les narines et qui me racontent l’alcool de pluie, de la même voix si basse qu’il n’y a que Microbe qui la comprenne, et Microbe est un malin, vous savez, ah oui. Dans le carton qu’ils m’ont mis sous le nez, il y avait tant de trésors que jamais voyage ne m’a paru si brillant, ou presque, alors j’ai tout pris, tout ce que je pouvais dans mes petits bras, et Cortex qui est si moche que je l’épouserai presque, et ce livre de pirates, le lapins en ciré bleu, ces bateaux en papier. Merci, merci, merci. Le train dans le film, c’est celui-là que je veux prendre, pour retrouver la Grèce, et ses étoiles d’eau douce. Je veux retrouver la nuit, sous la couette du cowboy, enlever les serpents de ta botte et te prouver que je sens peut-être pas la vanille mais que tu trouveras jamais mieux ailleurs. Il est six heures quand tu finis par tourner le dos, et je bois de l’eau dans un bol chinois, j’aimerais qu’il se passe des trucs rigolos dans la pièce d’à côté, il faudrait que je vous dise, que rien n’est plus jouissif qu’écouter Elvis Presley, par moments. Jamais je n’aurais cru que ce serait si compliqué de dégrandir en travaillant, la cour des grands se mange la queue, et les mots que je dis ont perdu la tête, le nez dans le ventilateur, je me débarrasse de mes derniers neurones, je mélange tout et on m’offre un poisson rouge, un zèbre, un café chaud, un goûter. Un sourire, non ? Bon. Il est temps que t’arrives demain, j’aimerais récupérer mon piano et composer de l’orgasme en récital, proclamer l’été, pour une fois, tu comprends ? Keeps, comme il y a un an, repose la même question, inlassablement, et si l’année dernière je t’écoutais en rigolant silencieusement, là je fais quand même moins la maline. Mon rêve à moi est si moche que je préfère rêver de Coca, en attendant que. Monsieur ne daigne prendre la peine de se retirer définitivement, plier bagages et pleurer l’écuyère.

[ 18 juin ]

Un pied dans la cour des grands et je m’accroche à la porte de sortie pour être sûre. Toujours avoir sur soi un trou à balancer par terre pour s’échapper, une issue de secours, un calambour à lancer au hasard. Je tourne une fois sur le siège, me fais un collier d’agrafes parce que ça ressemble à girafe, je tourne deux fois, à trois je prends une pause, à quatre c’est l’heure du goûter. Un concept ? Les filles, ça c’est un drôle de concept, même pas très rigolo, finalement, ça rigole pas, ça pouffe. Ca mange des trucs du bout de la fourchette et tout et moi je perds mes trucs dans la moquette. La république sent les croissants, les filles sentent le savon, être grand sent les ennuis et le téléphone sonne, je ne réponds pas. Ah moi je sais plus faire, tout ça, c’est terminé. Du moins.. Les rétroviseurs que je me prend dans la tronche me foutent des sacrés coups, ça fait des grelots dans la tête, ding, dong, hé, bonjour monsieur de la mouette ! Le sourire en coin, je me balade dans mes souvenirs comme on ouvre des boîtes à épices, et j’aimerais bien, j’aimerais bien. Je me tais parce qu’il est toujours trop tard et que j’arrive comme une lettre dans la soupe à qui il manque un timbre. J’allonge les lettres pour te battre à la langue de fer, je me fonds en onomatopée, j’essaye de toucher la couronne. J’essaye de me fondre dans la masse en fermant les yeux, il y a une erreur dans le système, un blocage dans le circuit de la normalité. Mais peu importe puisqu’il est de retour, pendant qu’il me joue des tours, je joue au magicien dans une enveloppe en papier kraft, je choisis l’heureux gagnant pour le voyage, le microscope, l’encyclopédie, je déchiffre les mots d’enfants. C’est chouette, oui. C’est chouette, je joue au hibou avec Microbe, il me sert de masque à tout faire, mettez-moi un post-it sur le front, allez-y. Je m’injecte une dose éléphantesque de nulle part ailleurs que dans ma tête, et pour le reste, j’ai des envies, plein, plein, et même que vous aurez beau faire une drôle de tête, je le ferai quand même. Y en a marre de faire plaisir si on peut rien faire dedans, je passe mon temps à recoudre mes pantalons et j’ai les genoux usés, les mains pleines. Si je savais ce qu’il faut pour faire une gaufre, et ça fait des mois, des années que je me dis qu’il faut que je sache ça, parce que c’est tout de même l’essence de ma propre vie, et j’oublie. Mettez-moi dans un bocal, coupez-moi la queue, appelez-moi Bob, je suis un escargot. Je compte les marches qui défilent sous mes pieds, ça donne un peu le tournis, de quoi plus tourner trop rond dans la ciboulette. Ce soir, on dirait que le ciel ressemble à l’intérieur d’un ours en peluche, ça serait rigolo de n’être qu’un microscopisme enfermé dans un jouet, d’être son propre ami imaginaire, pendant que les gens se lancent des procès dehors, je bois du thé et je découvre le monde infernal du Sub-Way®. Je dois choisir parmi tous les enfants celui qui va gagner le gros lot, je joue à plouf plouf avec le lapin fou pour savoir lequel de nous deux impose son droit ce soir. Il n’y a quand même rien de plus incongru que Che Guevarra qui me vomit dessus avec son demi corps qui sort de la porte de mes toilettes. Pendant ce temps là, maman joue au tennis en bas. Quand on habite ici, il faut savoir jouer très bien du tétris, c’est juste une question de survie, on s’emboîte comme des figures géométriques, mais sauf que là tu vois, tu marches sur mon lacet. De toute façon, ici bientôt ça va changer. Changer à petite échelle, je révolutionne du haut de mon escabeau, hé, nous sommes tous rois. Il y a ces livres colorés qui s’éparpillent sur la moquette, je suis bien pire qu’un lapin crétin, souffle-moi donc dans la tête, que j’explose comme un vieux chewing-gum. Ca existe vraiment, des mots comme « puna », « meloe », « zymase », « rupiah » (crache-moi pas dessus, connard.), ou encore « lomeen » ou « oflag » ? Je demande vérification, pour une fois que c’est pas moi qui triche. Il y a ce type qui me voit galérer et qui me prend ma menue monnaie contre un gros sandwich. Avec des olives. Je parie que tu râles à cet instant précis, et ça me fait presque sourire.. Mais regardez donc comme il fait beau, on se croirait presque à la période que je déteste le plus dans l’année sauf que non.
« On n’est pas si nombreux, à avoir la gaule.. On peut baiser la vie à tour de rôle. » ©Benoît Dorémus

[ 3 juin ]

Faire des bulles dans l’eau grise et sale et moite en remuant des genoux au dessus de la surface, recréer un semblant de mouvement, quelque chose d’inachevé pour ne laisser aucune trace de fin. Des vêtements roulés en boule découlent des confettis de toutes les couleurs, du tabac sec, des clopinettes mâchouillées, des papiers criards vantant telle et telle musique. Mais je pense qu’on a fait le tour du meilleur, ou presque, peu importe, si l’eau est opaque à ce point, alors c’était bien. Se revoir pour la troisième fois depuis quelques jours, et si ça faisait vraiment du bien de se couper de soi ? S’occuper à tout pour ne plus penser, s’enrouiller les mécanismes en position bloquée et se servir d’une tranche de saucisson, enlever les bouts de gras un à un comme on élimine ses neurones consciencieusement. Un petit air de déjà vu, peut-être, caché sous le soleil, et cette pluie qui gronde là-dehors, c’est fou comme on s’en sort bien des fois. Dans la gare il y avait ce mec, et je lui ai dit que non, le Petit Prince, ça n’était pas moi, mais que j’aurais certainement bien voulu, comme le reste. Oh, je veux tellement, évitez de trop faire durer, à la longue, je me lasse, j’ai presque une tendance à souvent perdre ma place quand on ne me la donne pas. A force d’essayer de m’imposer, j’ai des bosses tout partout, et ça n’est même pas bleu, c’est comme qui dirait mauve. J’ai mordu dans ma cicatrice pour qu’elle arrête de gonfler, ça picote avec le savon, mais il n’y a rien de mieux que de s’arracher avant la tempête, y en a marre d’être celui dans le coin. Celui qui se fait porter, celui qui garde la porte, celui qui garde les secrets et puis c’est tout. Microbe rince ses oreilles, ça me chatouille dans les miennes, il a quelque chose d’électrique que n’a personne d’autre, c’est ma présence quand je m’éloigne de ce qui dérange. Il me raconte des histoires la nuit qui n’ont tellement ni queue ni tête qu’elles en oublient d’avoir un corps, je m’endors en pointillés et je passe la tête par la tente pour savourer le monde qui dort. Je développe. La pellicule de mes rêves dans son laboratoire en carton, il distille la moindre particule et moi je n’y comprends foutrement rien, j’aimerais tellement, oh, en parler. Mais vous avez l’esprit déjà tellement mal placé.. Je refais vivre les carcasses rayées qui s’entassent dans mon usine à récupérer, je fais bouillonner l’inachevé et je re-mâchonne à foison. J’enroule mes ficelles à moi autour de leurs cous fragiles, c’est tellement beau un cou. Ensuite je me fond dans la masse, je joue des coudes en dansant la valse à quatre pattes, et peu importe, tiens, c’est pas ça qui va m’empêcher de sourire. J’aimerais avoir ce même costume bleu de marin rock-star, et j’irai zigouiller les zigotos à belles gueules qui se la racontent, tiens. N’est pas n’importe qui qui veut. La bosse sur mon front, on dira que c’est les questions métaphysiques que je ne me poserai jamais, et il faut aussi que je place le mot tellement, tiens, voilà donc. Plic ploc sur le rebord de la baignoire, j’aimerais que tombe le chat juste pour rigoler, j’aimerais un milk shake vanille et des olives fourrées. Des nouveaux vêtements comme si j’étais plus moi dedans, et mes lunettes, vissées sur la tête, je me laisse emporter par son rire de crevette atomique. Elvis est un roi, ne l’oublions pas, et mettons-nous le bien dans le crâne, ça évitera de penser au reste, de se prendre les lacets dans les gamelles des ombres, ça fait tellement de bruit et ça m’ennnuie. Laissez-moi croire que 1 + 1 font 3, bordel.

[ 28 mai ]

Un, deux, trois. Et tout ça, c’est bientôt fini, je n’ai plus que la main hors du monstre, et je m’agrippe avec acharnement à tout ce qui paraît plus ou moins solide, à l’aveuglette. Un, deux, trois. Multiplications, que ça s’appelle, multiplications, qu’est-ce que ça vous rappelle ? Invasion programmée, infiltration endiablée, système court-circuité. Prenez-moi tout, mon ego, mes envies, mes obstinations, mes derniers espoirs, mes yeux, mes mains, ma bouche, mon sang, mon souffle. Prenez-moi tout, sauf l’impalpable, l’improbable créature qui siège dans ma caboche en carton, dans mon trou à ratures. Essayez toujours, bande d’hallucinés, essayez toujours, mais faites-moi valser. Un, deux, trois. Mon corps se vomit tout seul, il dégurgite mes tripes et les suspend en guirlande autour de mes membres si peu dégourdis, et que je tremble, ça les fait clignoter, que c’est beau, tout ce rouge, que ça me chatouille, j’ai la bougeotte caféinée des drogués de la nuit. Un, deux, trois. J’accepte le monde comme on va à la cantine, je coupe en petits morceaux pour faire croire, que je l’ai usé jusqu’à l’os alors que ça me fait dégueuler, toute cette chair dégoûtante qui suinte l’abattoir, les métros, les couloirs. Appelez ça réalité si ça vous chante, moi je regarde à travers mon verre ce qui s’y passe, je vois que j’ai cinquante-trois ou dix-neuf ans, tout ça n’a pas d’importance, alors pourquoi ? Un, deux, trois. C’est bien beau d’être jolie, mais ça ne sert qu’à être plaisant, et je suis aussi vide de réflexion que tout ceux que je blâme, souvent, mais j’attends l’automne, alors, puisque le printemps et là et que rien n’y s’y passe. Allez, danse avec moi. Un, deux, trois. La môme Piaf crie dans mes oreilles, j’adore ça, entre deux éclats de voix du Petit Prince qui n’est pas là, entre deux alarmes de fermeture de portes, entre deux. Entremets délicieux du psychédélisme, je mange du vert, je mange du bleu, je respire jaune, je parle rouge. Et toi, de quelle couleur est-ce que tu m’aimes ? J’augmente la saturation comme on s’enivre de son, je monte le ton, j’aimerais prouver que j’existe encore, oh hé ! Un, deux, trois. Les méchants qui veulent se faire passer pour des gentils, et oh, l’inverse m’ennuie aussi. Mes mots paraissent aux oreilles comme un bruit de mixer cassé comme celui qui ne me fournit plus de délices sucrés, les objets rangés, placardés, les chambres vides me foutent la trouille. Ce serait comme d’enlever les ombres la nuit, alors le reste fait encore plus peur. Un, deux, trois. On pourrait dire que j’ai. Beaucoup de travail, comme pour un album d’Astérix, que tout ça me prend par les tripes, me retourne comme une crêpe. Un truc de gaga qui me bousille. De haut en bas. On pourrait dire que j’suis pas très fière, aussi, mais on ne le dit pas, car alors de toute façon vous finirez par tourner le dos, et vous avez, certes, de très jolis derrière, mais vraiment. Arrêtez tout ce silence, ça m’obstrue. Un, deux, trois. Il fait orage, pendant que Microbe fait un arrêt sur image, un par seconde, il décortique comme une crevette les insondables abîmes de mon sommeil, il retrouve les souvenirs brûlés, il découvre tout ce que j’avais encore réussi à cacher, à moi, à lui. Oh, Microbe. J’enfouis les mains dans ma salopette pour mieux enfoncer les ongles dans ma peau, pour mieux croiser les doigts, à ceux qui ne sourient pas. Un, deux, trois. Que c’est beau, une valse, à trois temps, à conjuguer d’abord au futur, puis au passé, emmène-moi. Mais toujours, non, c’est moi qui emmène. Parce que je ne vais pas attendre infiniment. Le café est froid, maintenant, et la cendre s’éparpille en poussière d’étoile sous les poissons dans le ciel. Un, deux, trois. C’est décidé, bientôt je dégrandis.

