Marche ou Rêve* by Mrs Krobb



MGMT - Kids

Quand je me suis réveillée, j'avais le coeur qui battait très fort. J'ai d'abord cligné des yeux, et j'ai vu la lumière. Ce même éclat que je connais si bien, j'ai su qu'il faisait beau à travers les rideaux, mais tout cela n'a eu aucune importance. Les rêves sont de drôles de choses. Dans un livre que j'ai lu il n'y a pas longtemps, c'était écrit que les cauchemars sont seulement les pets de l'inconscient, des choses disgracieuses certes, mais qu'il est important d'éliminer d'une façon ou d'une autre, et tant qu'à faire, de façon discrète, la nuit. Sur une échelle de un à dix, je dirai que cette nuit-là, l'explosion a été tellement forte qu'elle a décollé toutes les barrières, toutes les convictions, en fait, tout, tout court. Quand je me suis réveillée, j'étais ensevelie sous une montagne énorme de tout ce que j'ai essayé de refoulé pendant quelques années. Le pouvoir de rêver. L'art de rêver. Putain, ne vous engagez jamais dans cette aventure si vous n'avez pas la garantie que votre tête ne décollera jamais de vos épaules. Les rêves. J'y ai toujours donné plus de place qu'à tout le reste, ne serait-ce qu'à cause de la nébuleuse de traumatismes autour de laquelle j'ai été mise en orbite pendant si longtemps, mais à tout prendre ou tout jeter, je dirai que j'y ai pas mal gagné, finalement, tu m'as appris à canaliser de façon très poétique. Je ne t'en remercierai jamais assez. Aujourd'hui n'a pas eu le même goût que les autres jours, et bien qu'ils en changent assez souvent, j'ai tout de suite compris ce que ça signifiait : j'ai réalisé enfin ce qui arrivait. Et pour la première fois, j'ai eu envie de pleurer. A la place, j'ai ouvert le livre de Chuck Palahniuk, car c'est bien la seule solution radicale à tous les problèmes. Je me suis refusée de voir les constellations de coïncidences honteuses, ne serait-ce que pour ne pas le laisser m'avoir une deuxième fois, ne serait-ce que pour ne pas devenir vraiment fou, en fait. Le chapiteau semble avoir pris feu, il penche comme une épave, pourtant alors dis-moi, pourquoi il est toujours là. Il faudrait alors tout jeter, mais tu me connais, j'ai beau me réinventer une nouvelle vie à chaque big bang émotionnel, je garde tout en archivage, pour ne jamais rien oublier, au fond je crois surtout qu'il n'y a rien à jeter. Je continue de fermer les yeux, de l'intérieur. Charlie est le dernier survivant en date, parfois il s'amuse à nager sur le dos et alors je crie et je pleure, et ensuite il cavale comme un poney en furie dans son aquarium ; franchement, c'est un tel comique de situation, pourquoi alors il n'y a que pour toi que je n'y arrive pas ? J'ai mal à l'intérieur de moi, alors je fume cigarette sur cigarette, en plus aujourd'hui il n'y a rien qui marche, si ça n'est pas un signe, c'est au moins un coq, et il fait beaucoup de bruit. A m'en. Casser. Les oreilles. Aujourd'hui encore, quand je me suis réveillée, j'avais le coeur qui battait très fort. Les draps humides qui collent à la peau, les mâchoires qui font mal, les cheveux encroûtés parmi les cils. Je ne connais que trop bien ce goût de sang dans la bouche, qu'il faut faire partir à grands renforts de café bien noir. La première réflexion qui me vient à l'esprit, c'est : pourquoi est-ce que je comprends toujours tout avec tant d'années de retard ? Pourquoi est-ce que toutes mes colères d'hier me paraissent tellement dérisoires, pourquoi je regrette de n'avoir jamais pardonné, pourquoi, dis-moi pourquoi, j'ai encore et toujours l'impression que quelque chose manque, et que c'est fini maintenant, vas-y pour le retrouver. Je n'écris plus d'histoires depuis des lustres simplement parce que j'ai brûlé les rails du train qui menaient à ce qui est important, et tout ça, tout ça pourquoi ? Pour que Tu n'y accèdes pas. Pas avec cette facilité nonchalante dont Tu as eu l'habitude, pas avec cette perversité crasse qui m'a fait rendre l'âme sur des parquets poussiéreux des centaines de fois. C'était ma dernière lutte contre tout ça, mon dernier combat, ma dernière carte, et putain, ça T'auras vraiment foutu les glandes, toutes ces nuits où je ne me suis pas réveillée en pleurant Ton nom et en hurlant mes poumons. Je pourrais presque dire que j'ai atteins à plusieurs reprises le comble de la sérénité, mais là aujourd'hui, en me réveillant, j'ai compris ce qui manquait. Toute cette folle intensité qui m'a rendu barge à en perdre le souffle, fléchir les jambes et rougir les joues. Je traque chaque petite poussière de folie glissée dans la tête des gens, je traque mon passé et je ratisse mon avenir, j'ai aucune chance véritablement de réussir aussi facilement, même si je suis très proche de l'objectif, je me rends compte à quel point il m'est impossible de vivre seulement d'un seul côté du miroir. Je me rappelle d'une époque où la seule image que l'on avait de moi était celle d'une fille foutrement paumée, complètement malade et à la limite de l'autisme, je crois pouvoir dire que j'ai fait un bon bout de chemin depuis. Maintenant tout ce qu'il me reste à faire c'est m'acharner à reconstruire la voie ferrée, et à garder à portée de main toutes les armes que je possède désormais pour Te détruire autant que Tu l'as fait avec moi. Je me demande si Chuck Palahniuk sait qu'il est Dieu sur terre, et je me rends compte encore que tout ça me ramène toujours à la même chose. C'est dingue. Comme rien ne change jamais, en réalité. Parfois je me dis que c'est vraiment con qu'on soit si jeune de l'intérieur à cette époque de la vie où tout est important. Les choses n'auraient pas été les mêmes. Bon, disons seulement que c'est la faute de Ken Grimwood. Action. Replay.


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Le coin lecture, pour l'heure du thé, entre le goûter et l'histoire du soir, entre vieux grimoires jaunis et feuilles volantes, entre récits tronqués et histoires inachevées, entre nouvelles cinglantes et bribes de rêves.
Des textes écrits le mercredi après-midi et le dimanche soir, à l'heure de l'ennui, celle qui vous pousse à. Réinventer le monde. Devenir quelqu'un.
N'ayez pas peur d'abîmer les coins, roulez-vous dans mes mots, jetez-vous dedans, il parait que c'est l'automne.
Faites hurler les constellations, ruez vous sur l'occasion : le Monde est à vous.
Alors, un ou deux sucres ?

Bu (entier)

Cachette

De l'autre côté de l'eau I-II-III (entier)

Enid (entier)

Etoile (entier)

Lila et Robbie

Ma voisine (entier)

Messagers

Ninon et le cirque (entier)

Realusion

Shy

Spoon (entier)

Train fantôme

Triangle des Bermudes (entier)


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