[ 15 mai ]

Le truc, c’est que j’ai toujours envié ces gens qui étaient attendus au bout du quai, en descendant du train. Ces gens qui avaient quelque chose à rejoindre, et pas juste à quitter, pour eux ça n’était jamais vraiment dimanche. Et puis j’ai fini par apprécier les dimanches, un jour, où il faisait beau et que tu dormais à côté de moi, ça sentait les draps chauds et le pain grillé. Les après-midi en terrasse, cartes en main et olives vertes. A faire des paris, à se gagner en plein dans la tronche et à parler scolarité en mangeant avec les doigts. Il fallait absolument que j’arrive à executer jusqu’au bout toutes les paroles de cette chanson, à ne plus être juste. Vous savez, celui qui attend. Au début, j’étais toujours en retard, ou bien trop en avance, et je pensais que tout était une question d’équilibre. L’été, c’est quand je me cure le nez et que j’en ressors des moucherons morts. C’est aimer regarder Paris la nuit. L’été, c’est juste de ne pas attendre l’automne quand on est au printemps, ou quelque chose du genre. On me demande souvent si j’aime les lapins pour une question d’ordre sexuel, tout ce que j’ai à dire, c’est que les lapins ne se reproduisent pas avec les chameaux. Et puis zut, moi les poissons je les balance dans la cuvette, pour qu’ils retrouvent la mer, parce qu’une vie en bocal, ça doit être si triste. Il paraît que pour certain, aimer c’est un peu comme de donner sa liberté, pour la perdre. Je pense juste qu’il fallait être con pour faire ça, faut pas tout mettre sur le dos des autres, même si. Même si ouais, des fois c’est un peu de votre faute quand même. Du coup, je tire la chasse. Je pars pas à la chasse, je perds ma place, je tire la chasse. La tête collée au mur en brique, dans la ruelle sombre, j’essaye juste de pas viser sur mes chaussures, parce que j’aimerais pas que ma maman s’inquiète. Je te tiens, tu me tiens, on se relève, quelle heure est-il ? Passe-moi le ciel, que je le poivre un peu, pour faire eternuer la lune. Ca va bientôt être la pire période de l’année, est-ce vraiment dur à croire ? Je croise les doigts, réajuste mes bagues, il faut que je me prépare à donner un gros coup de poing dans tout ça, réussir à ne plus dépendre de gélules, pilules, comprimés, ordonnances, corps à vendre. J’enlèverai mon pyjama, comme dans les dessins animés, j’enlèverai ma dépouille pour en mettre une propre, qui m’attends dans ma garde-robe. Je deviendrai un garçon, et peut-être que la solution réside dans le fait de pouvoir pisser debout. Je fuis les sérieuseries, le doigt tendu vers le tube de peinture, je redonne vie aux objets trouvés dans la rue, je donne un petit côté citrouille à mon sourire d’épouvantail. Il faut que tu sois un super héros, au moins, pour pouvoir avoir encore envie de rester, et toi tu t’installes, je trouve ça tellement déroutant que je ne peux que te mettre le couvert à ma table de goûter, voudrais-tu une double tasse d’atouts ? L’homme de la Grèce est revenu, dire des gros mots avec un accent du sud, et son chien aussi, et même qu’il a presque l’air sympathique. Mais moi je veux un zigoto rigolo qui se tortille dans tous les sens et qui fait « poutpout ». Dans la Famille, je voudrai Wilfried qui pend amorphe sur mon épaule, qui vous écoute tous d’une oreille distraite, et qui me susurre la nuit d’incroyables songes délirants. Il était temps. A côté il y a tes yeux fermés et mes mains dans ton dos. Puis il y a ce gros chapitre que je croyais archivé et qui ressurgit, cet air de bon vieux temps qui revient au galop, pourtant je le savais, je le savais. Tu n’as jamais changé, et la forme de ton sourire, je le dessine dans le noir, je donnerais beaucoup pour qu’il y soit toujours. La vérité, c’est que tu serais comme un ami imaginaire qui serait devenu réel, et tu vois, que c’est possible. La vérité, c’est que j’ai l’impression de me remettre les points sur les pendules toute seule, tellement les mots qui sont les tiens sont les miens aussi. L’absence est si impersonnelle que j’en avais oublié le reste. Mais rien, rien ne s’efface jamais, et je me prends les pieds dans l’impossible espoir que tout redeviendra comme avant, ou alors qu’on aura tous un peu grandi, juste. Tu sais. Esquiver le vide pour courir sous les gouttes, tendre la langue sous les étoiles, pour cracher enfin ces putains de noyaux qui nous étouffent la gorge et qui au fond, n’ont jamais rien eu à y faire. Et puis Dupontel. Et puis, les Diabolo Caramel.

[ 7 mai ]

Se réveiller avec Elvis, enfiler la capuche du super-héros aux grandes oreilles, manger des trucs bleus et sucrés, recevoir un colis dans la boîte aux lettres, manger du lumineux à longueur de journée. Par un temps pareil, même l’imaginaire a envie de sortir, ça se bouscule un peu aux balcons, ça devient dur, de calmer le jeu. Je boucle l’interminable automne, rompre la monotonie, et si je mettais une robe, pour essayer ? J’aime bien l’expression « à découvert », c’est juste con que ça veuille dire des trucs chiants, parce que bon. Voilà. C’est joli, d’être à découvert, parfois. Epuiser le mot vacances jusqu’à sa dernière syllabe, jusqu’à la ponctuation de fin, engloutir sauvagement tout ce qui est joli à regarder, s’enivrer de la beauté de la musique des joues qui se creusent et des lèvres qui s’étirent. S’abandonner dans une sorte d’ascenseur fou, et descendre en flèche tous les étages abandonnés. Rangés, rangés, rangés, rangés. Tu peux toucher, vas-y, je sens plus rien. Mes yeux cachés, et les lumières encore toutes allumées dans la baraque, hé. C’est facile de se moquer, est-ce que t’aimes bien les monstres ? Je vais t’en montrer des sales, attends, j’enlève mes godasses. Ca transpire d’aventures de dernière minute, d’ailleurs, de fripouilleries (j’y crois pas, fripouilleries, ça existe vraiment dans le dictionnaire. Ca sent la fin des choses moins agréables, et même les grands s’y mettent, tiens, pour une fois qu’ils ressemblent pas à des tampons usagés, ceux-là. J’ai à mon oreille un poisson qui me raconte des histoires de mutinerie, et j’ai écrasé mon pied contre un vieux coquillages qui traînait par là. Il a fallu que je raconte les crevettes grillées et les poissons qui brillent, il a fallu du rêve, encore, puisque les autres ont été plus ou moins réalisés. Wilfried me laisse des traces colorées sur l’épaule, et dans la nuit il se passe des trucs vrais, ça m’ennuie. Heureusement qu’il fait beau tiens, et j’aimerais vous placarder tout haut ce qu’elle dit tout bas, pour que. Changer. Ca a l’air de rien comme ça, mais allez-y, essayez. Mâchouiller du papier journal et s’inventer des nouveaux gosses, des nouveaux potes, des nouvelles bosses, dans la cervelle, va falloir se tasser là-haut, regarde-le avec sa salopette et ses oreilles lui, là-bas. Ca te fais pas penser à quelqu’un ? Incurable. C’est l’été. Peut-être qu’un jour les gens n’auront plus peur de faire caca en public et là, alors, peut-être, peut-être que quelque chose va changer, et encore. Allez donc vous servir un verre de limonade à côté des marelles, c’est moi qui invite, profitez-en, les prochaines vacances c’est dans un mois.

[ 24 avr. ]

Je n’ai rien senti, quand on m’a dit Hé. Ca y est, ça te fait quoi, de grandir ? J’étais affalée sur le matelas, et je me rappelle plus quelle chanson était en train de passer, en revanche, ça sentait les épinards. Alors j’ai ouvert le pot de confiture, celui en verre, avec le couvercle rouge et blanc, celui-la même. Dedans c’était tout blanc, comme un nuage, et puis alors, sur le dessus. Tu m’as dit : ça ne veut pas dire que je t’épouse, mais quand même, c’était bien essayé. Peut-être même que j’aurais dit oui, pour le fun. La dame aux grosses lunettes m’a dit de monter sur l’estrade et de m’exhiber devant tout le monde, avec mes grosses chaussures, ma perruque, et mon pantalon gribouillé. J’étais là comme le centre du monde, comme Hé, regardez-moi. Mes défauts, mes sourires, mes trucs et mes bidules. Adulez-moi, prenez mes mesures, observez le moindre de mes traits, et essayez. Allez-y, ça va être drôle. Essayez de m’analyser. Elle a dit Regardez, comme sa tête est ronde, et ses cheveux, c’est très particulier. Evidemment, qu’on tourne en rond. Mon passé, ma vie depuis deux ans, tout ça ne fait que se répéter, les réunions dans une toute petite pièce, une dizaine de personnes, ils sont tous là, toujours, ils ne disparaissent pas quand le train s’en va, ils disent à tout à l’heure, à toute allure. Dispersés, dans ma tête, quelque part. Et pourtant, là-dedans c’est tout sauf rond, bien sûr on a beau dire que. Je suis dans ma bulle, vous savez, pourtant je n’aime pas trop le savon. Je pourrais vous faire le plan, pour vous rendre ici ou là, mais je n’aime pas trop les intrusions. Mes cheveux sont du ciel en boîte au cas où il disparaîtrait un jour derrière les nuages gris de la grosse capitale. Elle parle aussi de mes genoux troués, peinturlurés, elle parle de ma posture désinvolte, de mes chaussures dépareillées qui en ont vus, défiler des années, des paysages, des ramassages, de la boue, du béton, des galères, des cailloux. Genoux, cailloux, joujoux. Oui, c’est tout moi, oui. Dans quelques jours je vais fouler le sol anglais, boire du thé, manger du poisson pané, parler avec un accent déplorable, et chasser les écureuils dans les cheveux de la Reine. Parlant de la Reine, c’est la meilleure. Maman, merci. Maman, on y arrive, n’est-ce pas, on peut le faire, être une famille chouette. On agrandit ma chambre, et j’essaye de jeter le surplus de ma tête, tout ce qui ne doit plus y être, mais oh, c’est difficile. Il y a des choses dont on ne sait pas trop, ce qu’on doit en faire, alors on les laisse en suspens, point d’interrogation, exclamations. Parenthèses inversées en un sourire grandiose entourés de leurs mines alcoolisées, qui se trémoussent sous les plafonds bas, les étoiles fluorescentes, la pluie, les platines piquantes. Sous le papier journal, il y a là ce qui me tient le plus à cœur, tu sais tellement y faire avec les surprises, non vraiment des fois je serais presque vomissante de mots gentils, alors je me contente de juste. Ne pas lâcher ta main, et tâcher d’être quelqu’un de moyennement bien, ne te faire aucune promesse, si ce n’est celle de te faire sourire comme autant de secrets que tu lui glisses à l’oreille et qu’il s’empresse de ne jamais me raconter. Et si je ne conte jamais d’histoires vraies, c’est que j’ai déjà du mal à m’y remettre encore, alors je savoure ces moments où vous m’offrez des fleurs et cette ficelle accrochée à mon poignet, et aux vôtres aussi. L’araignée tisse sa toile, et moi, eh bien. J’aimerais avoir des sous à mettre d’ores et déjà dans le coffre en bois, pour. Partir à New-York avec toi. Tu m’apprendras, à parler de moi, à te suivre sans me cacher les yeux, à croire en moi autant que tu le fais déjà. Tu m’apprendras, et j’archiverai tous ces chapitres qui me font frémir les paupières la nuit. Les trains ont crachoté leur fumée de cendres, j’écrase le mégot, et raconte à Minus l’odeur des rues de Londres, la bouteille pétille entre mes pieds. Je vais bien, vous savez. Je suis juste un peu fatiguée, de cette fatigue enivrante des lendemains de vous.

[ 7 avr. ]

L’emballage en aluminium que je retire précieusement découvre de somptueuses oreilles, et Microbe observe par dessus mon épaule, il veut être le premier à croquer. Le premier à mordre, le sourire sournois. Le premier à faire quelque chose. Microbe m’a terriblement manqué, tout ce temps, et jamais je n’ai pris autant conscience de l’importance de ce chatouilleur de neurones depuis la disparition soudaine de l’empire du meilleur il y a quelques temps déjà. Depuis Microbe cultive ce mystérieux citronnier, qui ne donne sûrement pas de citrons, plutôt des petites prises d’inconscience, à consommer dans scrupules. Être incontrôlable, immodéré, inconcevable, flirter avec l’impossible et converser avec son reflet, refaire le monde la gueule dans le cendrier, se laisser inonder par l’imprévu. Vivre sérieusement n’est pas le genre de concept que j’adule, je suis prête à vendre mes derniers neurones à cet emmerdeur de première contre une vie d’insouciance. Vous êtes plutôt remords ? Bienvenue à bord, soyez n’importe qui, mais soyez-le à fond. Abusez de grandeurs et de petitesses, mais abusez. La folie n’est dangereuse seulement quand elle parle au nom de la peur. Et vous, de quoi avez-vous peur ? Vous voyez l’ombre qui bouge, dans le coin ? C’est Minus qui couvre les murs de lettres, et rien n’est plus beau que des lettres assemblées bout à bout sans aucune autre intention que d’écrire pour le plaisir. Les autres mots ? Déjà dits. Déjà vus. Déjà fait. Pré mâchés, mixés, avalés. Dégueulés. Vous pouvez y aller, verrez. Vous n’êtes plus surpris. Vous voulez de l’incongruité. Du mouvement, de l’action. Je fais l’amour et la révolution. Je fais le tour de la question. Et si je m’égare, ne venez pas me repêchez, vous ne rigoleriez même pas à ses blagues. Microbe n’est pas drôle, il est juste moi. Trick or Threat ? Des croches pieds dans les constellations pour piocher une étoile au hasard et en faire sienne. Le hasard fait si bien les choses, vous voulez tout programmez, ingrats. Je croque la tête, déglutit les yeux, lèche les babines, mords dans la chair brune. Des lames de rasoir, des tampons et du thé. Un grand sorbet de neige d’avril et son coulis d’alcool, pour délier les regards, court-circuiter, oh comme j’aime les corps qui se dérèglent. L’orage des cinq sens, soyez juste capable de tout faire d’un coup. Je suis pour l’orgie des sentiments, j’aime la violence, la force et l’audace de ce qui fait tourner la tête. Faites de moi ce que vous voulez, mais ah ! Mieux que ça, s’il vous plait. Je suis subjuguée par les petites surprises sans prétention, les plaisirs sans demains, les coïncidences, mais si vous saviez comme c’est bon, de perdre la tête. Le corps creux fait résonner ce bruit si particulier quand on croque dans du chocolat, et je me délecte des petits cadeaux de non anniversaire. Et vous, vous seriez quel héros ? Je parie que personne ne se choisirait. Peut-être, peut-être faudrait-il y remédier. Et moi, ce soir, je dors. Rêver de grands cercles vaudous dans le salon de mes grands-parents pour invoquer la présence du grand mammouth vert, sous une nuit violette. Chercher des yeux, ce qu’on attend le plus, et se demander, finalement. Qu’est-ce qui nous tente ? S’abandonner, tout laisser derrière, pour un dernier langage de survie. Qui remet le monde à l’endroit. Le reste ? On en reparlera.

[ 1 avr. ]

Voilà, j’y suis. Se dépasser, pour atteindre. Je ne sais pas encore ce que je touche du bout des doigts, j’aurai grand peine à vous dire jusqu’où je suis allée. Atteindre le niveau d’épuisement maximum, je ne suis plus qu’une boule de spasmes nerveux. Atteindre un point où le matériel n’existe plus, ce ne sont que frissons, fruission. Apprend-moi à aimer jusqu’à ce que ça me fasse mal, oublier tout et ne plus garder qu’un ombre sur le sol, sur les murs, déambuler parmi la diarrhée de temps, de gens, de gestes. Plus rien n’existe, sauf l’impossible. Le monde se met en route, je m’arrête, encroûtée, je me quitte, je m’enlève, je supprime. Les données accumulées. J’étouffe entre les murs qui se dressent, ça m’opprime, j’excelle dans l’absurde. Je ne suis que cendres et caféine. Redites-moi mon prénom ? Je ne suis pas d’accord, et je m’y investit à fond, dépasser le mur de la raison. Si je réussis, maman, alors tout ça sera pour toi. Ma folie, mon talent, mes galères, ma sueur. Je ne te l’ai sûrement pas assez dit, merci. La fille au prénom de fruit m’écoute déblatérer à longueur de journée, et nous allons chercher un poisson rouge, pour fêter l’avril. Tout n’est que lapin, et moi-même, je ne suis plus rien. Je retire ma peau, mes os, je retire mes organes vitaux, je retire mes idéaux, tout. Je me donne à l’expérience, je continue de croire qu’on ne peut pas se permettre de dire non avant d’avoir essayer. Je tente seulement d’y arriver. On me parle de sacrifices, je me donne en offrande. Je prends la direction « Toutes directions », je m’éparpille, me perd, et il y a ta main qui surgit de nulle part, tout le temps. Jamais personne ne m’a acceptée comme toi tu le fais, et jamais tu ne bronches, tu supportes tout et je suis exécrable, pardon. Pardon à tous ceux que j’ai pu décevoir, attrister, humilier, oppresser, dégobiller. Pardon à moi de m’être oubliée. Dans le milieu il faut supprimer jusqu’à ne garder plus que l’essentiel. Demandez-moi n’importe quoi, j’ai les réponses. Demandez-moi l’impossible, je vous indiquerai le chemin. Demandez-moi ce que vous voulez, mais demandez-le moi. Je traine derrière moi mes contradictions, mes jubilations, mes défauts en caractères gras, je ne cache rien, je ne suis plus que le strict nécessaire. La neutralité obligée. J’ai cessé d’exister pour pouvoir atteindre un but, et j’ai déjà oublié de quoi il était question. Peut-être que j’ai juste attendu le printemps. Microbe efface, écrase, je suis les instructions en mode veille, et je relance les cinq dés, je secoue la boîte et réinvente la lettre, le mot, le geste, je joint le corps à l’âme, je casse des verres pour laisser de la place à la goutte qui fait déborder le vase. Plus vite ça explosera, plus vite tout sera à refaire. Les murs grandissent à une vitesse ahurissante, je pose mon corps sur le portemanteau, je m’assieds là. Nous sommes mercredi, mais le temps n’est qu’une faille immense, il faut toujours avancer, reculer. Je me pose. Dans le creux de ta main, en silence. Merci, merci. De t’imposer dans mon vide. J’aimerais revoir Lola, je veux un cadeau trouvé par terre sur le chemin, un truc immonde, un truc inutile, un mot dans ma boîte aux lettres. Là, tout de suite, je redécouvre. Le contexte se redessine petit à petit, j’écarte les murs d’un revers de main, et cours rejoindre ce que j’ai laissé de côté pendant tout ce temps. Microbe efface, écrabouille, il insère une nouvelle carte, ça sent le printemps. J’irai bien retrouver keeps et toutes ses galères, pouvoir être une béquille à hauteur de bras, qui fait pas mal sous les aisselles. J’irai te retrouver et te dire que rien n’est perdu, que c’était juste une entracte. J’irai me crouler sous le cuir du loubard, parce que je suis une lopette et que j’ai plus la force de me donner des excuses, tout le temps. De discourir sur le pourquoi du comment de mes moindres faits et gestes. L’improvisation reste ma dernière chance. Et tant pis, je ne retiens personne.

[ 27 mar. ]

Je veux dire, bon. Légendes en vertes, schéma simplifié d’un système bien trop compliqué, le titre nez en rouge. Fucked up again. Tracées à la ligne, des rayures, des ratures, recommence, et puis recommence encore, tu verras. Ca n’ira toujours pas. Le carré parfait n’existe pas, non vraiment, pas plus que la ligne droite, c’est l’infini ou rien, et bien trop souvent, ça n’est rien de plus qu’une putain de ligne droite. Les carrés ne sont rien de plus que deux triangles assemblés l’un à l’autre. Encore faut-il qu’ils soient isocèles, gare à toi si l’un des côtés est plus long que l’autre, c’est tellement plus difficile à calculer. J’ai un devoir sur Apple à rendre dans moins d’une semaine, est-ce que je dois vraiment vous expliquer le comique de situation ? Il y a dans mes armoires des cimetières entiers de fantômes pendus à des cintres, aux épaules carrés, qui n’ont que le temps de pleurer, et ceux roulés en boule, et ceux pliés soigneusement, et ceux tirés à quatre épingles, tirés par les cheveux, oh mon dieu. Il y a, adossé au chapiteau, arborant tour à tour des airs bien trop familiers pour une visite si peu souhaitée, ce clown qui rôde aux alentours de l’heure où l’on passe plus ou moins de la nuit à la nuit, sans préambule, sans case départ, ni prison, ni rien du tout, juste. Une illusion, une île d’usure, une fissure. Est-ce que je dois encore vous démontrer par A + B que ceci n’est qu’une seule et même histoire à répétition, point. Ouvrez tous les livres, et les vôtres avant les miens, ils sont tous effacés, ils ne font que revivre, encore et encore. Les mots ne sont pas à mettre en cage, les écrits sont bien plus frivole que ta simple parole. Mais rien ne s’efface jamais, ne l’oublie pas. J’enterre à coups de fourchette les cendres au fond du jardin, mais le jardin, je ne suis même plus certaine qu’il m’appartienne vraiment. A force de vivre à deux mille six cents à l’heure, je finis par rompre tous les liens avec le réel, la fiction, je suis la septième dimension, bonsoir. En fait, je me retourne, je sursaute. Je te prends ma claque dans la gueule, je survis à coups de convictions auxquelles je ne suis même plus très sûre d’adhérer. Il suffit de voir les trous dans mes poches, ma tête n’est pas étanche, tu peux toujours essayer, j’ai la bouche qui dégueule. Le palpitant mis en orbite dans une lointaine galaxie donc je préfère taire le nom, je lapine ici et là, et quelque fois je m’entiche, et parfois pire, tu t’attaches, et alors là, tu vois. Paix à ton âme, et ça n’est pas juste une figure de style, oh. Oh ça non. C’est juste un schéma, un règlement intérieur. Un truc bien carré, tu me suis ? J’ai jeté mes organes vitaux, mon âmes, mes tripes, j’ai tout donné à cette ordure, pour qu’il s’en fasse un buffet royal. Pour que ça suffise à le garder près de moi, loin de toi, de vous, de nous, et putain merde fais chier connerie flaque de boue et turlututu. Non, je ne pense pas que vous ayez envie de savoir. Il ne me reste que Microbe, comme un disque dur externe, que je branche parfois pour mieux déconnecter. Un sucre de plus dans ton café ? Je suis la Berceuse pour t’endormir, tu veux voir comme je bluffe bien ? Et je compte, un, deux, trois. Bien sûr, je peux aussi vous dire que tout va bien. C’est bizarre, j’ai comme l’impression que tout le monde se pose cette même question en ce moment.

[ 26 mar. ]

Bienvenue dans l'univers des instants magiques
Où les rencontres éphémères
Se mêlent aux discussions philosophiques
Au marché des illusions, le marchand de sable vend du rêve...
A la preeeeesssssion !

On s'y perd, on s'y retrouve
On y cherche des repères
Mais toujours on s'y rejette
En se disant : "J'arrête !"
Demain... si tout va bien !
On se raconte des histoires
Impossibles à vérifier
Vraies ou pas, des fois
On sait même plus si on le sait.
En tout cas on y croit
Et très fort !
On s'enfièvre, ça transpire la passion
Plaisir de raconter
Ou de faire sensation ?
"Ça déblatère !
Ça désaltère !"

Tu parles beaucoup de tout ce que t'as fait
Mais tu feras jamais la moitié de tout ce que t'as dit
Et tu parles beaucoup
Tellement
Dis-moi comment et où
Tu trouveras le temps de te rendre sur la comète
Vérifier tes plans !

Au marché des illusions
Les soucis sont dissous dans de l'alcool bon marché.
Au marché des illusions
Les soucis s'oublient à la tournée du patron !

Tu te plains qu'tu fais tout à l'envers
Envers et contre tous tu découvres l'univers.
"Et quel univers !"
Un verre plein à craquer qui va bientôt déborder
Plein d'amour et de haine et de tout mélangé.
Et tu veux à tout prix
Sans effort et sans esprit
Des cents des mille
Les lauriers et les mille et une nuits
"Et t'en démords pas
Tu voudrais voir la mer s'ouvrir devant toi !"

Souvent t'as tort, et plus t'as tort, plus tu mens
Plus tu mens, moins tu t'en sors
Alors tu bois et tu trembles
Et plus tu trembles, plus t'as peur
Plus t'as peur plus t'en redemandes.
Et tu cries et tu pleures !
Quand le besoin à dépassé l'envie
Les feux de la rampe s'éteignent
Et laissent place à l'ennui
Et on croit qu'on oublie
Mais on n'oublie jamais vraiment.
Et à la fin de la nuit
L'angoisse a chassée l'euphorie.
"Mort de rire la veille
Pire que mort au réveil !"

Au marché des illusions
Y a des fois ça s'énerve
Souvent pour pas grand chose
Au marché des illusions
Ça finit souvent en tempête
Et parfois en chanson !

Babylon Circus - Au Marché des Illusions

Amen.

[ 14 mar. ]

Acte, deuxième, de l’infernale ascension du trop rien. Il faudrait savoir, mais moi comme j’ai pas de pièces dans ma poche, je peux pas faire pile ou face, et c’est sûrement parce que je suis déjà en train de la perdre. La face. Le yoyo glisse le long de ma colonne vertébrale, ça chatouille, ça vibre, ça hurle, et ça rie. A n’en plus rien comprendre, allez-y, perdez-vous dans mon ventre, c’est gratuit. Ca coince dans le bas du dos, j’ai tout un tas d’aiguilles plantées dans les doigts, appelez-moi Edward, sauf que non, Johnny Depp est quand même sacrément mieux avantagé que moi. Ce que je veux dire, c’est tirez-moi hors de l’eau, mais je dis juste d’accord, oui, non, je ne sors pas, sortir d’où ? Je ne suis plus nulle part, dans l’ordre alphabétique, on m’oublie. Ma carte d’identité a expiré depuis un mois, j’ai dépassé la date limite de mon existence, dommage, je me terre. Dix pieds sous terre. Au onzième, je redescends de mon petit nuage, n’est pas artiste qui veut, utilisez n’importe quel terme, celui qui vous chante le mieux, et j’ai beau le fredonner avec toute la volonté dont je peux faire preuve, « j’écris faux, je chante de la main gauche » (© Benoit Doremus). Alors voilà, je me retrouve sur la table d’opération qui est en réalité les genoux de la Reine Pourpre qui passe sa main dans mes cheveux. Je veux dormir, je dis. Et Microbe fais les cent pas, je repose ma tête avant d’attraper le tournis, cette horrible maladie à tendance migraineuse qui me terrasse les trois quarts du temps. Je veux bien à la limite, que mon corps tombe en morceaux, mais s’il vous plait, ne visez pas la tête. Il engueule, il fait tomber des papiers, il se prend le menton, il secoue ses bras. Bon, je l’ai sûrement mérité. Il y a tant de choses à faire ici, et tout ce fatras de merde à régler là-bas. Un aller simple pour la folie s’il vous plait, oui, oui. C’est à emporter. Ce que je veux dire, c’est ne vous en faites pas, mais je me tais, je me terre encore, plus profond. Ce que je veux dire c’est laissez-moi du temps, s’il vous plait. Mais ce que je dis ne sort pas de ma bouche, et je tombe dans les bras de celle que je n’ai pas revu depuis un an presque tout pile, et qui me fait sourire avec sa voix bizarre et ses yeux pas réels. Seul interlude réalité, point. Je pèche à la ligne, j’espère sortir un très gros poisson, un qui frétille, qui sent le chocolat. Je refais un café, que je ne remplis que petit à petit parce que j’ai les mains qui font du trampoline dans le vide. Je dis à Microbe, éteins-moi. Je dis à Microbe, prends le contrôle, fais péter la machine, si tu veux, fais de moi ce que tu veux, mais s’il vous plait, je dis. Je veux dormir. Mon dos n’est qu’une vague tige de roseau qui ne se résout pas à casser, mais qu’est-ce qu’elle plie. C’est la tempête vous savez, cherchez la métaphore. L’enfer c’est les autres, mais ces autres-là, c’est la seule fierté qu’il me reste. Debout à côté de moi sur sa trottinette motorisée il y a Marcie, Marcie qui est un des nombreux amis imaginaires que j’invente moi-même pour mieux les recycler, et en faire de potentielles aventures dont vous ne saurez jamais rien. Moi aussi j’ai des secrets, voyez. Il y a son œil bleu qui me regarde et son œil orange qui tricote dans sa bouche, ses cheveux sont rouges et ils ressemblent à du fil de pêche emmêlé, dis. Laisse-moi m’y accrocher, fais-moi faire le tour du monde, je t’offrirai un coin de ce paradis toxique. Marcie fait éclater une bulle de salive au bord de ses lèvres, et elle me tend la main. Je vous écrirai. A bord du Nouveau.

[ 12 mar. ]

Le champ de bataille fume encore, mes petits soldats gisent par terre, bouillonnant. Je relève les yeux, soulève mon casque. Au loin ? Je ne vois rien, regarde, ce n’est même plus le printemps. Derrière, le mur. Colossal, imposant, puissant, indomptable, le mur, avec ses douves, ses barbelés, ses canons pointés. Défense de s’approcher, et je hausse les épaules. Ce serait malsain de vouloir se retourner, mais je jette un coup d’œil dans les fissures. Fermé, archivé. Il faut passer à autre chose, peut-être. Une nouvelle métamorphose. Ne pas rester sur ses acquis, abandonner les parties inachevées. La vapeur me brouille la vue, ne t’en fais pas, je ne pleure pas, non. C’est la fatigue, tout simplement. Mes jambes semblent vouloir se dérober sous mon corps agité de spasmes, mais je me sens bien. Je regarde ce bordel ambulant qu’est le présent, je savoure l’odeur fumée qui se dégage de mes narines, j’avance. Je laisse traîner mon doigts sur le mur, il est râpeux, froid, et l’air est tiède, moite. Je continue, pose un pied devant l’autre. Un pas, deux pas, j’évite soigneusement les feutres débouchonnés, les flacons d’encre renversés. Trois, quatre. Les bandes de papier déchiré, les livres ouverts dont les feuilles tournent et tournent encore au gré du vent. Cinq, six. Les ciseaux sales, les règles brisées. Sept, huit. L’appareil photo à l’écran bousillé, les cartes mémoire saturées. Neuf, dix. Les cannettes écrasées, les sacs plastiques comme des fantômes. Onze, douze. Apparaissent quelques brins d’herbe fraîche, de la terre grouillante. Treize, quatorze. Des plantes grimpantes, folles, de la lumière, enfin. Quinze, seize, dix-sept, dix-huit. Je me met à courir, j’ai oublié mon prénom. Je suis pieds nus et ça fait frou-frou. Dix-neuf, vingt, vingt-et-un, vingt-deux, vingt-trois, vingt-quatre, vingt-cinq. Le rythme cardiaque s’accélère, j’ai les tripes qui courrant plus vite que mon ombre, que j’accroche avec des punaises à mon crâne endolori. J’ai les rotules brisées et le souffle coupé. Vingt-six, et plus rien. Microbe serre ma main, je reconnais l’endroit à l’odeur, ça sent l’heure du goûter. Minus fait des châteaux de sucre, et Clémentine s’occupe des cauchemars. Les lapins envahissent ma boîte cérébrale, ils sont plus de cent, de mille, quelques millions, peut-être même. Le jardin zen du n’importe quoi, le labyrinthe fou des lapins schyzophrènes. Un carré de chocolat se glisse entre mes lèvres, le mobile d’étoiles s’agite au-dessus de leur tête, réussir à tout prix. Microbe m’expose un tas de feuillets froissés devant les yeux, il parle avec ses mains, comme toujours, tellement que je me demande vraiment si elles ne finiront pas par se détacher de son corps. Il me dit Alors ? Je ne sais pas. Je tire à pile ou face, je fais plouf-plouf, un, deux, trois. Soleil. Pluie. C’est toi le chat. Chapeau bas, tout ce que tu voudras. Moi aussi, j’aimerais bien un manuel d’utilisation, mais que veux-tu, j’ai la bétise dans la peau, elle m’a mordue en pleine nuit. D’ici je ne vois plus rien de réel, je me demande, à partir de quand, est-ce que ça peut devenir dangereux ?
« Qu’on est bien seuls pour une fois, qu’on est bien partis pour une danse, ça ira pas plus loin, tu vois. J’ai accepté par erreur, ton invitation. » ©Louise Attaque.

[ 8 mar. ]

Oui, bon. Absence. S’abstenir, de parler. La tête comme une essoreuse à salade, composez-moi du verbe, écrivez-moi une partition de grand n’importe quoi, allez-y, vous n’aurez pas pu mieux faire. Le monde se remet à tourner dans le mauvais sens, ne pas s’étonner, les aiguilles d’une montre, ah oui. Si j’en avais une. Le temps fait sa mijorée, j’avais cru au printemps, je crois qu’il revient. Par intermitence, attends-moi au tournant, il y a des interférences, tu m’entends ? Je ne me suis plus. Les mots s’échappent trop vite, je me sens bête, alors je ne parle plus. Tu comprends mieux, maintenant ? Ca ne fait rien. La reine est tombée à genoux, menton contre terre, sa carcasse fragile, cassée, le haut en bas, je la serre fort, et jure d’en prendre soin. Oh, je ne dirai pas que tout va bien, j’ai toujours ce truc dans ma tête, ce truc tout bête. Tu t’inquiètes trop, qu’ils disent, toujours dans leur ombre à guetter le moindre assaut, je n’y peux rien, tu sais, c’est quelque chose de maternel qui n’a jamais vraiment répondu à l’appel. Une secousse dans les yeux, le soubresaut infernal. Je suis désolée, oui. Petit Prince se mange des gamelles dans la capuche du lutin farceur, prenez-lui tout, mais quand même laissez-lui son chapeau. Le plateau de jeu fait la danse du ventre, et tout s’écroule, je tente de rattraper le coup, je vends les mots et donne tout ce que j’ai, le reste. J’aimerais bien, j’aimerais bien. De la soupe à l’alphabet sucré sort de ma bouche fraîchement débarbouillée, merci maman, pour le dentifrice au goût de grand-mère. Le petit objet tout cabossé contre ma hanche, je trifouille dans ma poche, et retient la boule dans la gorge, je fais du yoyo émotionnel, c’est troublant. Et quand je ne sais plus quoi dire, je m’enferme dans mes bibles fracassantes, les génies du réel ont toujours raison, au moins une chose qui ne changera pas. Je remercie Palahniuk tous les soirs avant de m’endormir, ou presque, je me dis qu’au moins, on peut s’en sortir. Mon pion tremblotte, et Microbe fait de son mieux, si je bluffe ? Oh, je ne sais plus, de toute façon, quoique je dise, ce sera toujours d’une chose son contraire, et inversement, coche la case que tu préfères, je n’espère qu’un sourire. La tête haute et les mains dans les poches, j’embrouille mes ficelles délibérément, qui m’aime me suive, et les autres en vinaigrette. J’en ferais des crèpes, moi, de ces ovaires putrides et il y a des grenouilles sur la cuvette qui recrache du bleu, dis, est-ce que je peux ? J’aimerais revoir l’amer. Des grains de sucre collés autour des lèvres et des poignets, des aiguilles plantées dans les doigts, je sais, toujours dans le sens de la montre, et regarde. Des lapins par milliers, ils se multiplient sans s’essoufler, il y a là-dedans quelque chose de familier, enfin de quoi respirer. Je laisse tomber mes tentacules bleues sur ton épaule, raconte moi encore comment tu es arrivé sur l’île, raconte moi l’odeur, des raviolis au p’tit dej. Se laisser aller, se laisser gagner, posséder par les vibrations electrisantes des airs de guitares, de contrebasse, de trompettes, de piano, de tout ce qui se mange, j’en veux encore.

[ 18 fev. ]

S’il est sûr que toutes les bonnes choses ont une fin, il est tout aussi incontestable que les mauvaises choses commencent toujours un dimanche. Pour finir mardi soir, mais ceci est une autre histoire. Cinq dés dans un gobelet, devine ? Tu bluffes. Je veux les violets, et tu sais quoi, je veux gagner. Non, je veux juste vous faire perdre, c’est une autre paire de manche, une autre tasse de thé. Une théière minuscule et du thé londonien, dans une petite boîte rouge en forme de cabine téléphonique. Combien voyez-vous de messages subliminaux dans cette phrase ? Londres reviendra bientôt, dans un petit carton avec un timbre dessus, et même une adresse, la mienne. Ou la tienne, comme tu veux. Je la prête à qui veut. Perchée sur la balançoire, je flirte avec le soleil, je me demande dans quelle direction, et puis finalement, on verra bien. Je joue les filles en bretelles et je mise sur les petits dessins sur les dés, et je fais des vingt-six sur toutes la ligne des scores. Je ne veux pas de chien, mais j’aime bien manger des céréales devant la télé en peignoir. On me demande de faire des tas de choses et pendant ce temps j’ai les poches qui se trouent et à peine de quoi me payer mon prochain repas. Au-dessus ça veut chanter la liberté, je rêve de choses minables, comme faire la queue pour les toilettes, ou à l’aéroport. Je perds la main, je le sens bien, j’ai perdu le bout de mon nez et je vois trop grand. Ma carte d’identité expire aujourd’hui et je me demande si ça veut dire que je n’existe plus, jusqu’à ce que je pense à me ranger dans leurs dossiers. J’ai envie qu’on me raconter beaucoup d’histoires, mais pas des salades, vous savez, j’ai envie de desserts. Et de cigarettes, les pieds sur la boîte à gants, la tête par la fenêtre, j’ai même pas envie d’y penser, tiens, et si je suis dans la merde jusqu’au cou, je peux bien laisser monter jusqu’aux oreilles, et après non parce que j’ai horreur des trucs dans les oreilles. Des petits défis que je me lance, d’y arriver tout pile, au dernier moment, la dernière enchère. Chiche ? Je m’évertue à recoudre les bords de mon pantalon, je redessine, réinvente, j’efface, je recommence. Et dans la gare il y a cette fille qui a ce trou au niveau du genou, taillé dans son jean à pas moins de cent vingts euros avec des ciseaux Maped® pendant son cours de maths, et je trouve ça minable. Les masques flottent au-dessus des étoiles, de toute façon, on sait tous que sur quinze dés, il ne peut pas y avoir vingt six. Alors merde, secouez dans les cordes, décrochez les étoiles, et remontez-leur les bretelles. Mais enfin, vu qu’on est dimanche, qui est-ce que ça étonne ?

[ 13 fev. ]

Sourire, un jeu d’enfant. Comme jouer à cache-cache derrière les nuages, laisser vaguer son âme au creux de la vague, s’absenter, pour mieux créer, raconter. Réinventer. Chaque chose en son temps, et maintenant, passons au printemps. Il fait beau, lève un peu ton nez, relève ta frange, tu vois ? Il fait beau. Je te l’avais promis. Ce n’est certes, pas le même soleil qu’avant, mais regarde. Il est là. Les nuits seront moins longues, à présent, le temps de siroter du crépuscule à la paille. Fluorescence de l’avenir. Ils en parlent comme on récite un paragraphe de livre d’histoire, ils m’ennuient, parlent en noir et gris, même pas de place pour le blanc de mes yeux, pas de place pour les paresseux. Dégage. Je m’endors quand ils parlent au futur, vingt-quatre images seconde, des rêves à deux cent à l’heure, c’est tout un monde. Qui se crée dans mes songes, tout une aventure, une fin du monde à gérer, le pouvoir de lire dans les étoiles, ah. Je ne vous le fais pas dire. Virevolter parmi les astres, aller cracher sur la lune, et s’enflammer les sourires près de la belle rouge, oui, je me souviens. La tête en arrière et les pupilles en bandouillère, je prends ta main bien serrée dans la mienne, je te montre, je t’emmène. Je papillonne de l’intérieur, ça explose en émotions, il fait beau, regarde un peu, il fait beau, ce n’est pas un hasard, et je sens bien que quelque chose se prépare. Dans mon propre dos, comme un air de nouveau, un air de fête, un nerf solide, celui du rire. Faire le culte d’une nouvelle religion : filles à poil, vodka, étoiles filantes, marins à rayures et mots croisés. Mausolée, c’est pour l’école. Investir dans des histoires drôles, pas question de s’engluer. S’empiffrer de crèpes au chocolat, de muffins et de Coca. Laisser parler, couler, dans une ambiance jazzy saupoudrée d’accordéon. Je savoure l’extase des violons. Pas un orgasme, mais presque. Il est important de se rappeler qui l’on est. De la bière à la cerise et une bague avec un gros diamant violet. Acceptes-tu de ne jamais m’épouser, chérie ? Demain nous sommes le quatorze, et encore aucun drame n’est survenu, juste la nausée, du matin au soir. Ca t’apprendra, à faire l’éloge du goûter. Sale mioche. De profil je peux jouer à faire des bébés, mais sans les bébés. Et tant mieux, parce que je compte avoir encore le temps d’attraper le cancer des poumons, du foie et de l’amour, en crever pour de bon et devenir riche. Ou pas. Troisième looping, je jette mon dernier neurone dans l’espace intersidéral et je repars. La vie peut continuer, et les autres peuvent bien mourir, je suis le maître des étoiles avec un bol chinois sur la tête, j’irai cracher sur les tombes qui vous servent de visage, attacher vos ficelles au wagon et mettre en marche le train fou. On ne badine pas quand il fait beau.

[ 7 fev. ]

J’ai regardé derrière moi, pour être sûre de savoir où j’allais. En fait, il s’agit juste de procéder par élimination, c’est la figure de style de ceux qui ne prennent pas, de décisions. Au bout d’un moment, je m’étais dit qu’il vallait même mieux prendre la mauvaise, et s’il y a une voix dans ma tête qui me hurle dans les oreilles, je l’enverrai valser sur la lune, peu importe, il n’y a que comme ça que ça pouvait marcher. On m’a demandé si je regrettais, j’ai dit non. Plus tard. Choisir de travers. Comme tout ce que je fais, de travers. Une bonne résolution, sauf que. Et s’il n’y avait ni bon, ni mauvais choix. Et si tout ça, c’était comme une partie de dés ? Alors je relance, à toi. Il y a des flèches pointées vers moi, des gros néons de catastrophes, je suis Alice et je dois retrouver mon chemin. Mais voilà, moi je m’arrête pour prendre le thé avec une cinglée et un lapin fou. Il y a un rat dans une théière et même des morceaux cassés qui jonchent le sol, ça s’enfonce dans la plante des pieds, c’est affreux comme douleur, mais le thé y est bon. Je m’installe sur ton corps comme dans un fauteuil en velours pourpre, j’enfonce mes coudes anguleux dans tes acoudoirs si moelleux, mon dos se laisse caresser par le tissu rugueux et sombre, ma nuque encastrée dans les moulures en bois. Si douces.. Il y a une dame dans le métro qui se fait écrabouiller dans le passage parce que voilà, elle ne peut plus marcher droit, il y a sa cane qui voltige contre les panneaux publicitaires, et les gens, les gens.. Je prends les flèches qui m’entortillent et je les poignarde silencieusement. Et si j’ai si peur de grandir, ne me demandez pas pourquoi. On me demande d’acquérir la maturité nécessaire, je me demande si ça concerne les six milles euros dont il est question sur le contrat. En attendant je fais des boîtes en papier mâché, je laisse traîner la casserole pleine de colle, je m’englue les doigts et je peux même y goûter, c’est juste de la farine, vous savez. J’en fais même d’autres, je réinvente. Et comme tous les ans, je sors le gros livre rouge de sous la poussière, je m’enroule dans les pages noircies de fous, je les aime un par un, je les salue bien bas, comment ça va, depuis le temps ? Nous sommes envahis par les lapins, les astronautes et les coloriés. La folie, comme seul échappatoire. Je me délecte à chaque frisson de page, Microbe s’accoude à mon épaule pour lire aussi, puisque c’est de là qu’il vient. Comme un besoin vital, de le relire souvent, à cette même période, un hasard ? Je ne sais pas. C’est tellement subliminal, tout ça. J’ai besoin d’étendre mes membres sur le fil, de sécher au soleil et de souffler un peu, je me mets au bout de la pêche à la ligne, je mords au hameçon, allez-y tirez. Faites ce que vous voulez de moi, surtout, ne vous gênez pas. Je ne suis plus autour, de toute façon, je suis à l’intérieur, vous pouvez toujours parler, j’ai les oreilles qui bourdonnent. Si vous me cherchez, je suis au fond de la petite forêt, dans la cabane en carton, sous le saule pleureur, je joue aux cartes avec les mômes et on écoute Bobby Lapointe. Alors l’avenir, je vous le dis, moi. Tagada tsoin tsoin.

[ 4 fev. ]

Mots fléchés. Les oui, non, les. Je ne sais pas. Croisez-moi tout ça, et rappelez-moi une prochaine fois. Une impression de déjà-vu, de schéma trop répété. Lasse, fatiguée. Je te flèche, tu me fâches. Je rêve de sauver le monde, puisque personne ne se bouge pour le reconquérir. De pouvoirs étranges, de sauve-qui-peut. Le clown tente une attaque un peu trop facile, je te croise, tu m’enlaces. Tu ne dors pas tant que j’ai pas compté jusqu’à trois, tu m’entends ? Non, tu dors déjà. Sous le signe des étoiles cachées, des constellations croisés. Des histoires répétées en boucle, car si je n’aime pas les schémas qui se prélassent sur nos chemins, j’aime bien celles que tu me racontes sans cesse, puisqu’elles sont les nôtres. Sans queue ni tête. Depuis combien de temps ? Oh, depuis quatre printemps. Imbéciles. Et elle, elle a même pas de sourcils. Imbibée du ciel, je pars tête la première, je lance les dés, au plus offrant, je garde les six, et perd la mise. Cinq vingt-six, et. Mat. Il n’y a rien à comprendre, il n’y a pas une race, de gens qui s’en sortent, il n’y a pas une trace, de votre passage sur mes sillons. Mes cigales désertent, ici c’est toujours l’hiver. Je chausse mon bonnet et en perd les aiguilles. En retard. Pour essayer de rattraper le coup. Je crayonne ici, là. Je dégomme. Je dois sauver le monde, dotée de pouvoirs incongrus. Le secret des étoiles, la tête plongée dans un bocal chinois. Le liquide étrange et visqueux, un peu sucré, bien trop lucide. Je comprends. Le clin d’œil pernicieux de la réalité dans les rêves subliminaux, Microbe tente un ultime assaut dans l’Impossible. Fais un vœu, je vole. Le peuple de l’Etoile crève pour conquérir le monde, la tête dans la cuvette, je sauve ta fièvre et vend mon âme au diable. Je la retrouverai plus tard, je troquerai autre chose, ma conscience peut-être, si je la retrouve. Imbéciles heureux. Manger des chips à la crevette et des triangles épicés, regarder le monde au fond du canapé, devenir le centre de gravité de gens inconnus, et faire tourner, faire tourner, le secret des étoiles. Qui trônent au dessus de mon front. Apprends moi les points d’interrogations. Qui es-tu ? M’entends-tu ? Je ne dis rien. Je connais à peine ton prénom, il y a tant de questions. A se poser. S’autoriser un détour, la douceur des mots nouveaux. Raconte-moi comment c’était, avant, qu’on se marre. Puisqu’il vaut mieux en rire, et surtout du pire. Sauter sur tes épaules, pendre mes jambes à ton cou, goûter la morsure d’une promesse sans soupirs. Et quand viendra le moment, je t’enfoncerai mes coudes dans le ventre, pour te réveiller, et quand viendra l’heure du réveil. Grenadine et crépuscule.
Toutes ces conneries qu'on raconte sur l'amour, toutes ces sornettes comme quoi ça fait du bien, il paraît même que c'est l' propre des humains, il paraît qu' ça rend heureux, qu'on a rien trouvé d'mieux.. Et moi j’y crois, quand j’te vois, en face de moi, que ma tête me crie tout bas.. © Mano Solo

[ 31 jan. ]

Il y a la fenêtre grande ouverte, et les gouttes de pluie qui glissent le long, qui tombent sur mes vieux dessins, et je me dis que ça tombe bien, au moins comme ça on dira plus qu’ils sont pas propres. La petite tête de Minus dépasse à peine le rebord, il a le nez contre le ciel et il parle aux étoiles. Clémentine fait briller son étrange lumière autour de moi, il y fait peut-être froid mais c’est quelque chose de familier. Elle était déjà là que je suçais encore mon pouce, j’avais même pas son âge et je l’aimais déjà. Au fond, peut-être n’est-ce pas un hasard si ces filles au prénom sucré ont toujours eu beaucoup d’importance dans ma vie. La cigarette se consume comme on taillerait un crayon, et pendant que la fumée effectue son ballet autour de mes doigts frigorifiés, il y a dans ma gorge un truc qui se forme et qui fait tantôt une boule tantôt un rire, et parfois même que ça donne envie de vomir. Mais ça, c’est juste que je mange trop. Combler un vide, puis essayer de l’identifier, se plaindre du temps qui passe et des sourires qui se tassent. Ca a toujours été comme ça, à cette période de l’année, il y a toujours eu quelque chose pour clocher. Une case à cocher. Une décision à prendre, et souvent même plusieurs, et à force de s’appuyer sur le mur de ma fenêtre, j’ai oublier comment on faisait pour tenir tout seul. Avant, j’étais toujours la moche. La moche et la folle, et la seule chose que j’avais pour moi, c’était mes dessins. Ah ça, ils se taisaient, pour sûr. Mais depuis que le bizarre est devenu tendance et qu’on me trouve jolie, alors forcément quand je montre mes dessins on me dit va voir ailleurs si j’y suis. Je ne baisse pas les bras, tout est question de saisons. Quand reviendra le soleil, alors peut-être que j’irai avec Keeps fouler l’herbe de La Villette les doigts pleins de chocolat, et il y aura la musique. Oh, si seulement tu étais là, alors on irait au cirque, tu me tiendras la main, et j’aurais pas peur, tu me raconteras ces histoires de fourmis, de gros chats, je te parlerais de chez moi, au fond, là-bas. Avoir peur à deux, c’est comme faire un petit voyage. Prendre le train, encore une fois, passer le pont, te serrer dans mes bras. Puisque la seule chose qui compte, c’est le creux que forme ton sourire sur tes joues, c’est de faire des listes de courses pour dans cinq ans, dix ans, vingt ans, acheter ces petits gateaux aux pépites de chocolat pour le petit déjeuner. J’ai toujours détesté les projets d’avenir, ça m’a toujours fait dégueuler. J’ai pas toujours eu de la chance aux jeux, j’ai juste fini par foutre la merde, et inventer mon propre jeu, m’engager dans la partie la plus délirante qui soit, et m’en tenir à tout, sauf aux règles. Des secrets, j’en ai plein les dés, et des mensonges, j’en ai plein ma communauté. Ici, tous les pions trichent, de la manière la plus fourbe qui soit. Si quelqu’un doit me poignarder dans le dos, alors ce sera forcément l’un deux, et pourtant c’est les mieux. De toute façon, un jour c’est sur, je l’ai promis, je trahirai tous mes amis. C’est déjà fait, tant pis. Avant, je me demandais comment on ferait pour s’en sortir, maintenant je sais que c’est juste une affaire de dessous la table. Suffit de faire la banque. Quand je serais trop proche du mur alors je changerai les dés. De toute façon, ma vie à moi, c’est un peu comme ce vieux jean crasseux, que je porte au moins huit fois par semaine, celui qu’est là depuis la nuit des temps, et qui, s’il savait parler, vous en raconterait des vertes et des pires encore. Il a plus de trous que de tissus, et en a perdu toute sa couleur, tout ce qui reste, c’est la trace de quatre ans en bandouillère, tous mes amis et tous mes problèmes, tous mes voyages et toutes mes galères. Mes plus beaux ramassages de gueule. Et si parfois je marche sur les bouts qui piquent, et qu’après ça fait une petite trace rouge dans ma chaussette, j’ai qu’à dire que c’est à cause du mardi, puis ça passe tout seul. J’admire ceux qui continuent à croire. Même trop. Trop, c’est bien. Au pire, je pourrais toujours devenir blonde, et m’inscrire sur MySpace music.

[ 30 jan. ]

Grise. Ni blanche, ni neige. Même pas noire, non, juste grise. Comme une grille de mots croisés, maux écrasés, étouffés, poumons encrassés. Regarder les yeux plissés. Des envies au goût de feraille, les convictions qui partent à la casse. C’est la grisaille de l’envers des sourires, bienvenue dans Paris. Ce ne sont que quelques réglages à faire, fais-moi sauter les boulons, brûler les étapes, griller les fusibles, fais-moi péter les plombs, tiens, à quoi joue-t-on ? Ce n’est pas nouveau. Gribouiller, enrager de s’apercevoir que tout reste à l’état de brouillon, regarde, il n’a toujours pas de prénom. Trifouiller dans ses propres ficelles. Partir pour le vide, s’en aller nulle part, tout balancer par le vent, attendre la pluie. Remettre en question chacune de leurs réponses, courir après les incertitudes, car ce sont les plus réconfortantes. Page grise, fièvre pourrie. Clouée au lit. Ah mais ce n’est pas grave, c’est juste avoir peur de mourir, c’est si triste, de se dire qu’il n’y aura pas d’autre partie, alors quoi ? Game over ? Tu rêves. Je prendrai ma valise et je recommencerai à faire pipi au lit, peut-être qu’on ne se reconnaîtra plus, est-ce qu’on s’aimera toujours ? C’est quelque chose à laquelle je n’ai pas envie de réfléchir, pourtant ça me prend par surprise, par la taille et ça ne s’en va pas, pas avant de me vider les entrailles. Ca n’est rien, si tu savais comme je vais bien. C’est même pas l’angoisse de la page blanche, c’est gris, c’est tout. C’est pas dans les extrèmes, c’est pas dans mes cordes, je ne sais faire que l’enfant, je ne mesure pas, c’est trop grand, ça tombe sur mes genoux. Même pas écorchés. Alors on ira toucher les étoiles, à bord du wagon fou, dégommer un peu tout ça, et oublier qu’on ne sait pas où on va, ou alors beaucoup trop, et si c’était ça qui foutait vraiment les jetons ? Remets-en un, on y retourne. Ca ne fait rien. On ira même là où il fait beau, on attendra sur le banc, on chantera le printemps et j’aurais des cailloux dans les chaussures, que tu m’enlèveras en me parlant d’après. Dans ta bouche, ça sonne bien, alors dans un sourire, j’ai envie d’y croire, ça fait un echo à suivre, quelque chose à envisager. La coïncidence vibrante, Neverwhere. Je m’assieds devant le panneau, à l’entrée de ma tête, Minus me dit qu’il est peut-être temps, de s’y remettre vraiment, ne plus s’en mordre les gencives, et puis Microbe saura quoi faire, le temps venu. La chaleur de ton corps, l’odeur familière du rien à foutre. On va tout faire péter, et on ira danser.

[ 25 jan. ]

Quelques fois quand même il y a ces imprévus. De dernière minute, et pardonnez-moi l’expression, mais cette fois, c’est pour de vrai. Enfin, ne pas savoir, se faire surprendre, et se surprendre soi-même, ne pas s'y attendre, conquérir le monde, ou du moins la semaine, lui donner un air de fête, un petit air de changement. Organiser une vraie fête avec des olives et du fromage orange. Devoir s’en aller, et finalement, rester. Profiter de la capitale en mon absence, rendre les mardis moins ennuyeux, les soirées moins annulées. Revoir Que-Sais-Je, et les autres. Surtout toi, d’ailleurs. Quelques cheveux de plus sous le tapis de bain, ce serait presque un mausolée. Remettre sur le tapis d’anciennes règles qu’on aurait préféré oublier, et puis tu sais, en fait c’était pas si bien que ça, finalement. Peut-être que j’étais jeune. Ou juste stupide. Ou les deux. Dans ce cas ça voudrait dire que j’ai grandi, ils n’ont de cesse de me le faire remarquer. Il faudrait relativiser, se dire que c’est pas si grave, et après tout, qu’il n’y a que comme ça qu’on réussit. Réussir quoi ? Quelle direction, quelle marche à suivre ? Marche ou rêve. J’ai choisi de rêver, de rêver de choses fort étranges, bien trop réelles, et si ? Non. Je fais semblant de ne pas remarquer ce qui pendouille sur les côtés, ce qui me tombe dessous le nez, ce qui menace de se casser. J’ignore le reste et je prends les mains qui sont proches de la mienne, je souffle dedans, j’y dépose un peu d’espoir. Que tout s’arrange, d’ici peu. J’y mets toute mon énérgie, à essayer de ne pas refaire les mêmes erreurs. Est-ce que j’ai grandi ? Non, mais j’ai compris. Quelque chose d’essentiel, et pourtant j’arrive pas à mettre le doigt dessus. Frustration et pulsations. De tes envies contre mon ventre, j’enroule une mêche de cheveux, distraite. Tu me demandes comment je fais, si tu savais. Je lâche parfois quelques bribes, comme ça, je me rappelle et les sourcils se froncent. Je me rappelle aussi des bonnes choses, mais tout ne s’efface pas. Rien, pour être plus précis. Je fais juste un ménage de pré-printemps. Parce que je l’attends toujours, de pieds fermes. J’attends ton retour, et celui des hirondelles, j’attends que le temps passe, et me réjouis en secret de savoir que tu ne m’effaceras jamais. A l’envers et en bleu, je trace mon chemin, brouillon exquis. Des canards en plastiques et des gobelets renversés. L’ivresse du beaucoup. Je me laisse couler, je te donne la clé, je te fais confiance. Il y quelque chose dans ma tête qui sonne l’alerte, et encore une fois, j’ai choisi de n’en faire qu’à la tienne. De tête.

[ 14 jan. ]

Ce n’est pas une coïncidence, si on écrit à chaque fois les mêmes jours de la semaine, chaque semaine qui passe. Ce sont juste des jours pourris. Le genre de journée où on ne fait rien de productif, ou celles où on se prend une question existentielle en pleine poire. Ou alors, tout simplement. Les dimanches. Les nuits blanches. Vestibule à confessions. Arrêt sur orage, non ça ne va pas, là. Ca ne va pas, stop, arrêtez tout ce cirque. Mon trapéziste est mort. Rien de grave, mais quand même, faudrait rien laisser derrière soi, que ses mauvais souvenirs et les trucs qu’ils vaut mieux oublier, vous savez. Et encore. Ca peut servir, plus tard. Un bon coup de pied au cul, pour se rappeler que par ce chemin-là, c’est pas bon, qu’il y a un mur au bout et qu’à moins d’avoir autant de chance qu’Alice, on tombera ni sur une chenille magique, ni sur un champignon rigolo. Pas de case bonus, par ici, mais par là, on n’a jamais essayé. Pourquoi pas ? Par peur de se mouiller, peut-être. Ou juste, par peur de ne pas y arriver. Bon, d’accord, je te le concède, il me reste autant de points de vie que SuperBombeman bloqué entre ses propres bombes, et alors ? On va les pousser, ouais. Et on va passer, on va jouer des coudes, on va défier la vie à un jeu que l’on connaît bien. Les cartes. Les malices du Joker pour esquiver, les bienfaits de l’As de Pique, parce qu’il est fort, et assurer les arrières du Valet, en le propulsant loin devant. On va jouer à un jeu, et c’est moi qui commence. Je vais faire la banque, et je me réserve un pourcentage sur chaque sourire que chacun fait naître de son côté. Mega Bonus à chaque combat gagné. Trésors à piller et parties de billes sur l’autoroute. Tu te défiles ? Eh bien d’accord, reste-là, moi j’avance. A plat ventre, et la tête qui cogne, la gorge qui brûle et les yeux aveugles. Jamais grandir n’a été un concept aussi flippant, mais tu sais quoi, je connais un autre chemin. Parler avec Minus, le soir, à la fenêtre aux étoiles, et puis tout laisser couler, en secret, en silence. Le silence est le plus beau menteur, mais aussi la plus lourde des verités. Le silence hurle, et si tu le fais pas taire, alors il prend la gorge et il fait des nœuds avec, et va falloir y mettre toute sa bonne volonté, pour le dénouer après. Il va falloir du temps, avant que j’y arrive. Il va y en avoir, des choix en suspens, dans mes boîtes en carton, que je referme d’un coup de pieds, saucissonnées avec les ficelles qui pendent derrière moi. Y a que quand je dépasse le stade de fatigue que j’ai plus peur. Y a que quand tout se casse la gueule, qu’on s’y met. On est vraiment pas sérieux, après dix-sept ans. Manger des cornichons et des gateaux fourrés aux pruneaux. On est dimanche soir, passé de beaucoup d’heures. J’attends l’échéance. Les étoiles corrompues. J’ai honte. Mais quoi ? Laissez-moi tempêter. Vous m’embêtez. Et bordel, à quand le printemps ? J’attends, tu sais. J’attendrais de pieds ferme, l’existence en suspension, tu sais quoi, même s’il ne se passe rien. Je préfère ne pas risquer ce que j’ai déjà perdu. Ah oui, vous pouvez rire. Mais attendez, attendez que j’ai chanté, vous allez voir comme je danse bien. L’espion dans la fourmilière. Peut-être qu’un jour je comprendrais, et peut-être qu’un jour, je dirais je sais. Ou pas.

[ 8 jan. ]

Mardi, que pourrais-je bien faire de toi ? Tu ne me sers à rien et tu me fais mal dans le bide. Jamais on n’a vu pareil jour depuis l’invention du dimanche, qui nous avait pourtant déjà donné bien du fil à retordre, et toi tu arrives sur le tas, et voilà. De lundi, minuit, à mardi, vingt-trois heures cinquante-neuf. Croiser les doigts pour que mercredi, ce soit le jour du reste de ma vie. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà qu’on est en janvier. Tu te souviens de janvier ? Bien sûr que oui. Il revenait alors que j’étais déjà partie bien loin, toi tu faisais la tête et je n’en menais pas large. Ils nous disaient déjà, qu’on ne s’en sortirait pas, du moins pas comme ça, si on se tourne les pouces chaque année en attendant le temps des cerises, celui qui chatouille les orteils. C’est fou, et dire qu’eux, ça fait cinquante ans qu’ils se tiennent la main, moi en un an j’ai eu le temps de changer quatre fois de couleur de cheveux, et d’avis plus que de culottes. Mais je me lasse des schémas. Ca me rappelle cette époque stupide où, à l’école, on nous demandait de sortir règles et stylos quatre couleurs, pour dessiner des cases et des traits, avec des légendes en vert et les noms en rouge, et en capitales. Et le orange, dans tout ça ? Je passe mon temps à attendre Halloween, croyant qu’il n’arrivera jamais, et puis parfois, pendant la nuit, quelques messages subliminaux. Et le rouge, parlons-en, tiens, du rouge. Il est là, projeté sur le mur, en grand. Une fois, trois, et puis dix, et puis douze. On demande qui a peur des clowns dans la salle. Deux mains se lèvent. Parce que oui, c’est normal d’en avoir peur, quand on est petit, qu’on a peur de tout et du reste. Mais là, maintenant, je veux dire, qui a peur des clowns ? Je serre Microbe contre moi, je compte, un, deux, trois. Alors heureusement, quand même, le mardi il y a les gaufres au chocolat, celles à deux euros cinquante chez l’épicier du bas de la rue. Chaque petite forme rouge un peu circulaire me donne la gerbe, en fait, la couleur rouge elle-même me serre la gorge. Il faut faire quelque chose, oui. Mais quoi ? Le pacte est scellé, il va falloir attendre. Il y a cette fille dans le métro, celle qui pose son doigt sur mon nez, et qui m’appelle par mon prénom. Je la reconnais, enfin non, je reconnais vaguement ses yeux, et son sourire timide. Elle me parle d’avant, et je ne sais même plus jusqu’où ça remonte, du début à la fin du trajet, je cherche désespérement son prénom, puis abandonne. Les inconnus les plus intrigants sont ceux que l’on a déjà rencontrés. Et il y a cette autre dame, qui me sourit. Moi on ne me sourit jamais dans le métro. Je lui adresse un clin d’œil magique. Celui des anges, des anges qu’ont mal au ventre. Faire tinter les clés dans le fond du sac, entre les billes et les stylos de couleurs, retourner dans le cocon des fantômes et des pantins détraqués, manger des cacahouètes et s’entraîner les pouces sur des jeux débiles. Sentir cette oppression au dedans, comme une explosion de violons, et de contrebasses, celle qui arrive après le hasard. Portrait chinois, définissez-vous. Un animal ? Le poisson rouge. Une couleur ? Bleu électrique. Un élément ? L’orage. Une chose ? La pulsion. Oh, c’est beau, une pulsion, ça vous choppe par derrière, par la nuque ou au bas du ventre, ça vous tire par la langue, et le plus beau des plaisirs est de se laisser entraîner. Le truc avec la tentation, c’est d’y céder. Court-circuiter, comme un sourire hésitant, comme des envies. De conquérir le monde. Convulsion et déraison. Il est revenu, le temps. Provoquer. Et au diable, les schémas, demain on est mercredi, et c’est le premier jour. Du reste de la semaine.

[ 7 jan. ]

Oh, regarde. Lundi minuit. C’est drôle, il n’y a pas de zéro sur les dés, coïncidence ? Est-ce que ça signifie qu’on ne perd jamais vraiment ? Sur les cartes non plus. Et le Joker, qui n’a aucun chiffre, aucune lettre. Ah, il se croit malin, ce joker, à déjouer les silences, à se jouer des discours. Coudre du verbe à même la peau, à même la chair. Avec les dents. Revenir, pour commencer, cela va de soi. Revenir, à la poêle, faire frétiller, frissonner, y aller sur la pointe des pieds, tatônner, se perdre dans la peur, et puis plonger, pourquoi pas. Le grand saut, vers la nouveauté, y aller pieds joints avec tous ses fantômes, enroulés dans la tiédeur froide des chuchotements de la nuit. S’entêter, questionner, pourquoiter. Je ne sais pas. Non, vraiment, je t’assure, je ne sais pas, pas plus que toi, je ne sais rien, je fais comme vous. J’y vais avec l’hameçon dans le bide, pour me ramener dans la réalité quand je me plante, quand je me gourre, quand je rature, quand je sature. Se tromper. De direction, se rentrer les uns dans les autres, se tromper de sourire, s’oublier. Mordre, crier, pleurer, piétiner, ordonner, vouloir, désirer. Plus que tout. Se regarder dans le blanc des yeux, derrière un rideau de ciel qui dégouline, finir à poil, dans ses mots, se raconter, avec une toute petite voix qui bave, qui transpire l’alcool. Actualiser. Faire le point, le point d’interrogation, faire l’étoile sur ta route, et se faire écraser, tiens. Ecrabouiller, gribouiller, transgresser. Tomber amoureux, et y rester. Tomber amoureux, et énerver. Oui, parce qu’on énerve tout le monde, quand on est amoureux, c’est bien joli tout ça, oui, c’est même très beau. De ce côté du miroir. C’est tout. Tirer cinq fois le même chiffre, avec cinq dés différents, du premier coup. Un hasard ? Non. Pas même une coïncidence, pas même un prétexte, allez, avoue. Microbe fait du blanc dans ma tête, je le sais, c’est lui, il laisse ses traces, mauvaise ombre. Je ne pense à rien, non, mais tout me hante, tout. Etouffer. Assassiner le mot, créer la liberté, s’engouffrer. Tu as toujours peur, là ? Il y a des mains qui se perdent, qui se tendent, la nuit, il y a cette main, sur la bouche, celle des anges, qui t’empêchent de parler. Interdire. Curiosité, comme je curiosite, tu cours si vite, que je n’ai qu’une seule envie. C’est de te rattraper. Toucher. Les étoiles ? Fastoche. Croire. Et puis après, lorsque le soleil se lève, retourner éplucher les patates, dans la petite cale du gros bateau. Toi, capitaine ? Laisse-moi rire. Pas plus que toi, pirate. Pas plus que moi, tu sais, pas plus que moi. La cigarette éteinte au coin des lèvres, le chapeau de traviole et le couteau à bout rond. C’est pas bien noble, tout ça, pas de quoi faire une belle histoire, comme une horloge à la place du cœur, mais moi tu sais, les heures, c’est comme les couleur. On croit qu’on a tout inventé, mais. Tout reste à faire. A continuer. A ton tour, à vos chapitres. Absconse, c’est un joli mot.

[ 20 dec. ]

Bien sûr il manque quelque chose, quand je me réveille le matin et que je ne me lève pas. Quand je me couche la nuit et que je me relève après. La fatigue ne veut pas se plier à mes ordres, elle me décède à petit feu et moi je fais celle qui dit que ce n’est pas grave. Au fond. Picasso et les fruits, vous connaissez ? Les fraises, c’est pas si bon que ça de toute façon, et ça a une forme de fraise, voilà tout. Moi quand je me lève des fois et que je prend ce wagon là, eh bien j’ai envie d’y aller jusqu’au bout, de sauter par dessus le mur et de voir ce qu’il s’y passe. Minus et Clémentine se cachent la nuit et viennent me rendre visite quand le soleil perce. Les bulles de mes revendications. Ils ont organisé une rave dans ma tête, sans blague, ça cogne depuis des jours. Des fois j’aimerai les rejoindre, mais c’est trop haut, ma tête, avec mes pied j’y arrive, mais il faut que je me tienne les orteils. Je me plonge dans la tienne, pour compenser, il y fait sombre mais il y a un feu de cheminée au fond, et même un siège pour moi. Je regarde autour, je laisse traîner mes doigts sur les murs, j’ai un peu peur que ça vienne me mordre. Il manque quelque chose, c’est certain. Quelque chose qui laisse un malaise ambiant, ce quelque chose qui fait grincer les murs, et leurs oreilles. Quelque chose qui fait que l’absence fourche, parfois. Reviens, qu’elle dit, la petite voix. Reviens, et ton canapé avec. J’apporterai des gâteaux et même des cerises, bien sûr que c’est la saison. Il y fera bon, et même que je te prendrai peut-être dans mes bras, et que je te dirai que je t’aime. Sale morveuse. Je regarde par la fenêtre, il neige même pas, vous savez quel jour on est ? C’est fou. L’année foirée, l’année raturée, celle qu’a pas sa place sur le plateau de jeu, celle qu’on secoue du bout du pied, parce qu’elle s’accroche. Ca serait comme si on avait tous pris le mauvais chemin. Moi quand je serais grand, je serais Recycleur. D’ami imaginaire. Je prendrai sous mon aile ceux qui servent plus et je les donnerai à ceux qui sont tous seuls. On a tous besoin d’une présence. Je crois. Un truc qui fait que dans le métro, on rigole tout seul, vous savez. Qu’il y a des trucs qui disparaissent dans la maison, comme les petites cuillères, par exemple. Ouais, et j’aurais une grosse usine en carton, je distribuerai des goûters et des craies. Heureusement qu’il y a toi, toi et tes histoires qui sentent la mer et les pommes d’amour. Et les filles du port, je leur ferai bouffer leurs ballerines, ouais. Et même qu’un jour je vous raconterai l’histoire des toilettes. J’ai rencontré un nouveau message, aujourd’hui. Il disait. « Ce soir j’en peux plus. » Ouais, nous non plus, tu sais.

[ 17 dec. ]

Minus fait passer sa tête par l’ouverture de la fenêtre, il attend. Qu’il neige. Il a jamais laissé fondre de flocon sur le bout de sa langue, il attend. Des petits cailloux colorés dans la mains, qu’il lancera sur les étoiles pour les décrocher, en attendant de savoir cracher loin. Elle, elle veut voir la mer, c’est pour bientôt, elle trépigne. Elle veut aussi un vélo, elle retourne la terre en quatre, mais je l’ai bien caché. En attendant que la fièvre tombe, celle dans ma tête et celle dans mon sourire, j’avale les comprimés oranges et puis les blancs, deux de chaque matin et soir, je m’allonge sous le saule pleureur avec tes cheveux qui me chatouillent le front. Je crois qu’il fait froid, ou bien trop chaud, je ne sais plus, j’ai le corps qui lache, c’était à prévoir. Du repos et beaucoup d’eau. Mais les enfants n’aiment pas l’eau, ni la salade. C’est comme un tube d’acrylique noir qui s’écrase dans mes rêves la nuit, un peu comme une maladie insipide. C’est pas ça qui va m’arrêter dans ma course, je suis juste à la traîne, comme d’habitude. Offrez-moi des cartons vides, avec du joli papier cadeau dessus, de toute façon en général, c’est ça que je garde. Et puis vous savez, j’aime bien les cartons. J’y range tous mes copains et même des fois je dors dedans, j’en fais des cabanes pour le goûter et après quand ils sont cassés je les aime encore plus, et je joue aux cartes dedans, je fais des tunnels pour les billes. Ca me fait un toit pour si jamais j’en ai plus, un jour. On sait jamais des fois que. Je trie les étoiles, j’enlève celles qui sont roses et si quelqu’un en veut, j’en fais cadeau. Je rêve que je fais des trucs et quand je me réveille j’ai des doutes, mais c’est sûrement mieux que de rêver de requins, je pense. L’odeur du pain grillé qui vient d’en bas, jusqu’à Lundi, midi. Et puis ouvrir le robinet et s’apercevoir, les mains pleines de peinture, qu’il n’y a plus d’eau chaude. Et sourire. Avaler un autre comprimé, faire une liste.

[ 12 dec. ]

Faire du vide. Gommer certaines ficelles, s’en débarasser pour de bon, sans regrets. Sans regrets ? Ou presque. C’est un peu comme déménager d’un endroit où on a toujours vécu, j’ai jamais coupé le cordon avec moi-même. A toujours tenter de retrouver ma trace, retracer mes pas, raconter. Essayer de trouver le noyau dur, l’extraire. Coquille molle cherche pluie. Les paumes noires et les genoux sales. Mes manches trempent dans un ancien pot à pinceaux, qui ressemblent maintenant à de pauvres branches laissées au hasard dans le décor. Je regarde le ciel au travers, pensées. Je dégotte une boîte avec une citrouille dessus, et quand je l’ouvre ça éclabousse. De la poussière d’épouvantail partout sur mes feuilles et même dans la prise, arrêt sur orage. Ce n’est même pas une métaphore, et toutes ces choses qui ne cessent d’apparaître quand je m’efforce de tout faire dissoudre. Je me donne trois ans de délai, c’est déjà beaucoup. Le reste, poubelle. Il ne faut pas que je me souvienne trop, il ne faut pas, je viens de me rappeler pourquoi. Ce n’est pas un hasard non plus, si je vous dis qu’on est mardi, non. Pas un hasard pour un sou. Venir. A l’envers des choses, et puis contre tout. Hausser les épaules à l’avenir, et même à demain. J’emmerde demain tant qu’il n’est pas aujourd’hui. C’est un peu comme les étoiles, on les regarde briller mais ça se trouve elles sont déjà mortes. Je trouve ça d’une cruauté.. Mais ça n'est pas tout. Achever les histoires en suspens, écraser des données, garder dans un coin, parce que ça peut servir. Faire du neuf avec du bancal, pourquoi pas. L’amuse-gueule du condamné. S’il vous plait, dessine-moi une boîte, une jolie boîte en carton, à déguster pour plus tard. J’ai comme envie de tourner le gaz. En fait j’aimerais une feuille blanche, mais je n’arriverai jamais à faire table rase. Tomber les masques. Souffler sur la poussière, devenir neutre. Impassible. N’est impossible que l’impossible, je l’ai toujours dit. Supposons deux entités, et trois, et quatre. Supposons que tout s’entrechoque, se superpose. Et des croûtons à l’ail. Il y a des choses qui ne s’oublieront jamais, et pour le reste il y a Chuck Palahniuk. Et grand mère, aussi. Parce que le monde pourra bien s’écrouler.

[ 6 dec. ]

Techniquement, on devrait pouvoir reporter les minutes d’une journée à une autre. Vous savez, celles qui ne servent pas, qu’on a oublié d’utiliser, celles qui nous sont passées devant et qu’on a juste regardées défiler. On devrait pouvoir choisir. Je ferais de ma vie un vague morceau de pâte à modeler, d’une couleur douteuse et à l’odeur imbuvable. J’en ferais des petits bonhommes et je les écraserais sous mes semelles, je ferais le dinosaure en plastique, celui qui a un serpent dans sa botte. Ca me donnerait du temps pour regarder les arbres et aussi pour souffler. J’ai la tête qui fait une digue avec le reste, ça m’étouffe les derniers neurones survivants. Ca me fait bégayer, je sors des mots au hasard, dans le désordre, c’est embarassant. Les cinq sens qui jouent à la chaise musicale, c’est du. N’importe quoi. Appuyez sur la touche deux pour réécouter. Appuyez sur la touche étoile. Du vendredi au dimanche. J’ai la ponctuation en mode veille, le regard indécis, je ne sais pas, plus, je n’ai pas envie. De croire à vos histoires. C’est pas professionnel, tout ça. Je passe les doigts dans les trous de mon pantalon, je me mouche dans mes poches. J’attends dans le froid, je me surprends à aimer ça, je tourne les pages, tourne encore, je décide de ne plus m’arrêter, je suis comme le temps, j’oublie de respirer. Je retrouve ses yeux bleus et son sourire, enfin quelqu’un de bien, parmis ces grandes silhouettes, des mots, des vrais. Je me perds dans les reflets de l’objectif, j’oublie l’autour, je rentre dedans moi. Je trouve que les filles parlent beaucoup trop quand elles ont bu, et pas assez quand elles sont sobres. Vous êtes bien mignonnes, mais. Quand je serai grand, je serai un garçon, ou pas. Ou peut-être que j’aurais sept doigts de pieds. J’apprécie les petits riens, les sucres j’en prends même quatre, pour les dessins qui sont dessus. J’aime te regarder quand tu me tournes le dos. J’aime les gens quand ils ne savent pas qu’ils sont beaux. J’aime les histoires qu’elle continue d’écrire. J’aime quand, après deux nuits à passer, penchées sur mes crayons, on me dit enfin voilà. Ca fonctionne. Oh comme j’ai horreur de ça, ça ne veut rien dire, ça fonctionne, mais au moins j’ai réussi. A quoi ? Si seulement je savais. Peut-être même que je serais paléontologue. J’ai juste envie d’avoir envie. De manger des gaufres au sirop d’érable. De m’enrouler dans ton écharpe. Tu sais, c’est la première fois que décembre me fait sourire. Quand je compte sur mes doigts, j’ai comme la certitude que tu seras toujours là. J’espère qu’on se transforme en fumée quand on meurt, c’est beau, la fumée. J’ai envie de ces petits chocolats qu’on trouve dans les magasins à Noël. Prendre le train, demain, et. Regarder dehors, voir ce qui a changé. Rien, bien entendu, et c’est énorme. Juste énorme. Ca fait pourtant bientôt quatre ans.

[ 4 dec. ]

Derrière l’amer, souvenirs crochus qui raclent du bout de l’ongle les couches de poussière. Pour ressortir, de temps en temps. La nuit des morts, vivons. Voir ce qu’il s’y passe. Regarde, ils s’agitent, sous les feuilles, ça bruisse. Alors quoi, j’ouvre ? J’ouvre. Ca fait battre des paupières, à tes souhaits, ta morve dans ma manche. Faut pas en vouloir aux gosses, faut pas leur en vouloir. Faut pas trop toucher aux rétroviseurs, faut les laisser tels quels, et tant pis. Ne rien jeter, ne rien oublier. Faut arrêter de se cracher sur les talons. Faut pas en vouloir au passé d’être ni trop ni assez. Laissez-le faire son chemin. Rangé soigneusement dans le fond de l’étagère, empilé tout droit, bien comme il faut. Archivé. Il n’y a que comme ça que tout devient possible. On ne construit pas un château de carte sur un château de sel. On ne construit pas sans casser des œufs, il paraît. Et moi, les œufs au plat.. Un jour, j’y reviendrai. Là-bas. Un jour. Je sauterai à pieds joints au début de la marelle, niveau zéro. Apprendre. A faire la part des choses. Mais regarde, je n’ai toujours pas grandi. Clémentine dessine un vélo avec un filet à papillons. C’est pour attraper les idées qui volent sur son passage, elle dit que c’est pour moi. Pour que je fasse des dessins. Minus veut des histoires, il en veut plein. Et un prénom, facultativement. Et moi dans tout ça, j’ai à peine le temps pour le présent qu’il y a mes bretelles qui tirent des deux côtés, je marche sur mes lacets et je me casse la figure. Je pique du nez dans ton cou, je mord dedans. Des fois je me dis que peut-être c’est juste un rêve et alors ça serait pas moins bien mais j’aime bien cet endroit-là. La peau est douce, ça me rappelle un truc d’avant mais j’ai oublié quoi. Il faudrait que j’y retourne, un jour. J’ai envie de me voir apprendre à marcher, j’ai envie de me rappeler ce que ça fait, d’y arriver. J’ai envie de voir ce que ça aurait donné si. J’avais tourné à droite, plutôt qu’à gauche. J’ai envie de me suivre, d’être mon ombre, j’ai envie de me retrouver après et de me sentir moins seule parfois. A l’heure qu’il est, et je ne vais pas donner de nom parce que ça se fait pas, de toute façon, les mots disent n’importe quoi dans ma bouche et c’est rigolo. C’est pour ça que j’écris. Sinon, je m’ennuie. Et quand je m’ennuie, je me quitte, c’est comme ça. Puisqu’il fait tempête dehors, qu’est-ce qu’on est bien dedans son corps. J’aimerais être toi, pour voir. Comment ça fait. J’aimerais nous voir du dessus, du dessous, à travers les coutures, j’aimerais savoir ce que ça donne, je crois que je nous aime bien, oui. Dans mes histoires y a eu beaucoup de choses comme ça, mais en vrai c’est chouette, encore mieux. Et quand je regarde devant je vois le mur mais je vois aussi mon nez alors je pense pas que ça veuille dire grand chose. Le café a un goût de sel, et je crois que je me suis trompée. C’est dégueulasse. Y a du savon en tube sur mon bureau, ça remonte à loin, y avait des écureuils et des micro-ondes. A l’époque je sais même plus si c’était bien ou pas. C’est étrange, y a des mois dans l’année, ils disparaissent.

[ 27 nov. ]

Nuit blanche. Quel drôle de nom pour une chose aussi sombre que l’insomnie. D’ailleurs, le ciel est orange, orange citrouille. Je me rappelle des histoires gribouillées en coin de feuille déchirée, en coin de sourire, tu te rappelles toi aussi, je le sais. Le monde dort, il est trois heures. Et toi aussi, tu dors, cette fois. Donne-moi du fil à retordre, mais alors sans barbelés. Donne-moi de quoi mordre, de quoi en baver. Mais s’il te plait, arrête de crier, respire, regarde, je suis toujours là. Prends moi à la première heure, je t’emmène voyager dans les vestiges du présent, il est beau, tu sais. A trois heures du matin. Je n’ai rien oublié, rien, du pire ni du mauvais. Je n’ai rien oublié. Et je t’en veux parfois, moi aussi, de ne plus être là. De ne plus être la même, de temps à autres. Et pourtant. Les absents ont toujours tort. Dansez, mes cigales. Dansez, vous êtes si jolies, oubliez. Oubliez que je suis le scorpion dans la fourmilière. Nuit blanche. Pour pensées noires. Reflet dans le miroir se tire la malle, je dépose mon corps engourdi sur le cintre, pantin flasque et sans vie. Pulsations marbrées à la surface du café chaud, le souffle en suspens et les chuchottis des murs. Il y a ton ombre que j’enroule autour de moi, je m’y perds, je m’étouffe, de ton absence. Je n’ai pas peur, du noir. Je n’ai pas peur, pas peur. J’ai juste froid. Can you hear me, major Tom ? Minus et Clémentine dorment près du feu, c’est que le printemps est reparti, Louise. Microbe bidouille, il me chatouille l’inconscient, c’est long une nuit, vous n’avez pas idée. Mardi, quel drôle de jour. Il fait nuit quand je pousse la porte, il fait nuit quand je balance mes godasses. Il fait nuit, nuit noire, nuit blanche. Tout le temps. Le monde dort. Trouve-nous un jeu, pose-nous un défi, est-ce qu’on est obligés de s’ennuyer, et pourquoi les bâtons dans les roues ? La mienne est dégonflée, je n’essaye même pas. De rattraper le temps perdu. Minus ouvre un œil, il me demande une histoire. Sais-tu qu’il n’est jamais trop tard ? Le ciel a la chair de poule, regarde, petit. Il veut toujours la même, il pourrait la compter sur le bout de vos nerfs, la réciter par les trous de nez. Je suis imagicienne au chômage, le crayon touille dans le café, je fais des bateaux en papier pour Clémentine, elle veut voir la mer. Derrière l’amer. Nuit blanche. Je m’allonge sous le saule pleureur, je me laisse, m’abandonne, je me noie dans la grande toile noire. Nuit blanche. Pendant que soixante-dix pourcents des femmes se plaignent de n’avoir jamais connu d’orgasme sexuel, je suis toujours à la recherche. De la jouissance du sommeil. L’écriture se ressert en petit patés, plus rien n’a de sens, sauf l’interdit. Mais si tu fais marche arrière, pourquoi pas ?

[ 25 nov. ]

Devenir cosmonaute et tenir ses promesses. Deux choses que je ne pourrais jamais faire, mais il y a des histoires, comme ça, qui donnent envie d’y croire. De loin. Se couler dans l’eau du bain, bleue comme une Clémentine, jouer à faire l’étoile au bout du hameçon, la tête comme un bocal vide. Il paraît que vivre libre, c’est souvent vivre seul, mais qu’en est-il des poissons rouges ? Une soupe orange, une soupe verte, et une dernière couleur chocolat. Ribambelle de dents qui viennent claquer dans le froid de vos paroles. Ravale tes crachats, je t’emmerde, tu sais ? Elle est belle, ta vie, mon gros. Mais toi, voilà. T’as pas eu l’hotel Rue de la Paix, seulement les Champs Elysées. Les habits qui sentent les affaires de piscine qui moisissent au fond du sac depuis quelques semaines, rock, sueur, vodka. Les vibrations qui parcourent les phalanges, et les mains dans les poches. Flacon d’oxygène artificiel et questions existencielles. Pourquoi personne n’a pensé à inventer les assiettes pré-salies pour la dinette, alors qu’on colle du velcro sur la salade pour qu’elle évite de se faire la malle quand je croque. La morsure de l’indifférence. Répète après moi, et n’oublie pas. Les voyelles en bleu, les voyous en cuir. Si je faisais partie d’un gang, on m’appellerait Suzie Les-petits-fours. A micro ondes. Mourir noyé ou brûlé ? Noyé. Les allumettes me faisaient peur, tu entends le bruit de l’orage ? Il fait chaud, sur les routes, les pieds posés sur la boîte à gands, la forêt nous avalera, et on ira valser avec les citrouilles. J’aimerais adopter un herisson, ou un pingouin. Les dimanches soirs sur les quais de gare. Fumer une clope à deux, fais-moi ta pire grimace. Si j’étais David Bowie, je me serais sûrement tapé Iggy Pop. En attendant, donnez-lui un nom. Qu’il puisse conquérir le monde.
Alors elle a souri, en me narguant de son bonheur, plein dans la gueule. ©Les Elles

[ 21 nov. ]

C’est étrange, ces endroits qui semblent pouvoir résumer chaque chapitre de votre vie. Peu importe ce qu’il advient de l’histoire, ils seront toujours là. Témoins de l’imaginaire collectif. Prenons ces pavés, cette herbe. Il pleut, ça les fait briller, j’ai envie d’y coller ma langue, ça me prend dans le bide, j’ai envie de marcher sur chaque brin d’herbe. Ca m’habite. Ca prend toute la place, des fois, ça m’étouffe. Oh, c’est oppressant toutes ces cicatrices qui s’ouvrent une par une, c’est impressionant, ces étincelles. Rappelle-toi. Je me prends par la main, je me cours de partout, je m’écarte les paupières pour mieux voir, regarde ! C’est là, rappelle-toi. Les pavés glissent, ils sont beaux. De loin ils sont tous gris, mais de près. D’ici, le ciel fait des vagues, il ondule en long rubans. Des histoires de pirates. Il y a ce bateau là-bas, à vapeurs psychédéliques, ces vélos qui déraillent, qui grouillent, qui jaillissent de partout. Pédale, mec, pédale. T’arrête surtout pas, dans la machine à penser. Rappelle-toi. Je fais traîner mes pieds, en longs sillons sur l’herbe, ça fait comme des traces de ski, oh. J’ai envie de neige. Je tire la langue à la pluie, elle me crache à la gueule, vas-y. Prend-moi toute entière, l’orgie des cinq sens. Si j’enfonce mes doigts dans la terre, est-ce que ça fera de la musique ? J’ai les ongles noirs et la langue sèche. Qui vient claquer contre mes dents, comme mes bretelles qui claquent au vent. Je m’emporte. Partout, ailleurs. C’est le cimetière des vivants. Avril, octobre. Octobre, avril. J’avais du chocolat autour de la bouche, et à l’époque ma tête dépassait pas le stand de gaufres, même avec mes patins à roulettes. Et puis c’était hier. C’était il y a un an, deux ans. Quatre. Dégueule chacun de mes souvenirs, dégueule un bon coup, que je me sorte de là. Parce qu’il faut que j’en sorte. Il faut que ça arrête. De me hanter comme ça. Je m’enferme à triple tours, sous ma cabane en plastique, je tripote la couverture, Microbe veille. Dans son corps en carton. Dehors il fait soleil, mais le froid continue de mordre. C’est le temps des clémentines, et c’est même pas fait exprès.
Des fois je me dis je vais voyager, parfois j'ai envie de rester là, souvent j'ai envie de t'embrasser, c'est rare quand j'souhaite que tu sois pas là. Elle est vieille mon histoire, j'suis pas le premier à penser ça, j'en ai rien à foutre, tu sais quoi, on va quand même faire comme ça. On va cracher nos souhaits on va donner de la voix, et toi donne-moi.. ©Louise Attaque

[ 19 nov. ]

Le dé attérit en case six. Six jours, ça tient pas dans une main, ça vient chatouiller entre les deux yeux, ça vient cogner dans la poitrine, ça résonne. Donne-moi ta main, j’en ai besoin pour compter. Sur toi. Pour me faire sourire. Tu peux toujours courir, éloigne-toi près de moi, que je te sème. Entre mes bras. Minus relance, case quatre. Clémentine veut un nouveau vélo, pour faire la course contre la montre, elle veut défier le temps. Celui qu’il nous reste. A venir. Elle veut défier le vent, vivre à contresens. A force de regarder les étoiles filer, le ciel va finir à poil, c’est sur. Ta main dans la mienne comme dernier bouton, le verbe coudre en apostrophe. Je t’. Comme ça, oui, et regarde comme ça sent bon. De la citrouille dans la soupe, à l’heure du goûter. Des trèfles en guimauve, au creux de ta paume, je ferai semblant de n’avoir rien entendu, quand tu susurres dans mon oreille et que je rougis. J’utiliserai l’ivresse comme excuse, mes reflexes sont quelque peu engourdis par l’alcool et la fête, et j’ai par mégarde laissé échapper quelques avoeux compromettants. Je sors mon Joker, avec un temps de retard. Chiche de me laisser gagner ? Clémentine saute pieds joints en case sept. C’est l’heure du bain, l’heure de désinfecter les bobos, les cicatrices invisibles abandonnées ici et là, que l’on ravive du bout du doigt, sans faire exprès, que l’on effleure volontairement, pour mieux se rappeler. Qu’on n’est jamais sûr, de ce que l’on mise, qu’on n’est jamais trop loin, de la case prison. Mais dans la cour des grands, j’ai jamais posé d’hotel, il y a tant à faire, tellement de jeux auxquels je n’ai jamais joué. Interdiction de grandir si ce n’est pas pour mourir. De rire. J’ai les yeux qui collent à cause du sucre, ça pétille au bout de ma langue, tu entends ? Viens te frotter encore contre mes envies, chiche de tout chambouler, chiche de marabouter. Les idéaux collectifs. Chiche de gerber dans mes chaussettes. Case ciel. Jusqu’à Lundi, minuit. Et plus, si affinités. Dans ce petit cirque gris, les trapezistes s’envoient en l’air pendant que dehors il pleut, la nuit boude, et Paris s’ennuie. Giant Jack is on your fuckin’ back, j’ai pas peur du noir, j’ai pas peur de nous, pas peur des fantômes, pas peur de courir trop vite, à en perdre mon pantalon, de me mettre à nu, et de me perdre à pieds joints, dans les histoires où nous serions les héros. Et je t’attacherai tes lacets aux barreaux si un jour tu songes à t’en aller. Peut-être même qu’un jour je t’apprendrai à faire les nœuds. C’est plus pratique pour les cadeaux. Un, deux, trois. Soleil ! Chut, ne bouge pas, il y a encore quatre dodos à faire, ne te retourne pas, non. Je n’aime pas les aurevoirs.

[ 10 nov. ]

Il est l’heure du goûter, assis en rond autour de la marelle bleue, tracée à la craie, à la hâte, sur le bitume sombre de la cour de récré. Abandonnée. Y a plus d’enfants, il paraît, on n’est pas sérieux, à dix-sept ans, mais à dix-huit, que devient-on ? Plus rien. Y a plus d’enfants. Je retrousse mes manches, grande chemise blanche. Peinturlurée. Fais claquer mes bretelles sur mon ventre, j’ai pas de nichons, pas encore, ça viendra avec le temps, sauf si je le tue, sauf si je le perds. Je fait des revers autour des bras du môme à salopette. Il n’a pas de prénom, mais il a les cheveux couleur étoile. Clémentine distribue les gâteaux, aujourd’hui c’est Cookies, cinq chacun. Raconte-nous la réalité, ils disent. Je fais claquer ma langue. Hier encore j’étais rousse, comme toi, tu sais. Et maintenant, j’ai une carte bleue. Le mégot dans l’assiette en plastique. Rose. Brûler l’innocence, partie en fumée. Un, deux, trois. Quatre, cinq. Six. Sept, huit. La case ciel, combien ne l’attendront jamais ? J’avais jamais touché les étoiles, avant. Verse-moi de l’addiction, fais-moi rêver, allez, sans permition. Ici il n’y a plus d’enfants, il n’y a pas de grands. L’endroit est désert. Le terrier du lapin fou. Des traces violettes sur mes doigts, et les miettes qui s’inflitrent dans le col, ça vient gratter dans le nombril. Sept, huit. Laisse-moi grimper sur tes épaules, quelle est la texture du ciel, combien d’étoiles ? Grandir ? Je remonte les aiguilles, encore. Bloqué à l’heure des sourires, le sablier toqué. Tic. Tac. Pantin enchapauté, je me raccroche à l’enfance, je l’aggripe par les ongles, je déchire dedans. Ca fait comme du papier cadeau que l’on froisse. Enveloppe-moi. Mords-moi dedans, fais glisser tes mains, oui, comme ça. La peau en plastique des enfants décharnés. Des cheveux blancs me chatouillent le menton, c’est l’heure de la sieste. Jusqu’à lundi, minuit. J’avais jamais touché les étoiles, avant. Raconte-moi les bébés. Et croque-moi à pieds joints, aime-moi la tête la première, comme quand. C’était pour de faux. Comme quand. Quatre, cinq. Six ? Traîne-moi dans tes yeux, que je te crache par terre, allez, apprends-moi à danser. Le bancs de ceux qui. Ne seront jamais grands. Ces petits riens qui me choppent par les tripes, me retournent comme une chaussette. Bondir, hurler. C’est l’heure de la sieste. Clémentine lance son pied contre le lampadaire. Comment faisait-on, avant ? Rendez-moi mon rire d’enfant.

RÊVE, (n.m), rare, de rêver :

1. Suite de phénomènes psychiques se produisant pendant le sommeil (images, représentations ; activité automatique excluant généralement la volonté).
=> songe, rêver, onirique, cauchemar.
2. Construction imaginaire destinée à satisfaire un besoin, un désir, à refuser une réalité pénible.
=> rêve diurne, désir, fantasme.
3. L'imagination créatrice, la faculté de former des représentations imaginaires.
=> vision, illusion.


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